Les épidémiologistes des plateaux-télé et des réseaux sociaux laissent place aux commentateurs de l’offensive russe contre l’Ukraine, quand ce ne sont pas toujours les mêmes experts-spécialistes en tous genres.
Du sanitaire au militaire. Une guerre en rattrape une autre.
Le «virus» semble irrécupérable…
L'Homme. «Ne prononcez plus ce mot!», disait le personnage d’Eugène Ionesco dans sa pièce emblématique du théâtre de l’absurde, «Rhinocéros», créée en 1959, dans laquelle les individus ayant au préalable l'air normal, se transformaient les uns après les autres en rhinocéros, jusqu'au triomphe total de l’épidémie de «rhinocérite».
Saisissante parabole pour décrire, à travers l’odieuse métamorphose des meutes dociles et apeurées en figures de l’animalité, la montée en puissance des totalitarismes à l'aube de la Seconde Guerre mondiale.
L’humanisme est-il vraiment périmé?
Quel crédit accorder aujourd’hui à ceux qui brandissent le droit fondamental et inaliénable de la liberté d’expression, tout en instaurant la pensée unique en tant qu’outil d’encadrement des esprits ou en cataloguant par ailleurs comme complotistes les réflexions qui sortent des moules du prêt-à-penser? Ceux qui donnent à la planète entière des leçons de démocratie, quand ils en ont bafoué eux-mêmes les fondements, exécutant des répressions contre les contestations populaires face aux mesures liberticides décrétées, entre blindés et dispositifs de sécurité hors normes dans les rues de capitales, violences policières contre les manifestants, gel des comptes bancaires des opposants devant le regard détourné des médias mainstream?
Alors que le monde se préparait, sauf prédictions lugubres, à un retour à la normalité, nous voilà tous spectateurs impuissants d’une nouvelle guerre, d’une autre nature et d’une autre ampleur dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences malgré les premières annonces qui se veulent rassurantes.
Outre les répercussions économiques pour des populations déjà exsangues, se profilent d’autres drames humains dont le sort des réfugiés fuyant les atrocités de la guerre, les peuples étant toujours le dindon de la farce.
A ce sujet, de manière absolument décomplexée, le journaliste français Philippe Corbé, anticipant sur BFM TV la manière d’accueillir en Europe les flots de réfugiés ukrainiens, insistait sur le fait qu’il s’agit d’une question importante qui allait se poser aux dirigeants de l’Union européenne: «on ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime soutenu par Vladimir Poutine, on parle d’Européens qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route et qui essaient juste de sauver leur vie…». (Sic).
Vous savez, ces mêmes Syriens (au même titre que les Irakiens du reste, entre autres peuples!) qu’on devait magnanimement protéger de leur dictateur pour les abandonner à leur sort après avoir contribué à mettre leur pays à feu et à sang.
Droits de l’Homme, que de crimes commis en ton nom!
Cette semaine encore, à Dunkerque, à la frontière franco-britannique, 180 femmes, hommes et enfants ont été expulsés de leurs campements et des ordres ont été donnés pour détruire leurs tentes et saisir les seules sources d'eau installées par une association.
Du harcèlement sous couvert de «mise à l’abri». De peuples à sauver, à parias.
Alors, avec tout cela, et bien que dénonçant sans équivoque cette attaque inacceptable contre l’Ukraine, qui donne l’impression d’avoir servi de pion dans un cynique jeu de stratégie pour être abandonnée seule à son destin, excusez-moi de ne vouloir me rallier personnellement à aucun camp, si ce n’est celui de l’humain quelle que soit sa couleur, sa religion, son continent ou son moyen de locomotion!
Dans ce monde où prévaut l’uniformisation, il est encore permis de réfléchir par soi-même et de résister. Jusqu’à quand ?
Bérenger, personnage d’Ionesco, incarnation symbolique du «résistant», concluait à sa manière: «jamais je ne deviendrai un rhinocéros, jamais, jamais! (….) Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout!».





