En dépit de discours optimistes plus proches de la «méthode Coué» que de la réalité, l’économie africaine continue de montrer à la fois sa fragilité et son artificialité. Les situations locales sont différentes et il est difficile de comparer les pays enclavés et les pays à façade maritime, les pays producteurs de pétrole et les pays agricoles, ceux qui ont réussi à diversifier leurs productions et ceux qui dépendent d’un ou de deux produits et dont les économies sont suspendues aux variations des cours mondiaux. Economiquement parlant, il est cependant possible de dégager plusieurs grandes constantes de l’économie africaine:
– A l’exception d’enclaves dévolues à l’exportation de ressources minières généralement confiées à des sociétés transnationales sans lien avec l’économie locale, l’Afrique au sud du Sahara est aujourd’hui largement en dehors du commerce, donc de l’économie planétaire puisque, malgré le pétrole et les minerais, sa part dans les échanges mondiaux (importations plus exportations), est dérisoire. De 6% en 1980, elle s’est effondrée à environ 3% aujourd’hui.
–Non seulement les matières premières n’ont pas entraîné le développement, mais, tout au contraire, elles ont dopé la corruption, le gaspillage et les pénuries. L’Angola qui engrange chaque année plusieurs dizaines de milliards de dollars grâce à ses exportations pétrolières voit ainsi plus de 70% de sa population vivre avec moins de 2 dollars par jour et un enfant sur quatre y meurt avant l’âge de cinq ans. En Algérie et au Nigeria, le tout pétrole a détruit une agriculture jadis florissante et entraîné une gabegie démesurée.
–Ecrasés par le chômage, les pays producteurs de matières premières extractives n’ont toujours pas entamé l’impératif mouvement de diversification qui, seul, pourrait leur permettre d’échapper aux malédictions liées à la variation des cours et de donner du travail à leur jeunesse. Or, selon le cabinet McKinsey, l'industrie extractive ne créé pas d'emplois car elle ne concerne que moins de 1% des travailleurs. A une exception toutefois, l’Afrique du Sud, où le secteur minier représente environ 6% des emplois.
–En 2020, l’Afrique n’a produit que 1,9% de la valeur ajoutée mondiale dans l’industrie manufacturière, les 9/10% étant réalisés par deux pays, l’Afrique du Sud et l’Egypte.
–Illustration de sa faible attractivité, en 2020, l’Afrique a continué à être délaissée par les investisseurs mondiaux. Selon les chiffres des IED (Investissements étrangers directs) donnés par la Cnuced pour l’année 2017, sur les 2000 milliards (mds) de dollars d’IED mondiaux, l’Afrique en a recueilli à peine 60, soit moins que la petite Irlande (79,2 mds pour 5 millions d’habitants). En 2019, ce chiffre s’effondra à 45 mds et la baisse s’est poursuivie durant l’année 2020 (Cnuced, World Investment Report 2020). Or, sans investissements, pas de créations d’infrastructures, donc pas de développement industriel possible.
–Aujourd’hui, plus de la moitié de la population du continent, soit environ 600 millions de personnes, vit avec moins de 1,25 dollar (moins de 1 euro) par jour. Si nous ajoutons à ce chiffre les 250 millions d'Africains ayant un revenu situé entre 2 et 4 dollars, soit, juste à la limite supérieure de l'extrême pauvreté, cela fait un total d'environ 670 millions d'Africains sur une population totale de 1,2 milliard qui vit dans la pauvreté. Pour simplement stabiliser la pauvreté, il faudrait à l’Afrique subsaharienne une croissance de 7% par an durant de nombreuses années, or, avec une croissance moyenne de 2 à 3%, durant la décennie 2010-2020, le continent s’est appauvri. Quant aux conséquences du Covid-19 sur les économies africaines, un premier bilan sérieux et chiffré devrait pouvoir être fait après le premier trimestre de 2021.
–De 1960 à 2020, le continent africain a reçu en don, au titre de l'APD (Aide pour le Développement) environ 2000 milliards de dollars, soit en moyenne 35 milliards de dollars par an, sans compter les aides privées et de très importantes annulations de dettes. En dollars constants, le continent a donc reçu plusieurs dizaines de fois plus que l’Europe avec le plan Marshall. Or, cette aide au développement (APD) n'a guère eu de résultat.