Alger vient de rappeler en consultation son ambassadeur à Paris, avant de décider de fermer son espace aérien aux avions militaires français ravitaillant Barkhane. La raison?
Le président Macron qui, depuis le début de son quinquennat n’a cessé de donner des gages mémoriels à l’Algérie, accumulant les concessions gratuites, et qui, en échange, espérait naïvement une «pacification des mémoires», a été très mal payé en retour, les autorités algériennes n’ayant cessé de faire du maximalisme.
Voyant dans les ouvertures et les concessions françaises une reconnaissance de «culpabilité», elles ont, comme l’on dit vulgairement «poussé le bouchon trop loin», exigeant toujours plus de la France. Cela a fini par «agacer» les autorités françaises, poussées par une opinion publique qui ne veut plus entendre parler de repentance.
En plus de cela, la France qui accorde chaque année des centaines de milliers de visas aux Algériens, se heurte au refus obstiné d’Alger de simplement récupérer ses ressortissants déboutés du droit d’asile ou condamnés de droit commun. Or, là encore, l’opinion française est à bout et la course électorale présidentielle qui a démarré va se faire sur la question la défense de l’identité nationale, de la fin de l’immigration incontrôlée et de la sécurité.
Voilà pourquoi, considérant que la «coupe est pleine», le président Macron a décidé d’adresser un message très clair au «Système» algérien à travers des propos non démentis, rapportés par le journal Le Monde.
Or, ce qu’a déclaré le président français est un coup terrible porté au cœur même de la fausse identité algérienne fabriquée par le FLN depuis 1962.
Trois points de la déclaration présidentielle française ont particulièrement ulcéré les dirigeants algériens:
1-Le «Système» à bout de souffle qui dirige l’Algérie survit grâce à «une rente mémorielle» entretenue par une fausse histoire.
2-La question de l’existence de la nation algérienne peut être posée puisque le pays est directement passé de la colonisation turque à la colonisation française.
3-Pourquoi les dirigeants algériens dénoncent-ils toujours les 132 ans de colonisation française et jamais les 276 ans de colonisation turque?
Ces trois questions brisant le tabou mémoriel algérien, les dirigeants d’Alger ont donc immédiatement réagi.
Dans l’une de mes premières chroniques, je posais la question de savoir pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc?
A travers cette interrogation, nous sommes en effet là face à la grande question posée par le président Macron. Une question qui hante les dirigeants d’Alger car, comme l’a dit historien algérien Mohamed Harbi: «l’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens».
Mohamed Harbi a raison. Cette histoire à laquelle le «Système» algérien s’accroche à travers un nationalisme pointilleux est effectivement un «Enfer» car elle montre que l’Algérie n’a jamais existé. D’où un complexe existentiel rendant impossible toute analyse rationnelle.
Mais cette histoire est également «Paradis», parce que, pour oublier cet «Enfer», les élites dirigeantes algériennes ont fabriqué une fausse histoire valorisante à laquelle elles sont condamnées à faire semblant de croire...
D’où cet énorme tabou historique qui interdit aux Algériens de simplement se demander pourquoi, alors que, depuis Fès et Marrakech les Almoravides, les Almohades, les Mérinides, les Saadiens et les Alaouites, développèrent des empires s’étendant à certaines époques sur tout le Maghreb, l’Espagne et jusqu’à Tombouctou, Tlemcen et Bougie ne dépassèrent quant à elles pas le stade de principautés, certes brillantes, mais qui n’eurent pas de prolongements étatiques modernes?
La réponse est claire: parce que, jusqu’à la colonisation turque, Bougie vécut au rythme des hauts et des bas de Tunis. Quant à Tlemcen, durant près de huit siècles, de 790 à la colonisation turque qui débuta en 1554, elle fut, sauf durant quelques décennies à la fin du XIVe siècle et au début du XVe, quasi-constamment sous influence ou sous domination marocaine.
Là est le non-dit d’ordre psychanalytique sur lequel repose toute la diplomatie algérienne et sur lequel ont buté toutes les tentatives d’union du Maghreb.