C'est dans la zone contact entre les mondes saharien et sahélien qu’apparurent les grands empires urbanisés de l'ouest africain: Ghana, Mali et Songhaï (ou empire de Gao). Ils s'y succédèrent, déplaçant leur cœur depuis le fleuve Sénégal à l’ouest jusqu'à l'est de la boucle du Niger.
L'initiative de la création des premières villes commerçantes de la partie septentrionale de la zone sahélienne, notamment Tadmakka et Aoudaghost, semble être due à des Berbères. Peuplées et dirigées par des Noirs, Soninké au Ghana, Malinké ou Mandingue au Mali, Songhaï dans l'empire de Gao, Kanuri au Kanem, leur développement résulta de l’islamisation qui créa une civilisation urbaine au sud du Sahara. Fondés pour et par le commerce, ces empires sahéliens définirent une priorité qui était la défense des carrefours sahariens et le maintien du monopole des transactions entre le Maghreb, essentiellement le Maroc, et le Sahel.
Dès les premiers temps du commerce transsaharien, les routes partaient de Sijilmassa (Rissani). Fondée en 757 de l’ère chrétienne dans le Tafilalet par Semgou ben Wassoul al Miknassi, Sijilmassa était en relation directe avec l’empire de Ghana et sa capitale, Koumbi Saleh, située dans la zone frontière entre la Mauritanie et le Mali actuels. Sijilmassa était comme le port du nord du Sahara, le point obligé pour les caravanes allant vers le sud ou en revenant. Plaque tournante et plus encore lien entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire, Sijilmassa était fréquentée par des commerçants venus de Fès, de toutes les villes littorales ou intérieures du Maroc, ainsi que de Tlemcen.
La position carrefour de Sijilmassa apparaît comme évidente lorsque l’on compte les jours de marche séparant la ville des pôles commerciaux de la région: 9 à 11 jours pour Fès; 12 jours pour Tamedelt et 60 pour Ghana.
Sijilmassa était également favorisée au point de vue agricole et, de plus, l’eau y était abondante. Ces possibilités constituaient un atout considérable car, «porte du désert», la ville offrait toutes les possibilités de ravitaillement aux caravanes venues du nord et qui devaient s’y munir pour les deux mois de marche à travers 1500 à 1800 kilomètres de désert.
Tout le sud du Maroc s’enrichissait à partir de Sijilmassa. Le fret caravanier venu du sud consistait en or produit au Bambouk, à proximité du fleuve Sénégal, au Bouré sur le Niger et au Lobi sur la Volta. Mais l’or n’était pas le seul produit fourni par le sud. L’ambre gris, la gomme arabique, les peaux d’oryx destinées à la fabrication de boucliers, les peaux de léopard, de fennec, les esclaves, alimentaient également le commerce transsaharien.
Le Maroc fournissait au monde sahélien des articles de luxe, produits de son artisanat comme les bijoux, les armes ou les étoffes, mais aussi des produits d’usage courant comme les ustensiles de cuisine, la poterie, les tissus ordinaires, les couteaux, les miroirs, etc. Les productions agricoles comme le blé, les fruits secs, les dattes entraient également pour une large part dans ce commerce, sans oublier les chevaux.
A partir du XVe siècle, et plus encore après le XVIe siècle, l’arrivée des Portugais sur le littoral ouest africain réorienta le commerce sahélien vers le sud, vers l’océan. Ce fut alors la victoire de la caravelle portugaise sur la caravane saharienne dont les conséquences économiques frappèrent le Maroc.
Sijilmassa entra alors dans un progressif endormissement, au point d’être peu à peu abandonnée par sa population. En 1591, afin de tenter de rétablir les grands axes caravaniers, le sultan marocain Ahmed el-Mansour lança l’expédition de Tombouctou. Une extraordinaire aventure qui ne parvint pas, toutefois, à rendre à Sijilmassa son lustre d’antan.