Durant l’été 1962, dans l’Algérie juste indépendante, les contradictions contenues durant les sept années de guerre contre la France éclatèrent au grand jour entre le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) et l’ALN (Armée de libération nationale) commandée depuis 1960 par le colonel Houari Boumédiène. Intacte car réfugiée en Tunisie et au Maroc, l’armée des frontières n’avait quasiment pas combattu les forces françaises. Le président du GPRA, Benyoucef Benkhedda ne craignait pas de dire à ce sujet que: «certains officiers qui ont vécu à l’extérieur n’ont pas connu la guerre révolutionnaire comme leurs frères du maquis (…)».
Ce fut en 1958, après la création du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) à Tunis, que les conflits s’exacerbèrent entre trois forces:
- entre le «noyau dur» de cet organisme , composé de Krim Belkacem, d’Abdelhafid Boussouf et de Lakhdar Bentobbal d’une part, et les cinq prisonniers détenus en France depuis le détournement de leur avion le 22 octobre 1956, à savoir Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Hamed, Mohamed Boudiaf, Mostefa Lacheraf et Mohamed Khider d’autre part;
- entre le GPRA et l’armée des frontières, l’ALN (Armée de libération nationale), cantonnée au Maroc et en Tunisie.
- Entre l’armée des frontières et les survivants des maquis de l’intérieur. L’armée des frontières reconnaissait l’EMG (état-major général), dirigé par le colonel Boumédiène quand les survivants des maquis de l’intérieur obéissaient au GPRA.
La prise de pouvoir des partisans de l’armée des frontières, réunis dans le «groupe d’Oujda» se fit en sept étapes:
1-Ahmed Ben Bella et Houari Boumédiène débutèrent leur coup de force au mois de mai 1962 quand le GPRA fut sommé de convoquer le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) en congrès. Leur but était de doubler le GPRA par la constitution d’un bureau politique qu’ils contrôleraient.
2-Le 28 mai, dès le début de la réunion, l’atmosphère fut extrêmement tendue entre Benyoucef Benkheda, le nouveau président du GPRA, et son vice-président, Ben Bella, qui s’invectivèrent. La direction collégiale explosa alors et autour de Ben Bella, un groupe de pression réussit à faire adopter le modèle socialiste et le parti unique.
Désavoué, Benyoucef Benkheda quitta la réunion.
3-Les combattants des maquis tentèrent alors une médiation. Les 24 et 25 juin, les wilaya II, III, IV, la Zone autonome d’Alger et les représentants de la fédération de France du FLN se réunirent à Bordj Zemmoura, en Kabylie. Ils y annoncèrent la création d’un «comité interwilaya», puis ils condamnèrent la « rébellion» de l’EMG (armée des frontières) et demandèrent au GPRA d’en faire autant.
4-Le 30 juin, le GPRA se réunit et il destitua l’EMG. En réaction, le 2 juillet, Ben Bella et Boumédiène demandèrent aux chefs des wilaya de se mettre sous les ordres de l’EMG.
5-Le 11 juillet, Ben Bella s’installa à Tlemcen où il fut rejoint le 16 par le colonel Boumédiène. Désormais, deux coalitions s’opposèrent, le «groupe d’Alger» et le «groupe de Tlemcen». Le second annonça qu’il prenait en mains les destinées de l’Algérie. Le coup de force était en marche.
6-Le 23 juillet, Mohammed Boudiaf et Aït Ahmed qui accusaient le «groupe de Tlemcen» de vouloir instaurer une dictature en Algérie partirent s’installer en pays kabyle, à Tizi Ouzou, d’où ils lancèrent un appel aux Algériens pour qu’ils s’opposent au coup de force. Le 27 juillet, ils y furent rejoints par Krim Belkacem. Désormais, il y eut donc un troisième groupe, le «groupe de Tizi Ouzou».
7-Le 25 juillet, le commandant Larbi Berredejem de la wilaya II prit Constantine et puis il rejoignit le «groupe de Tlemcen». Des combats eurent lieu dans la ville puis, le 29 juillet, la wilaya IV prit le contrôle d’Alger, enlevant la ville à la ZAA (Zone autonome d’Alger) dont les chefs furent arrêtés. Le 4 septembre, Ben Bella prit position à Oran d’où il donna l’ordre à ses troupes de marcher sur Alger, ce qui provoqua de violents combats. Le 9 septembre, Ben Bella et le colonel Boumédiène entrèrent à Alger à la tête de l’armée des frontières.
Pour lutter contre ce coup d’Etat, un an plus tard, fin septembre 1963, d’anciens cadres des wilaya II et IV, ainsi que des responsables politiques se réunirent à Aïn El Hammam, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Tizi Ouzou et ils décidèrent de prendre les armes. La guerre civile faillit alors éclater et c’est probablement afin de l’éviter que le gouvernement algérien déclencha la «guerre des sables», ce qui lui permit de réconcilier provisoirement les deux camps dans l’«union sacrée» face au Maroc.