Nous avons vu la semaine dernière comment l’Algérie, alors possession française, bénéficia des amputations territoriales faites par la France aux dépens du Maroc qui était un royaume indépendant. Aujourd’hui, je vais revenir sur les conséquences du traité de Lalla Maghnia (1845).
Ce traité avait autorisé la France à exercer son droit de suite au Maroc. Or, la situation dégénéra à la frontière entre le Maroc et l'Algérie, à la suite de problèmes internes à la tribu des Ouled Sidi Cheikh. Divisée en deux groupes, celui des Cheraga, qui vivait en territoire français, et celui des Gharaba sous autorité marocaine, en 1861, à la mort du chef des Cheraga, Si Hamza, les deux composantes de la tribu décidèrent de se réunir. Une insurrection éclata ensuite qui s'étendit aux hauts plateaux algériens dont les populations se joignirent aux Ouled Sidi Cheikh.
En 1870, le général Wimpfen battit les Cheraga qui trouvèrent refuge au Maroc où il les poursuivit. En 1884, Bou Amama, marabout fondateur d'une zaouia demanda la protection effective du sultan du Maroc sur les oasis du Touat et du Tidikelt afin de se garder des ambitions françaises qui devenaient de plus en plus réelles depuis l'annexion du Mzab en 1882.
Théophile Delcassé ministre français des Affaires étrangères de fin juin 1898 au 6 juin 1905, voulut ensuite établir un compromis avec le Maroc, ce furent les Accords des Confins. Signés en mai 1902, ils ne délimitaient pas les territoires mais ils instituaient un contrôle commun de la région. Mais au cours de l’année 1903, les militaires français voulurent prendre la ville de Figuig que le traité signé en 1845, à Lalla Maghnia, avait pourtant explicitement laissée au Maroc et où le sultan était représenté par un caïd qui avait juridiction sur les oasis du Touat.
Depuis mai 1903, Charles Jonnart (1857-1927) était gouverneur de l'Algérie, et il était tout acquis à ce plan. Le général Hubert Lyautey reçut alors l’ordre d'assurer la pacification de la frontière depuis la Méditerranée jusqu'à Beni-Abbes. Au mois d’octobre 1903, en territoire marocain, Lyautey fit occuper Béchar, qui contrôle le Haut Guir, les oasis du Touat et les pistes du Soudan.
Lors des expéditions suivantes, et surtout en juin 1904, avec la prise de Ras el Aïn (Berguent), c'était bien une autre partie du territoire marocain qui était ainsi occupée.
Au mois d’août 1907, les Béni Snassen vivant dans le massif éponyme situé entre Berkane au Nord, Oujda au Sud et se prolongeant en Algérie jusqu’à la hauteur de Nedroma, se soulevèrent.
Le 12 janvier 1908, les tribus étant vaincues, la France fonda les postes d’Ain Sfa, de Berkane, de Taforalt et de Martimprey (Ain el-Hadid en Algérie). Désormais, il était clair que la France allait amplifier sa politique de prise de contrôle du Maroc à partir de l’Algérie.
D’autant que, et comme nous l’avons vu dans ma précédente chronique, le 8 avril 1904, au terme de laborieuses négociations entre la France et l'Angleterre des accords avaient été signés qui donnaient à chacune des parties une totale liberté d'action dans son propre «domaine» géographique. La France se voyait ainsi reconnaître la possibilité d’étendre son influence au Maroc.
L’Espagne fut la grande perdante de cet arrangement franco-britannique. Le 3 octobre, avec réalisme son gouvernement en prit acte en renonçant à une partie de ses prétentions territoriales, acceptant de n’acquérir finalement qu’une zone limitée dans le nord du royaume, une petite enclave autour d'Ifni ainsi qu’une bande littorale découpée sur le Sahara atlantique marocain.