Au Québec, l’expression «grippe d’homme» signifie exagérer les symptômes d’une maladie bénigne et croire que la mort est proche dès que le nez coule. En Angleterre, man flu (grippe d’homme) désigne un petit rhume ou petit désagrément dont l’homme se plaint comme d’une maladie importante.
Qu’en pensent les épouses?
«Un homme malade? Ciniiiima akhti (un spectacle)!»
«Il redevient enfant. Et moi? Sa maman!»
«Le moindre rhume ou mal de tête l’exténue.»
«Une douleur au dos? Il s’allonge et se décharge de toute responsabilité. Il râle: wa’ibadou Allah, rani mriiiide.»
Les femmes souffrent en silence, ayant appris à maîtriser les douleurs des menstruations puisque c’est hchouma d’en parler. On leur apprend sbère (l’endurance) pour être des épouses dignes. Elles devaient accoucher en silence. Une femme pouvait accoucher seule, en plein champ. De retour à la maison, le mari trouvait le bébé et le repas prêt.
Douillet ou pas, les hommes, selon les femmes, gémissent pour un rien: «il me rend folle, il m’envoie lui préparer une soupe. Quand j’y vais, il me reproche de l’abandonner!». Plus drôle: «c’est moi qui deviens son esclave, mais il gémit en appelant sa mère: amouimti, ah moui…».
«Mon mari devient agressif et déborde de fchouche (caprices).»
«Quand j’ai mal à la tête, je prends un comprimé et reprends mes activités. Quand c’est lui, il s’écroule, se met un bandeau sur le front, des tranches de citrons sur les tempes et répète en boucle: Allah y Rabbi, comme s’il agonisait.»
«L’épouse, malade ou pas, continue à vaquer à ses obligations dans le foyer et hors de celui-ci.»
Selon les femmes, l’homme banalise la douleur de l’épouse. «Sa grippe est toujours beauuucoup plus forte que la mienne. Je n’ai pas le droit de me plaindre.»
«Il n’accorde jamais d’importance à ma douleur. Même quand je suis alitée, il me demande de prendre en charge le foyer.»
«Il m’enrage quand il me dit: qu’as-tu fait pour être fatiguée?»
«Mais lui, dès qu’il est pâle, il se repose car msikine fihe almoute (il agonise)!»
«Au moindre bobo, il évoque la mort: tanmouuuuute.»
Les hommes font un déni de la maladie de l’épouse, par peur que leur univers s’écroule. Mohamed: «mon Dieu. Si elle garde le lit, je panique grave. Je suis incapable m’occuper de la maison, des enfants, des courses, cuisiner. Allah ysmah lya menha (Dieu, qu’elle me pardonne)». Merci Monsieur, une belle reconnaissance qu’attendent toutes les femmes.
Cela dit, soyons honnêtes: il y a des hommes qui ne sont pas ‘la sabba (douillets) ni capricieux quand ils sont malades. Ils ne sont juste pas nombreux…
Selon Serge Marchand, chercheur en neurosciences (Québec), la plupart des sens sont plus développés chez les femmes que chez les hommes, comme l’odorat et la douleur. La testostérone, l’hormone masculine, atténue la sensation de la douleur. La sensibilité à la douleur serait constante chez les hommes. Chez les femmes, elle varie avec le cycle menstruel et les changements de sécrétion d'œstrogènes et de progestérone. Avant l’ovulation, la femme supporte plus la douleur, mais moins à l’approche des règles. Ce qui expliquerait ces douleurs qui peuvent être insupportables.
Les femmes, contrairement aux hommes, ressentent diverses formes de douleurs qui peuvent être intenses et dans plusieurs parties de leur corps. Outre les maux des règles une fois par mois, les 9 mois de grossesses, l’accouchement et sa convalescence, l’allaitement, les femmes souffrent d’autres douleurs. Le poids des grossesses peut fragiliser la colonne vertébrale et provoquer des douleurs de dos.
Plusieurs études scientifiques rapportent que les hommes ne supportent pas la douleur de la même façon que les femmes. Selon la revue scientifique Brain (Elle, mars 2022), les femmes souffrent de manière disproportionnée de douleurs chroniques. Elles seraient deux fois plus nombreuses que les hommes à souffrir de maux de tête et de migraines.
Une expérience insolite a été menée par le média suisse Tataki: des hommes ont été invités à prendre conscience des douleurs des menstruations. On leur a installé des électrodes sur le ventre qui donnent une douleur similaire à celle des règles, juste un petit moment, pour se mettre à la place des femmes. Ils n’ont pas supporté. Témoignage d’un homme soumis à l’expérience: «Je ne me rendais pas compte à quel point ça pouvait être douloureux (…). A toutes les filles de l’école, de qui je me suis moqué pour vos règles, sachez que je suis sincèrement désolé». (Daily geek show.)
Quant aux douleurs de l’accouchement, il faudrait une autre expérience pour les faire savourer aux hommes qui ignorent leur intensité. Dalila: «mon accouchement a été très long. Mon mari, médecin, m’a accompagnée jusqu’à la délivrance. Quand on m’a mise dans ma chambre, j’ai dit: «je suis exténuée». La réponse de son mari? «Tu ne peux l’être autant que moi!»
«J’ai fondu en larmes. Imaginez que, selon lui, sa douleur psychologique et émotive est plus intense que celle de l’accouchement!»
A travers le monde, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Selon des recherches scientifiques (Santé Magazine, 2015), le corps féminin a la capacité de renouveler les cellules souches grâce auxquelles se développent toutes les autres cellules: globules blanches, globules rouges, plaquettes. Le cycle menstruel, les grossesses et tous les bousculements hormonaux boostent les cellules souches. Les œstrogènes, hormones féminines, contrairement à la testostérone, hormone masculine, activent le gène FOX03, appelé «gène prolongévité» que l’on retrouve chez les femmes dépassant les 100 ans.
Alors Messieurs, résumons-nous: nous souffrons plus que vous, mais nous sommes compensées en vivant plus longtemps que vous! Sans rancune!