Bisous, accolades et autres câlins… Vous nous manquez tant!

Famille Naamane

ChroniqueBaiser, bise, bisou, bécot, quouboula (arabe classique), boussa, bouissa, houbba (arabe dialectal), taqqamoute, isetjmite, ammouhe (amazigh)…

Le 03/12/2021 à 11h01

Savez-vous qu’il y a une journée internationale du baiser, le 6 juillet?

D’où vient cette pratique de coller sa bouche sur une personne et de pincer ses lèvres pour émettre le son mouth?

Les humains ont un élan naturel pour se lier par un contact charnel. Pour Freud, le désir d’embrasser vient du sein maternel, du plaisir de l’allaitement.

Nous serions programmés pour rechercher ces émotions positives avec nos lèvres.

Le baiser n’est pas universel. Il fait partie des codes de politesse de plusieurs sociétés, mais pas toutes. Il ne s’agit pas du baiser d’amoureux ou érotique mais de celui des salutations.

Il existe plusieurs types de baisers. Les Romains s’embrassaient sur la bouche, même entre hommes ou entre femmes. Ils en citaient trois: le basium, affectueux et familier, pour les intimes; l’osculum, civil et respectueux qui servait à officialiser un contrat entre deux personnes, et le suavium, érotique, lié à la débauche.

Certains peuples se saluent à distance, comme les Hindous avec l’anjali: mains jointes, ils s’inclinent l’un face à l’autre.

Des Asiatiques, dont les Japonais et les Chinois, ne s’embrassent pas, ne se serrent pas la main. Ils s’inclinent, sans se regarder dans les yeux, ce qui serait impoli.

Beaucoup de peuples se serrent la main, utilisent l’enlacement et le baiser. Les corps se touchent, se serrent en signe d’affection, d’amitié. Les baisers se donnent surtout sur les joues.

D’autres pays ont d’autres codes, tel le baiser à la russe: les Russes se saluaient en s’embrassant sur la bouche même entre personne de même sexe. Il y a le baiser «esquimau» chez des communautés en Alaska, au nord de la Russie, au Canada et en Nouvelle-Zélande. Dans le froid glacial, le visage est couvert. Seul le bout du nez dépasse. Ils s’embrassent en se frottant le nez l’un contre l’autre. Pareil en Oman et en Arabie Saoudite: les hommes entre eux utilisent encore houb al-khouchoum, (bise du nez). Je n’en connais pas la raison!

En Europe, au Moyen Age, le baiser n’était pas obligatoire. Les bourgeois se saluaient en s’embrassant sur les joues et les nobles sur les lèvres. L’épidémie de la peste, au XIVe siècle, aurait imposé la distanciation. Ce serait après la Première Guerre mondiale que le baiser aurait réapparu. A partir du Moyen Age, les Européens faisaient le baise-main aux femmes. Signe de galanterie, il est en disparition. 

Les Américains sont moins tactiles: ils tendent la main mais ne font pas toujours la bise.

Ce sont les Méditerranéens qui sont les plus tactiles. Et en tant que Méditerranéens, nous autres Marocains, nous adorons alboussane wa ta’naque

Les salutations sont très importantes pour nous. Chaleureuses, elles font partie du souab, règles de politesse. Le baiser exprime la proximité et une douceur relationnelle.

Embrasser la main des parents, de personnes âgées par respect, par affection ou par soumission est encore courant. On embrasse sur le front par considération. Dans certaines régions, on s’embrasse sur les épaules, surtout entre homme et femme pour marquer la distance.

Le baiser sert à demander le pardon ou une faveur. On dit : «je lui ai embrassé les pieds», ou «je lui suis tombé sur les pieds».

Les accolades se pratiquent entre personnes qui se connaissent à peine. Alors que dans certaines cultures les hommes ne s’embrassent pas, chez nous, ils s’enlacent, se serrent, échangent deux ou quatre bises. Les femmes, elles, s’en donnent à cœur joie, surtout si elles ne se sont pas vues depuis longtemps: mouth, mouth, mouth… Dans des régions rurales, les femmes s’embrassent sur les joues et ensuite s’échangent, à tour de rôle, de nombreux bisous sur les mains.

Un homme peut tendre sa main à un homme, mais moins souvent une femme à une femme. C’est mal perçu: «elle me salue comme si j’étais une pestiférée». «Elle se prend pour qui?».

Le baiser est donc très important pour le lien social et pour le respect des convenances sociales.

Enfant, quand on entrait dans un salon, il fallait faire le tour pour embrasser chaque femme. Une corvée. Un enfant s’entend toujours dire bousse (embrasse).

Il est normal que les adultes embrassent les enfants, même s’ils ne les connaissent pas. Ce qui choque des jeunes parents qui craignent la transmission de microbes ou la pédophilie, ce qui a entraîné des changements dans les codes de salutation.

Le Covid nous a privés des baisers, des enlacements, des embrassades, des accolades, des câlins! Une frustration de ne plus serrer dans nos bras les gens aimés dans les moments de joie et surtout de deuil où les enlacements ont un effet apaisant sur la douleur.

S’embrasser devient un acte suspect, menaçant, dangereux. Nous sommes contraints de pratiquer le fist bump, salut poing contre poing. Certaines personnes en sont ravies: «je suis tranquille. Je ne supportais pas ces baisers de personnes qui ne me sont pas intimes».

Pour Kaufmann, sociologue, les bisous quotidiens nous aident à plonger dans le bien-être et la sécurité.

La science affirme qu’un contact amical incite la peau à transmettre un signal au cerveau qui déclenche une diminution de cortisol, l’hormone du stress.

La production de lymphocyte qui protège le système immunitaire augmente.

Le contact physique déclenche la production de dopamine, de sérotonine et d’ocytocine. Des hormones qui procurent apaisement, bonheur, plaisir et bien-être.

Vivement la fin de cette pandémie pour que nous replongions les uns dans les bras des autres sans frayeur!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 03/12/2021 à 11h01