Ah! Si j’étais imam de mosquée…

Famille Naamane

ChroniqueSelon le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, le rôle de l’imam ne se limite pas à diriger la prière collective. Il est une autorité, un conseiller de référence pour toutes les affaires, aussi bien religieuses que séculières. Séculières signifie les affaires de la vie courante.

Le 19/11/2021 à 11h00

Femmes et hommes sont très nombreux à écouter al khoutba du vendredi. Des sermons portant plus sur l’explication du Coran et des Hadith que sur un principe fondamental de l’Islam: ‘ibada wa akhlaq wa mouâamala (piété, éthique et bons comportements).

Les imams peuvent éduquer à l’éthique, à la citoyenneté, au vivre-ensemble. Ils peuvent être des influenceurs de bonne conduite.

Les Bidaouis souffrent d’un grand malaise dû au manque de civisme. Deux sujets dominent actuellement: le Covid et la circulation.

Le problème n’est pas les embouteillages mais l’indiscipline, l’anarchie des croyants! Nos nerfs explosent ainsi que notre bien-être. 

La piété s’évalue aussi aux comportements du citoyen. L’Islam insiste sur le rôle bienfaisant du croyant dans la umma, la communauté, la nation. Umma vient de oum, la mère. 

Si j’étais un imam, je dirais aux fidèles qu’un comportement portant atteinte à la petite umma qu’est Casablanca est haram (péché) parce qu’ils créent al fitna, al faouda (le chaos).

Le non-respect du code de la route est un préjudice, un danger pour les autres, donc c’est haram. C’est commettre dnoube (péchés). Tout le monde dit que Dieu pardonne les fautes commises à son égard, mais pas celles commises vis-à-vis des autres. Un discours qui ne se décline pas dans les actes!

Si j’étais imam, je dirais aux fidèles que lorsqu’ils brûlent un feu rouge ou un stop, qu’ils roulent dans une artère en sens interdit ou ne cèdent pas la priorité à droite, c’est un outrage vis-à-vis des autres. C’est dolme (injustice), le vol d’un droit d’autrui. Or injustice et vol sont haram.

Si j’étais imam, je dirais aux fidèles que la sadaqa (aumône) n’est pas seulement offrir de l’argent aux nécessiteux, mais également de la bienveillance. Al ajar, (bonne action) c’est aussi quand je m’arrête pour laisser passer des piétons. Or, les conducteurs effrayent, sans pitié, les personnes qui tentent de traverser les boulevards, mettant leur vie en danger: vieilles personnes, handicapés, enfants, femmes enceintes ou avec enfants, personnes portant du poids… Si vous stoppez pour laisser passer ces personnes, vous vous faites insulter par les conducteurs.

Ces mêmes conducteurs vous insultent parce que vous voulez tourner à droite ou à gauche. Stationner ou quitter le stationnement? Impossible. On vous coince, vous klaxonne, vous agresse verbalement… Un bon musulman ne se comporte pas aussi égoïstement. L’Islam condamne l’égoïsme et prône al maslaha al âma (l’intérêt général). Inexistante dans la circulation!

Si j’étais imam, je dirais que attassamouhe est une bonne action (tolérance): céder le passage à un véhicule bloqué dans un embouteillage pour fluidifier la circulation, ne pas rivaliser avec les conducteurs par orgueil... 

Si j’étais imam, j’expliquerais qu’il ne suffit pas de dire que inqade rouhe (sauver une âme) est une bonne action. Il faut le prouver par des actes: céder le passage à une ambulance en fait partie. Or il n’y a aucun respect pour les ambulances. Haram! Une amie: «les ambulances sont souvent vides!». Et si c’était toi qui était dedans? 

Si j’étais imam, j’enseignerais l’empathie et que le Prophète a dit que n’est croyant que celui qui aime pour l’autre ce qu’il aime pour lui-même. 

Si j’étais imam, je mettrais en garde contre les injures, les insultes, l’agressivité des conducteurs. Addine wa el malla balayent les rues, tel: Dieu maudisse la religion de ta mère! Les femmes sont traitées de p… Al qadhf, offenser une personne, la blesser dans son honneur ou sa dignité est haram

Si j’étais imam, je rappellerais aux fidèles que annadhafatou mina al imane (la propreté fait partie de la piété). Jeter des ordures dans l’espace public est péché, un préjudice pour al umma et un non-respect des personnes chargées du nettoyage. Cracher dans la rue est un danebe car on écœure et on incommode les autres. Quitter des toilettes publiques en les laissant dégoutantes est un préjudice pour le personnel de nettoyage et pour les autres utilisateurs.

Si j’étais imam, je dirais aux fidèles que l’accès à la prière du vendredi ne doit pas créer le chaos. Les voitures sont laissées n’importe où, bloquent d’autres voitures, la circulation et les portes des maisons. Ma sœur cherchait à sortir sa voiture du garage pour aller chercher ses filles à l’école, bloquée par les hommes qui priaient sur le trottoir. En pleine prière, des fidèles l’ont traitée de p… et de kafira (mécréante). Que de dnoube (péchés). Pour prier, tu usurpes les droits des autres, tu mets en péril la sécurité de deux petites filles qui vont rester dans la rue! Haram!

Si j’étais imam, je dirais au fidèle qui joue la comédie du blessé quand une voiture l’effleure pour soutirer au conducteur de l’argent que c’est un grand danebe: mensonge, tromperie, vol, escroquerie et qu’il ramène à sa famille flousse lahram (argent du péché).

Si j’étais imam, j’inculquerais la discipline aux fidèles. Mais je ne le suis pas et ne le serai jamais! Mais si quelqu’un croit en mon message et le transmet à qui de droit, je serai une Bidaouia sereine, fière de ma ville… Même sans être imam!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 19/11/2021 à 11h00