Il faut le voir pour le croire. A Fès, quelqu’un a eu l’idée d’installer un étonnant grillage en forme de zigzag, sur les trottoirs du centre-ville. C’est une expérience nouvelle, et totalement absurde. Avec le zigzag qui le barre en diagonale, le trottoir est inutilisable. Autant l’enlever!
Quand on voit le résultat, moche et stupide, on se demande: «Mais pourquoi?». Vient alors l’explication, qui est franchement surréaliste: c’est, nous dit-on, «pour empêcher les vendeurs ambulants de s’installer sur les trottoirs».
Il faut imaginer la scène qui a amené à cette catastrophe, quelques jours ou semaines auparavant. Quelqu’un, dans le conseil communal de la ville, a dû interpeller les autres: «Mes amis, nous avons des vendeurs qui infestent nos trottoirs, comment lutter contre ce problème?».
Les élus lèvent le doigt comme les écoliers en fond de classe. «Moi m’sieur, moi m’sieur!». Celui qui prend la parole aurait pu dire: «On leur construit un petit marché pour les sédentariser (…) On les oriente vers une autre place pour les éloigner des trottoirs».
Mais non, rien de tout ça! L’élu lance, fier de lui: «J’ai une idée originale, on installe des grilles en fer force, mais sous forme de zigzag. Comme ça, les vendeurs n’auront aucune possibilité d’étaler leur marchandise sur le sol du trottoir. Et tout est bien qui finit bien!».
Le président ou l’un des assesseurs a dû applaudir: «Génial, mon frère, c’est génial! Mais…cela doit nous coûter un peu cher, non?». Un autre élu a dù intervenir à son tour: «On n’a qu’à rogner sur le budget de l’éclairage public, du balayage ou des transports de bennes à ordures. De toute façon, ces budgets sont très peu utilisés et ne servent presque à rien». C’est entendu, l’affaire est conclue!
Bien sûr, personne n’a pensé aux piétons, qui vont devoir pratiquer le saut d’obstacles pour passer leur chemin. Et personne ne s’inquiète du décor urbain qui ne ressemble à rien.
J’imagine aussi, pour le bouquet final, que l’entreprise qui a fabriqué et livré le «zigzag» appartient au frère, beau-père ou voisin de l’un de ces messieurs.
Ce scénario est bien sûr imaginaire. Mais il pourrait bien correspondre à la réalité des choses.
Nous avons un problème, vieux comme le Maroc: celui de l’occupation illégale ou, disons, non organisée, carrément bordélique, de l’espace public. Chacun installe sa marchandise comme bon lui semble, là où il veut/peut, gênant la «circulation» des piétons et faisant ressembler le décor urbain à un moussem ou à un rassemblement forain.
C’est un problème, un vrai. Et comment on le règle? Réponse: en créant un autre problème, encore plus fou.
Vous comme moi savons comment toute cette histoire va se terminer: les zigzags seront rasés, les vendeurs seront de retour (à moins qu’ils n’utilisent le grillage pour «exposer» leur marchandise d’une manière encore plus visible), et la mairie aura gaspillé de l’argent et du temps pour rien. Un budget et une énergie qui auraient pu/dû servir à quelque chose d’utile.
Magnifique, rien à ajouter!