Un verdict de sous-développés

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Chronique«Enfant illégitime» est une expression qui doit être bannie du langage parlé et écrit dans ce pays. Elle est immonde. Aucun enfant qui vient au monde n’est illégitime. Avec ou sans acte de mariage.

Le 01/05/2021 à 10h12

La justice fait partie, à côté de l’enseignement et de la santé, des secteurs très en retard qui empêchent le développement du pays. Les plus cyniques diront que c’est une lapalissade, rien de plus. D’accord, mais il faut le dire et redire, cette lapalissade, parce que la justice est au cœur de la vie d’une société, d’un pays.

A elle seule, elle peut envoyer l’individu le plus équilibré en dépression. Lois obsolètes, problèmes de corruption et d’interventionnisme politique, inadéquation avec l’évolution de la société, manque de courage…

On ne va pas noircir tout le tableau, mais le retard est tel que l’on ne sait plus quoi ni qui réformer. Il y a pourtant quelque chose à réformer, et en urgence, toutes affaires cessantes: c’est la mentalité!

Le Maroc possède des juges et magistrats de haut niveau. Techniquement parlant. Ils connaissent leur code sur le bout des doigts. Ce qui manque parfois, et cela change tout, c’est un brin d’humanisme. Cette souplesse qui vous donne la marge pour contourner, au besoin, des lois archaïques. On peut aussi appeler cela effort d’interprétation, Ijtihad si vous voulez, effort d’adaptation aussi.

Il faut une certaine ouverture d’esprit pour rendre justice. Parce que, s’il ne s’agissait que d’appliquer les lois stricto sensu, sans cet humanisme, cet Ijtihad dans l’interprétation, cette adaptation aux réalités de la société marocaine, il y a longtemps que les tribunaux fonctionneraient en pilotage automatique, avec des robots à la place des juges et magistrats.

Quand on voit, par exemple, qu’un tribunal marocain vient de refuser la filiation paternelle à un gosse, alors que les tests d’ADN prouvent cette filiation, on ne peut que rester bouche bée. La science établit formellement et définitivement que tel est le père de tel, mais la justice prétend que tel n’a rien à voir avec tel. Elle ne veut rien savoir. Pourquoi? Parce que la justice ne s’intéresse pas à l’enfant mais à la nature des liens qui unissaient ses parents. C’est le passé sexuel des deux adultes qui compte, pas le présent et l’avenir d’un enfant.

Etaient-ils donc mariés ou non? Sont-ils passés à l’acte (sexuel) dans le halal ou le haram? D’autres questions, quelque chose à ajouter? Non, merci.

Mais… Et le reste, tout le reste? Et l’enfant, alors, on le jette à la poubelle, on fait comme s’il n’existait pas, n’avait pas de droit, à commencer par celui d’être reconnu par son père «biologique»? On l’abandonne sans prise en charge et on le condamne à porter à vie la marque «enfant illégitime»?

«Enfant illégitime» est d’ailleurs une expression qui doit être bannie du langage parlé et écrit dans ce pays. Elle est immonde. Aucun enfant qui vient au monde n’est illégitime. Avec ou sans acte de mariage.

Tous les enfants sont légitimes. Ce n’est pas la loi ou la religion qui le disent. C’est l’humanisme qui le dit. Cet humanisme qui a tant manqué au verdict rendu par le tribunal…

Par Karim Boukhari
Le 01/05/2021 à 10h12