Et la confiance, bordel?

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ChroniqueOn demande beaucoup au citoyen de faire confiance à l’Etat. Soit. Mais on doit aussi demander à l’Etat de faire confiance au citoyen!

Le 26/12/2020 à 09h57

Le principe de réciprocité est comme les bons comptes, il a toujours fait les bons amis. Quand quelqu’un vous fait confiance, vous lui rendez la pareille, c’est la moindre des choses. Mais quand il ne vous fait pas confiance…

Maintenant, comment savoir si l’Etat fait confiance à ses citoyens? Il y a un moyen très simple. Regardez l’administration marocaine. Regardez-la, si l’on ose dire, dans toute sa splendeur! Regardez par exemple le nombre (et la nature) extraordinaire de pièces administratives que l’on vous demande à la première occasion, et dont certaines sont franchement ridicules. Comme le document qui atteste que vous êtes bien «vivant» et non décédé. Ou, pour ceux qui souhaitent se remarier, la preuve qu’ils sont bien célibataires: c’est un tel tintamarre… Deux «témoins» doivent se déplacer à la Mouqataâ, munis de leurs pièces d’identité, et «jurer» devant le moqaddem de votre rue que vous êtes bel et bien célibataires…

Votre bonne foi ne suffit pas. Même les «enquêtes» du moqaddem à qui on ne la fait pas ne suffisent pas. Il vous faut donc deux «témoins» de votre bonne moralité. Deux témoins qui ne font pas partie de votre cercle familial parce que ceux-là, vous pouvez facilement les corrompre… Et il faut, bien entendu, tout légaliser: l’attestation, les photocopies des pièces d’identité…

Ces situations sont ridicules. Comiques. Stupides. Mais elles sont courantes et, pour les affronter, vous devez sacrifier du temps, de l’argent (en timbres et plus, au cas où…). Surtout, vous devez avoir les nerfs solides, pour ne pas craquer… Ce qui n’est pas forcément simple. Et, comme on dit, celui qui dira le contraire ne vit pas au Maroc!

Mais le pire s’appelle la légalisation. C’est un mal national, endémique. La moindre photocopie de quoi que ce soit doit être légalisée. Pourquoi, diable? Pour prouver qu’elle n‘est pas falsifiée, mon bon ami.

Cela veut dire que la photocopie est un faux jusqu’à preuve du contraire. Et que vous êtes un escroc potentiel!

La décentralisation, la proximité, l’informatisation et les soi-disant «facilités» administratives, que l’on nous vend régulièrement dans les communications officielles, tout ça vous pouvez le balayer quand vous avez à obtenir un extrait de casier judiciaire ou, pire encore, d’acte de naissance. C’est le branle-bas de combat. Une copie ne suffit pas, il vous faut l’original, et l’intégral s’il vous plait. Vous devez retrouver votre très vieux livret familial, voyager jusqu’à votre lieu de naissance, payer des timbres... Et prier pour que le fonctionnaire en face ne vous regarde pas de travers.

Bien sûr, me diriez-vous, tout cela a un nom: la bureaucratie. Mais non, c’est plus grave encore. Et c’est surtout plus simple: on ne vous fait pas confiance!

Par Karim Boukhari
Le 26/12/2020 à 09h57