Coucou, le Festival national du film de Tanger est de retour cette semaine. Il fut un temps où ce rendez-vous était une fête. Aujourd’hui, on se demande s’il existe encore et, surtout, à quoi il peut bien servir. Et ce n’est pas seulement le Covid-19 qui l’a tué.
Depuis le départ du regretté Noureddine Saïl, le festival est devenu une coquille vide ou presque. On reprend les mêmes et on recommence. La seule utilité de ce rendez-vous est de permettre aux uns et aux autres de voir des films dont beaucoup ne sortiront jamais en salles. Mais le public n’est plus au rendez-vous. Ce festival indiffère de plus en plus les Tangérois. Il reste les films, donc, et les débats en vase clos, souvent les mêmes, à l’intérêt anecdotique.
Cela fait plus de 40 ans que ce rendez-vous existe. D’abord itinérant, le Festival national du film a fini par se fixer à Tanger dans les années 2000. Je l’ai connu et fréquenté d’abord comme journaliste et cinéphile, puis réalisateur, et je me suis toujours posé la même question: à quoi sert tout cela?
En 40 ans, le cinéma a changé, évolué, dans la forme et surtout dans la perception, se plaçant au plus près de la société, de ses préoccupations et des courants de pensée qui la traversent. Avec, plus que jamais, l’homme, l’individu, dans ses doutes et sa singularité, comme point de départ de toutes les histoires et les réflexions.
Tanger a-t-elle suivi cette évolution? Justement, non, et tout le problème est là. Il n’y a qu’à voir comment la société tangéroise elle-même passe devant «ces gens du cinéma» en ignorant royalement leurs films et leurs débats.
A Tanger, les débats tournent autour du pot: qui a été sélectionné ou mis sur la touche et pourquoi? Quand ils ne concernent pas des questions aussi risibles que la qualité de la restauration, du transport ou de l’hébergement. Et les films? Et le cinéma dans tout cela?
Passer en vrac des films de tous les horizons que rien ne relie en dehors de la nationalité de leurs concepteurs ou producteurs, cela a désormais quelque chose d’obsolète. Has been. That was. Ce n’est plus possible.
Un festival, c’est d’abord une identité, un concept, une idée forte, ce n’est pas un panier que l’on remplit pour faire le plein en se donnant bonne conscience.
Le FNF 2022 a lieu au moment où le cinéma marocain n’a pas de gouvernail. Il est en roue libre. Depuis le départ de Sarim Fassi Fihri, dont le passage a finalement ressemblé à un coup d’épée dans l’eau, le CCM (Centre cinématographique marocain) a été confié à un intérimaire, M. Mustapha Timi, «le temps de nommer quelqu’un».
C’était en octobre 2021. Un an plus tard, le cinéma marocain attend toujours quelqu’un.
Il faut rappeler ici que le cinéma est une industrie, une économie, un très grand réseau d’artistes et de fonctionnaires qu’il s’agit de conduire comme un chef d’orchestre. Mais le cinéma est aussi et avant tout un gigantesque laboratoire d’idées. Il y a des partis à prendre, c’est-à-dire une politique à définir, une ligne éditoriale à tracer, une feuille de route à suivre.
Il ne s’agit pas seulement de dire combien on donne et à qui. Il s’agit de définir le cinéma que l’on veut produire et promouvoir avec l’argent public. Le plus important, ce n’est pas de donner plus d’argent «pour avoir la paix et faire plaisir à tous», mais de donner plus de liberté aux créateurs pour faire exister un cinéma différent, adulte et sans peur, réellement capable de rivaliser à l’international.
Dans plusieurs pays du monde, et pas forcément les plus riches, le cinéma est un levier de développement et d’épanouissement. Des pays comme la Turquie, Israël, le Portugal, l’Iran… ou le Burkina Faso ont exorcisé leurs démons grâce au cinéma.
Est-ce que le cinéma reflète la société dans laquelle il vit? A cette question, le Maroc n’arrive pas encore à répondre oui. Jusqu’à quand?