À vos marques, prêts, partez!

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ChroniqueLa campagne de vaccination sera une occasion d’améliorer les rapports conflictuels qui lient le citoyen à son administration. Il ne faudra pas la rater.

Le 23/01/2021 à 09h00

Maintenant que le vaccin est arrivé, on verra comment le Maroc, ou plutôt les Marocains vont gérer deux types de problèmes. Oublions les questions techniques (sur la chaîne du froid, entre autres) et examinons les questions humaines, qui disent beaucoup plus de choses.

Pour se faire vacciner, il faut fermer les yeux et tendre son avant-bras. Cela revient à faire confiance. Et ce n’est pas gagné.

D’une part, nous avons ceux qui n’ont aucune confiance. Ils ne peuvent pas. Parce qu’il y a un contexte mondial qui est compliqué, et qu’il est de bon ton de douter d’un vaccin censé prévenir une maladie sortie, croient-ils, d’une manipulation de laboratoire. Comment pourraient-ils, dans ces conditions, fermer les yeux et tendre l’avant-bras pour se faire vacciner?

Au Maroc, nous connaissons bien sûr ces gens qui ne peuvent pas faire confiance à un produit qui est gratuit et qui est administré dans un établissement public. La gratuité et le caractère public deviennent des tares, des motifs de doute et de crainte. C’est pour les pauvres, pensent-ils, pour ceux dont on ne se soucie guère.

Bien sûr, ces gens vont développer tout un discours scientifique pour justifier leur refus. Mais ce n’est qu’un écran de fumée et leur problème est au fond très simple. En une phrase: ce qui est gratuit n’est pas bon, et rien de bon ne peut sortir d’un hôpital ou d’un centre de santé.

Maintenant, il y a les autres, l’écrasante majorité, ceux qui disent oui au vaccin et ont déjà les bras tendus. Ils n’attendent que ça. Le problème sera de les convaincre d’attendre leur tour, ce qui n’est pas gagné.

Au Maroc, nous ne savons pas attendre, nous pensons que notre tour ne viendra jamais, que quelqu’un prendra forcément notre place. Alors, emportés par notre instinct de survie, nous jouons des coudes, nous trichons, nous sommes prêts à faire de fausses déclarations, à fournir de faux papiers, à marcher sur les autres…

Dans un premier temps, il n’y aura pas de vaccins pour tout le monde. Il va falloir gérer cela. C’est un apprentissage. Le tableau est celui d’une gare. Tout le monde est sur le quai, impatient de monter dans le train. Mais c’est un petit train. Seules les personnes exposées ou fragiles monteront, les autres, tous les autres devront attendre. Mais il va falloir les convaincre d’attendre d’autres trains, les convaincre surtout que leur tour arrivera, que personne ne partira à leur place. Et il faudra qu’ils acceptent, qu’ils aient confiance…

Ce vaccin anti-Covid, dont l’arrivée a déjà été mouvementée, sera une épreuve à part entière. Pour le citoyen qui tend le bras, et qui devra bien surmonter ce fameux manque de confiance. Mais aussi pour l’administration, ou l’Etat, qui a une occasion en or d’améliorer ses services et son image auprès de ce même citoyen. A bon entendeur.

Par Karim Boukhari
Le 23/01/2021 à 09h00