Le retour du service militaire a pris tout le monde de court. Au-delà du débat sur son bien-fondé (parce que ce débat est nécessaire), l’annonce-surprise, comme ça, sans crier gare, a quelque chose de déstabilisant, voire de traumatisant, pour de nombreuses familles marocaines.
Imaginez la détresse d’un jeune homme de 18 ans qui apprend, à l’improviste, qu’il pourrait être «appelé» demain. Imaginez la détresse de sa famille, qui avait d’autres projets pour le jeune homme. Imaginez tous les chamboulements en cascade que cela risque de produire dans la vie de tous ces gens.
Beaucoup de Marocains se sont retrouvés, soudainement, en plein désarroi. Ils se posent toutes les questions. Quand la loi sera-t-elle promulguée? Combien seront appelés et qui? Dans quelles conditions et où? Qu’en est-il des binationaux?
Alors que la loi promulguant le retour du service militaire n’existe pas encore, j’en connais qui «enquêtent» déjà sur le meilleur moyen d’y échapper…
C’est bien dommage parce que la réactivation du «service» aurait pu être mieux préparée. Elle aurait mérité un débat avant et pas seulement après. Les Marocains ont le droit de comprendre, qu’on leur explique le pourquoi de cette réactivation que rien ne laissait présager.
Il ne s’agit pas d’une loi banale mais de quelque chose qui définit le profil d’une société et d’une nation. On a vu que partout dans le monde, et sauf dans les zones de guerre ou dans les régimes réputés paranoïaques, la tendance est à la suppression du service militaire.
Même le Maroc avait fini par l’abandonner en 2006. Cela n’avait choqué personne à l’époque, bien au contraire… Sa réactivation sonne comme un retour au passé. Ce qui n’est jamais bon signe.
Alors, pourquoi?
Serait-on en guerre? Y’a-t-il quelque chose, un facteur x qui nous vaudrait ce retour du «service»? Peut-on employer les méthodes du passé pour régler les problèmes d’aujourd’hui?
Dans sa meilleure version, le service militaire est, comme disait un homme politique français, un moyen de «brasser des gens de toutes catégories sociales». Et de donner une base (de formation, d’éducation, de discipline) à la jeunesse. C’est aussi un moyen d’encadrer cette même jeunesse, dont la majeure partie est livrée à elle-même.
Dans l’absolu, le «service» (qui coûtera de l’argent au contribuable, ne l’oublions pas) apparait donc comme une petite alternative. C’est mieux que rien.
Mais ce n’est pas la seule alternative. Il y en a d’autres. La jeunesse, on ne la forme pas seulement à l’armée et aux corvées du matin. On ne la fait pas rêver seulement au son de l’hymne national.
Vous savez quel est le meilleur moyen de brasser les riches et les pauvres? Il y a bien sûr l’armée et le service militaire, encore faut-il l’appliquer à tous et sans distinction de classe. Mais il y a mieux et plus simple, plus efficace: réformer pour de bon l’enseignement public, assurer ce minimum de qualité qui ferait de l’école une «maison» pour le gosse de riche et le fils du pauvre.
Ceux qui applaudissent le retour du service militaire doivent donc se poser la question: ce retour règlera-t-il les (nombreux) problèmes liés à la jeunesse marocaine d’aujourd’hui?