A la recherche du temps perdu

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ChroniqueNous sortons quand même de dix ans de gouvernement hybride, où certains ministres semblaient en roue libre, faisaient cavalier seul, ou ne prenaient même pas leur «chef» au téléphone.

Le 09/10/2021 à 09h05

La nouvelle équipe gouvernementale a la chance d’avoir un projet, qui n’est pas celui d’un parti mais d’un pays. On le voit par l’intitulé ultra pointu de certains portefeuilles. C’est une équipe de chargés de mission. Un cabinet. Chacun est là pour une mission, un projet.

En dehors des ministres «inamovibles», que tout le monde connait et qui finiront bien par bouger un jour, les autres ressemblent au conseil d’administration d’une grande entreprise. Tant mieux. Nous sortons quand même de dix ans de gouvernement hybride, où certains ministres semblaient en roue libre, faisaient cavalier seul, ou ne prenaient même pas leur «chef» au téléphone.

Fini tout ça. Il était temps. En dehors du début des années 1990, avec les derniers gouvernements Lamrani ou Filali, où les ministres étaient là aussi relativement jeunes, technocrates, avec des profils qui semblaient plus ou moins répondre à un cahier des charges, et de la période courte mais intense des débuts de l’alternance (1998), aucun gouvernement n’a suscité autant d’attentes et d’espoirs.

Ces expériences sont relativement récentes. On a pourtant l’impression qu’elles remontent à un siècle! C’est dire le sentiment de temps perdu depuis.

Les ministres de Filali avaient pour mission d’éviter la crise cardiaque (une expression utilisée par le défunt Hassan II lui-même) qui planait sur le Maroc. Les ministres de l’alternance, qui étaient plus politiques, devaient quant à eux assurer la transition d’un mode de gouvernance à l’autre, et surtout d’un règne à l’autre.

L’équipe d’Akhannouch aura pour mission ou objectif principal de donner corps au fameux projet de développement. Ni plus, ni moins. La tâche est immense et le premier souci, celui que n’importe qui peut relever, c’est le temps. Il faut que les ministres trouvent le temps, eux dont beaucoup occupent déjà des fonctions locales (maires des grandes villes du royaumes) à la fois hypersensibles et complexes.

Et le temps, quand on vient à en manquer, il faut le créer! Il est d’ailleurs temps de créer une loi pour mettre un terme à ce genre de cumul, qui consacre le principe de l’homme-orchestre, celui qui est partout, alors que la bonne gouvernance et surtout le bon sens plaident le partage des tâches et des responsabilités.

Sur un plan plus pratique, ce nouveau gouvernement aura l’avantage de pouvoir se reposer sur une majorité parlementaire, qui est assez inédite dans l’histoire du Maroc indépendant. Cela veut dire que personne ne leur mettra de bâtons dans les roues. Même les islamistes n’ont pas de groupe pour pouvoir les «enquiquiner».

C’est le moment où jamais pour faire avancer le schmilblick. Pas seulement sur le plan économique, mais surtout sur des questions qui touchent au social, au culturel, à l’humain. C’est là que le Maroc accuse un retard fou.

C’est d’abord sur des questions comme l’enseignement/éducation et la santé que ce gouvernement de compétences, qui a fait le vide autour de lui et dont le champ de travail est quasi balisé, sera attendu et jugé. Parce que l’éducation et la santé, avec la liberté, sont l’essence et le moteur de tout projet de développement humain.

Par Karim Boukhari
Le 09/10/2021 à 09h05