Ma fille est fâchée avec Ban Ki-mon

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Chronique“Papa, je suis fâchée avec le manque d´intelligence politique de Ban Ki-mon. Il a tellement de choses à résoudre dans le monde. Je ne comprends pas pourquoi il a choisi le maillon le moins problématique”. Du haut de ses 17 ans, ma fille réagit à sa façon aux déclarations fracassantes de Ban ki-moon.

Le 10/03/2016 à 12h16

J´ai eu un bel échange avec ma fille hier soir. Elle refuse d´être réduite à un smartphone rose. Elle pense qu’honorer la femme passe par l’éducation des filles et garçons dans une autonomie responsable. Pour que notre société mûrisse, elle ajoute: nos mères doivent arrêter de nous diffuser des pensées «machistes».

J´ai apprécié ses réflexions d'ado de 17 ans et lui ai fait savoir mon intention d’en parler dans ma chronique. C´est mon hommage aux militantes silencieuses d´ici et d´ailleurs pour une société plus égalitaire et plus juste. Sa réponse fut cinglante: “Papa, je suis fâchée avec le manque d´intelligence politique de Ban Ki-mon. Il a tellement de choses à résoudre dans le monde. Je ne comprends pas pourquoi il a choisi le maillon le moins problématique”. Elle est partie dormir, me laissant seul avec mes pensées.

C´est vrai que M. Ban Ki-moon a choisi par commodité un conflit, dont la solution n´a besoin que d’un peu de bonne foi des parties. Il faut que ces parties parlent de la réalité et trouvent une solution équitable, dépassant bien sûr les entêtements immobilistes.

L’offre marocaine d’une autonomie élargie pour la région répond au besoin de garantir la dignité de la minorité séparatiste, à ce jour contrôlée par l’Algérie et de l’écrasante majorité unioniste, dont Ban Ki-moon semble nier l’existence. En plus, c’est une offre qui permettrait à tous les Sahraouis de faire de la politique et de s'exprimer à l´intérieur des institutions démocratiques.

L´autonomie leur donnera aussi une légitimité qu’ils n´ont pas aujourd´hui auprès de la grande majorité des leurs. Je ne crois pas que M. Ban Ki-moon et M. Christopher Ross soient bien informés de la réalité et des enjeux de la population saharaoui. En plus, un dénouement juste devrait bénéficier surtout à la population.

Personne ne peut nier que les Sahraouis, résidants sur les terres marocaines ou algériennes, sont fatigués de subir les pires fractures: appartenance, famille, éducation sentimentale… Un père à Marrakech et un fils à Tindouf, l´épouse à Laayoune et le père et ses enfants encore à Tindouf, un frère président du Parlement du royaume et l’autre frère, guérillero en Algérie...

Dans cette situation humainement amère, le pire c´est la déchéance morale que provoque le sentiment profond d´être des parias séquestrés au milieu d'un désert inhospitalier qui n´est pas le leur. Les représentants, de l´autre côté du miroir, projettent leur commerce de l´humain à l’infini. Leur démarche est hautement lucrative. A qui bénéficie cette inertie perverse et têtue?

De ma position de citoyen lambda, je pense que les personnes qui sont à la tête des grandes institutions internationales, comme c’est le cas de l´ONU, doivent être à la hauteur des principes et des valeurs régissant l’institution internationale. Et là nous sommes devant un SG de l'ONU ayant perdu sa neutralité de médiateur. Au lieu de faire entendre la voix de la raison aux parties, de parler de la responsabilité de l’Algérie, il affiche sa sympathie envers une partie au détriment de l'autre.

Ban Ki-moon et Ross savent pertinemment que l’idée du référendum est morte. Revenir là-dessus est suicidaire surtout si on veut obtenir un accord consensuel, garantissant les intérêts des parties au conflit, ainsi que la paix et la stabilité de la région.

Je n´ai pas les éléments pour me faire une idée claire sur la question. Cependant, j'ai l´impression que la position de M. Ban Ki-Moon, réfléchie ou pas, incite à la confrontation dans une région très vulnérable. Il le fait à quelques mois de son départ à la retraite, après dix ans d’une gestion pas tout à fait honorable. Le cas de l´Irak, de la Syrie, de la Libye, des refugiés, de la régression des droits de l´Homme, de l'impunité, de la question palestinienne enterrée et oubliée… Beaucoup de dossiers témoignent du bilan désatreux que laissera le très peu charismatique Ban Ki-Moon. 

Enfin, une question s´impose. D’où vient à M. Ban Ki-moon l’idée de soutenir la création d’un état minuscule, dans une région fragilisée par des Etats défaillants, exposés à la voracité du terrorisme et du crime organisé ?

Par El Arbi El Harti
Le 10/03/2016 à 12h16