À l’entrée, la scène est plantée avec une élégance qui marie tradition et solennité. Les bougies parfumées bordent le chemin, éveillant les sens et préparant les esprits à la transition du quotidien vers le sacré. Les lumières tamisées caressent l’architecture mauresque du riad Benjelloun, de la zaouia Boutchichia, situé dans le triangle des trois religions de l’ancienne Médina de Casablanca, formé par une mosquée, une synagogue et une église mitoyennes… et l’on peut presque entendre les murmures des siècles passés se mêler aux voix des convives.
Dans ce lieu empreint d’histoire, les heures se déclinent en chapitres d’une soirée qui promet l’enchantement. À 17h30, les invités se rassemblent, enveloppés dans une quiétude sereine, le site ancien les portant à contempler le rapprochement des cultures et des époques. Le vert profond des nappes dresse les tables, non seulement pour un repas, mais pour célébrer une harmonie qui s’est naturellement insinuée entre les murs de ce triangle symbolique.
Comme le veut la tradition, l’adhan a marqué la rupture du jeûne à 18h48. C’est un moment suspendu dans le temps, où les différences s’effacent, et tous s’unissent dans un silence respectueux, signifiant le début du ftour. Les participants rompent le jeûne ensemble, se nourrissant de la harira et des petits salés, dans un geste d’unité qui va bien au-delà de la nourriture, rappelant la chaleur des foyers marocains pendant le ramadan. Les cœurs s’unissent dans le silence du moment, comme si l’acte de foi transformait le lieu en un sanctuaire éphémère de paix intérieure.
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Quand Ahmed Ghayet, président de Marocains Pluriels, association qui organise ce ftour, prend la parole à 19h30, c’est avec une éloquence qui réchauffe les esprits. Il parle d’une lumière, celle de l’entente et de la fraternité, qu’il est impératif d’allumer et de nourrir, surtout dans un monde parfois assombri par l’incompréhension et la division. C’est une véritable invitation à agir, à propager les valeurs d’une cohabitation harmonieuse qui caractérisent le Maroc, un pays où la diversité culturelle, religieuse et ethnique coexiste dans une paix sociale admirable.
Les témoignages d’Aalya Ghouli et Katia Bitton, toutes les deux présidentes de Salam Lekoulam, sont des fresques vivantes illustrant le tableau vibrant du vivre-ensemble. Elles parlent d’engagement, de rêves communs, d’un futur peint en teintes d’entraide et de compréhension mutuelle. Leurs voix, empreintes d’une passion authentique pour le dialogue et la rencontre de l’autre, tissent dans l’air du soir une mélodie d’espoir et d’unité. Elles dessinent, à travers leurs récits, un Maroc où chaque individu, indépendamment de son héritage culturel ou religieux, contribue à une mémoire collective d’harmonie et de paix.
Veronika Ertl, de la Fondation Konrad, et Otmane Mazzine, président de l’association MogaJeunes, ont également partagé leurs visions et leurs espoirs. Ils ont illustré comment l’éducation et la jeunesse peuvent être des vecteurs puissants de changement, embrassant les différences pour construire un futur empreint d’unité et de solidarité. En écho à la philosophie de Ftour Pluriel, ils affirment que le vivre-ensemble n’est pas un idéal lointain, mais une réalité, à portée de main, nourrie par l’engagement de chacun.
Des discours inspirants
À 20h00, les lumières se font plus intimes, plus complices alors que des personnalités d’envergure tissent des discours qui traversent les frontières de la politique et touchent à l’universalité du message de paix. L’ambassadeur des États-Unis, Puneet Talwar, et l’ambassadeur de France, Christophe Lecourtier, et l’ambassadrice du Sénégal, Seynabou Dial, se succèdent, partageant leur vision d’un monde où la paix et la compréhension mutuelle sont plus que des idéaux, mais des objectifs réalisables grâce à des initiatives comme celle-ci.
Puneet Talwar, avec une gravité empreinte d’espoir, parle de la nécessité d’un dialogue ouvert et honnête entre les cultures. Il souligne l’importance de rencontres comme le Ftour Pluriel pour briser les stéréotypes et construire des ponts entre les peuples. Christophe Lecourtier, quant à lui, évoque la riche histoire de cohabitation et de fraternité qui lie la France et le Maroc. Seynabou Dial, ambassadrice du Sénégal, met en lumière comment cette soirée est le reflet d’un héritage commun de tolérance et de respect mutuel, et comment elle peut servir de modèle pour d’autres sociétés en quête d’harmonie.
Le point culminant de la soirée est sans doute l’intervention marquante d’André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI et président fondateur de l’Association Essaouira-Mogador. Dans un discours empreint d’une profonde conviction, il a partagé avec les convives une perspective éclairée sur le message que le Maroc adresse au monde entier. Ce message, tissé de fidélité, de résilience et d’une capacité inébranlable à incarner le vivre-ensemble même dans les épreuves, trouve son essence dans la «Tamaghrabit». Cette philosophie distinctement marocaine est le ferment d’un modèle de coexistence enrichi par la diversité et soutenu par une volonté royale de reconnaître et de valoriser la mosaïque culturelle du pays.
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Quand les représentants religieux prennent la parole à 20h30, le cœur de l’événement bat plus fort. Les messages de foi, d’espoir et d’unité sont des joyaux verbaux qui se déposent dans le silence attentif des auditeurs, soulignant la beauté d’une coexistence possible et réelle. Un instant d’une intensité particulière a enveloppé, par la suite, l’assemblée lorsque le rabbin Youssef Israël, dans une démarche de communion spirituelle, a élevé sa voix pour une prière dédiée au roi Mohammed VI. Un moment solennel, baigné dans la lumière tamisée du soir, qui a suspendu le temps, unifiant les cœurs de l’auditoire dans un élan de respect et d’affection envers le Souverain.
La nuit s’épaissit, mais l’animation musicale qui s’ensuit est une ode à la vie, un rappel que la joie et la spiritualité peuvent coexister. Les Aissawas clôturent la soirée, unissant les participants dans une dernière danse de fraternité qui les guide, tels des pèlerins d’un instant, vers la fin de cette expérience partagée.