Verdict de la justice israélienne: les juifs marocains ne sont pas reconnus comme survivants de l'Holocauste

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Cette semaine, la Cour suprême d’Israël a rejeté une action en justice intentée par des juifs marocains en Israël demandant qu'ils soient reconnus comme victimes de l'Holocauste et qu'ils soient indemnisés conformément à la loi israélienne. Cependant, la bataille n’a pas été vaine car elle leur a permis de bénéficier d’une compensation partielle.

Le 29/08/2021 à 14h45

Dans cette affaire, le tribunal de district de Haïfa avait précédemment rejeté leur action et les plaignants ont demandé à faire appel. La Cour suprême a clos l'affaire en annonçant jeudi dernier, 26 août 2021, qu'elle n'entendrait pas le recours en appel, rapporte le média israélien Haaretz.

Les juges ont déclaré avoir pris cette décision parce que la privation de liberté subie par les Juifs marocains pendant la Seconde Guerre mondiale ne répondait pas aux critères fixés par la loi sur l'indemnisation des victimes des persécutions nazies.

L'avocat David Yadid, qui représentait les plaignants, a déclaré qu'en dépit de la décision du tribunal, il a estimé que «la bataille juridique de 10 ans pour la reconnaissance des souffrances des Juifs marocains sous l'occupation nazie n'a pas été vaine», car elle a abouti à reconnaître cette souffrance et accepter de leur accorder une compensation partielle.

La décision décrivait les souffrances des Juifs marocains sous le gouvernement français de Vichy, aligné sur les nazis, qui contrôlait le Maroc à l'époque et faisait pression sur les autorités marocaines pour qu'elles mettent en œuvre une législation antisémite. Le Maroc a répondu en émettant des ordonnances qui restreignaient la capacité des Juifs à acquérir un logement, une éducation et un emploi, a-t-il noté.

La plainte, qui a été déposée contre l'Autorité des droits des survivants de l'Holocauste du ministère des Finances, avait fait valoir que ces restrictions «donnaient une légitimité au fait de nuire aux Juifs marocains» et entraînaient «une tension et une peur extrêmes», et méritaient donc d'être reconnues par la loi.

Les juges Neal Hendel, David Mintz et Yosef Elron ont convenu que les Juifs marocains ont subi des abus antisémites de la part des autorités. Néanmoins, les plaignants n'ont pas droit à une indemnisation en vertu de la loi puisque le préjudice qu'ils ont subi «consistait principalement en une capacité réduite à s'intégrer sur le marché du travail et à acquérir une éducation en dehors de la communauté juive, en plus de saper la capacité de certains membres de la communauté à choisir leur lieu de résidence». 

Ces restrictions, qui n'ont pas été imposées sur le territoire du Reich allemand mais sur le sol marocain, ne répondent pas aux exigences de la loi.

De plus, selon le jugement, les autorités marocaines prenaient leurs propres décisions séparément du gouvernement principal de Vichy, et les Allemands n'avaient que peu d'influence sur elles. En fait, le Maroc a rejeté certaines des demandes des Allemands, réfutant ainsi l'affirmation de la pétition selon laquelle le gouvernement de Vichy au Maroc était en fait pire que les nazis.

Quant à l'expérience subjective de la peur et de la tension des plaignants, la décision a déclaré qu'ils devaient montrer des preuves objectives que cette peur était justifiée. Les juges ont accepté la conclusion du tribunal inférieur selon laquelle les preuves présentées n'étaient pas convaincantes, tout comme ils ont accepté sa conclusion selon laquelle les restrictions imposées ne constituaient pas une «privation de liberté».

Comme David Yadid l'a noté, la bataille des plaignants n'a pas été complètement sans résultats. En 2015, le Trésor a décidé d'octroyer des allocations financières aux survivants du Maroc et d'Algérie en raison des restrictions qu'ils ont subies. Cela consistait principalement en une subvention annuelle de 4 000 shekels (1 240 $). Et trois ans plus tard, la Claims Conference décide de leur octroyer des subventions ponctuelles de 2 500 euros.

En résumé, les juges ont écrit que «le rôle de l'historien est distinct de celui du tribunal, et c'est une bonne chose. L'épreuve de l'histoire compte de nombreux participants, et fait l'objet d'ajouts et de mises à jour inappropriés pour une procédure judiciaire concrète. La loi, en revanche, fonctionne selon des règles précises, avec tous les avantages et inconvénients que cela comporte», relaie le média israélien.

Néanmoins, l’avocat des plaignants a accusé le Trésor de «faire une discrimination entre les victimes du régime nazi pour des considérations budgétaires», soulignant que les Juifs de Libye et de Tunisie avaient été reconnus comme victimes des persécutions nazies. Il a ajouté qu'il envisagerait de demander au tribunal de réentendre la question avec un panel élargi de juges.

Par Khalil Ibrahimi
Le 29/08/2021 à 14h45