Le traitement par électrochoc ou sismothérapie est très efficace contre certaines formes de dépression et de schizophrénie, atteste la Dr Sakina Yaalaoui, psychiatre depuis plus de 25 ans, et directrice médicale du centre de la santé mentale «Les Jardins», à Casablanca.
L’électrochoc ou sismothérapie, appelée également électroconvulsivothérapie, a été découvert fortuitement. Cela consiste à lancer un courant électrique d’intensité variable sur le cuir chevelu du malade dans le but de créer une crise d’épilepsie. Les médecins ont alors constaté que cela donne de bons résultats chez certains malades atteints de maladies psychiatriques, explique la Dr Sakina Yaalaoui.
L’électroconvulsivothérapie a été découverte à la fin des années 1930. Le premier cas d’électrochoc a été appliqué en 1938 sur un malade schizophrène. Et on a constaté alors que le malade est devenu plus calme, plus sage et surtout moins délirant. La sismothérapie a été utilisée de façon empirique jusque dans les années 1970, mais son usage est aujourd’hui bien contrôlé, affirme la Dr Sakina Yaalaoui.
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Il faut préciser, indique la Dr Yaalaoui, que toute séance d’électrochoc se fait sous anesthésie générale en présence d’un anesthésiste-réanimateur. Et celle-ci obéit donc à tout examen pré-anesthésique.
Dans ce sens, il faut faire tout un bilan sanguin, ophtalmique, cardiaque et neurologique, afin d’éliminer toute contre-indication ou risque de complication.
Il est donc impératif avant de réaliser un électrochoc, de réaliser un fond d’œil et un scanner cérébral. Et ce n’est qu’en obtenant le feu vert des radiologues, qu’il n’y a pas de processus évolutif, notamment tumoral au niveau cérébral, qu’on peut alors procéder à la réalisation de la première séance de sismothérapie.
La principale indication à l'électrochoc en psychiatrie, c’est la résistance aux traitements conventionnels. Un malade qui ne présente aucune évolution favorable sous traitement chimique (médicaments) et psychothérapeutique, donnés à la bonne dose et pendant la durée nécessaire, sont les premiers candidats à bénéficier du traitement par électrochoc.
Ainsi quand on donne un traitement neuroleptique ou antidépresseur à la bonne dose et la bonne durée et que le patient ne présente aucune bonne évolution, l’électrochoc est fortement indiqué, insiste la Dr Yaalaoui.
De même, dans certains cas de femme enceinte souffrant de dépression ou de schizophrenie, on propose la sismothérapie en première intention, étant donné que pharmacologiquement parlant, on a les mains liées. L’électrochoc est très efficace. Et il n’y a pas de risque ni pour la femme enceinte ni pour son bébé.
Il est important de relever que toute cause qui entraîne une hypertension intracrânienne, qui peut s’exacerber par un électrochoc est la principale contre-indication à cette technique thérapeutique. D’où la nécessité de procéder au maximum d’examens, parfois même, recourir à un IRM associée à un fond d’œil, afin d’éliminer tout risque pour le malade.
L’examen cardiovasculaire est également indispensable, car en cas d’antécédent d’infarctus du myocarde (communément appelé crise cardiaque) ou en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC), survenu il y a moins de 6 semaines, l’électrochoc est contre-indiqué.
Ce qu’il faut remarquer, c’est qu’avec l'électrochoc, les résultats positifs se voient rapidement dès les premières séances, effectuées généralement durant une semaine.
Le malade n’exprime plus de façon intense ses idées noires pour le dépressif récalcitrant et il est moins délirant pour le schizophrène.
Pour cette psychiatre expérimentée, il y a un traitement de démarrage qui doit être intensif, pour obtenir de bons résultats. Ce sont quinze séances, à raison de 3 séances par semaine. Puis on diminue les séances en fonction de l’amélioration de l’état clinique du malade. Cela comporte par ailleurs un traitement d’entretien, à raison d’une séance par mois, voire tous les deux mois. Pour certains patients, une séance semestrielle est largement suffisante pour maintenir l’équilibre thérapeutique.
La Dr Sakina Yaalaoui, insiste sur le fait, qu’en tant que psychiatre, elle ne commence une séance d’électrochoc qu’en présence d’un médecin anesthésiste-réanimateur, afin de parer à tout incident lié à l’acte d’anesthésie générale.
A ce propos, le Pr Mohammed Adib Ghassane, chef du service d’anesthésie-réanimation au CHU de Marrakech, précise que l’électrochoc est une technique thérapeutique, qui nécessite une anesthésie générale même de courte durée, afin de parer aux risques respiratoires et cardiaques.
Donc cette acte thérapeutique doit obéir à toutes les conditions de sécurité, à savoir une consultation pré-anesthésique, un lieu approprié avec le matériel optimal: monitorage, ventilation, aspiration, défibrillateur...
D’ailleurs, précise ce professeur d’anesthésie-réanimation, les recommandations scientifiques de la société marocaine d’anesthésie-réanimation incluent également la sismothérapie.
Chaque séance dure environ vingt minutes. Une stimulation électrique est délivrée afin de provoquer une crise convulsive généralisée qui dure entre 20 et 120 secondes. Les effets de l’anesthésie se dissipent quelques minutes après la convulsion. Lorsqu’il a retrouvé conscience avec un état respiratoire et cardiovasculaire satisfaisant, le patient est conduit en salle de réveil et surveillé pendant environ une heure.
Pour les effets secondaires, précise la Dr Sakina Yaalaoui, ils sont légers et éphémères. Il peut s’agir de maux de tête ou d’amnésie critique.
Le patient ne se souvient pas de l’instant juste avant l’acte. Mais c’est une amnésie de courte durée et réversible. Après la cure, très progressivement le malade récupère ses capacités cognitives.
En termes de résultats, la Dr Sakina Yaalaoui, insiste sur le fait que cette technique est pratiquée chez les adultes et non chez les personnes âgées. Et en termes de bons résultats, la Dr Yaalaoui a comme indicateur: la disparition des symptômes dont souffraient le (ou la) patiente. On constate que pour le malade qui était en dépression, son humeur s’améliore, parfois même présente une certaine forme d'excitation et pour le malade schizophrénique, il présente moins de délires.
Pour le Dr Fouad Laboudi, psychiatre à l’hôpital universitaire Arrazi de Salé, certains cas de dépression avec éléments psychotiques, ou un risque suicidaire important, anorexie majeure, agitation ou stupeur sont des candidats au traitement par électrochoc.
Autre indication, ajoute le Dr Laboudi, les accès maniaques essentiellement dans les états maniaques aigus ou les états mixtes, lorsque l'agitation est mal contrôlée par les médicaments. Le Dr Laboudi indique que les arguments utilisés pour convaincre la famille et ou la patiente commencent par expliquer à la famille que certains patients ne réagissent pas ou réagissent tardivement aux médicaments utilisés habituellement dans ces maladies mentales, et expliquer ses principaux avantages, qui sont sa rapidité d’action et l’importance de son effet bénéfique sur les symptômes, tout en étalant les éventuels risques de ce traitement et le mode de déroulement.
Cela, en précisant que le plus grand centre formateur du Maroc, en médecins psychiatres, à savoir l’hôpital universitaire Arrazi de Salé, n’offre plus la possibilité à ces patients de bénéficier de sismothérapie, faute de médecin anesthésiste-réanimateur sur place.
Pour conclure, si le taux de réponse positive à l’ECT est élevé, le taux de rechute peut l’être également.
Cependant, il est possible de diminuer fortement ce risque grâce à plusieurs stratégies.
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Un suivi psychiatrique et psychothérapeutique du patient reste central et à cela, s’ajoute la médication.
Il est parfois possible d’utiliser l’ECT en prévention de la rechute, en espaçant progressivement les séances sur une durée de 6 mois.
L’ECT est parfois utilisée sur du plus long terme, il devient alors un traitement préventif de nouveaux épisodes.
Ainsi, l'électroconvulsivothérapie peut être utilisé comme un complément au traitement médicamenteux et psychothérapeutique.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.