Si la prise en charge thérapeutique standard de la thalassémie est très lourde, à savoir des transfusions sanguines chaque mois pendant toute la vie avec une prise quotidienne de médicaments, la prévention, quant à elle, est accessible à toutes les bourses par un simple examen sanguin ne dépassant pas 500 dirhams: l'électrophorèse de l’hémoglobine, informe, en s'exclamant, le Pr Mohammed Khattab, président de la Fédération des Associations Marocaines de Thalassémie et de la Drépanocytose, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Thalassémie, célébrée par la communauté internationale tous les 8 mai.
L’organisme d’un malade souffrant de la thalassemie, en particulier sa moelle osseuse, est incapable de fabriquer des globules rouges normaux, d’où la nécessité de recourir aux transfusions sanguines mensuelles, tel un véhicule qui a besoin constamment du carburant pour rouler, précise le Pr Khattab, ancien chef du service d’hématologie oncologie pédiatrique du CHU Ibn Sina de Rabat.
Tout d’abord, il est important de préciser, avertit le Pr Khattab, que la thalassémie n’est pas une maladie contagieuse. C’est une maladie héréditaire, transmise par des parents, en bonne santé, mais porteurs d’une anomalie génétique.
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Ils peuvent avoir un enfant malade, une fois sur 4, à chaque grossesse. Malheureusement, en raison de l’absence de dépistage, ce n’est qu’à la naissance d’un enfant thalassémique, que les parents se rendent compte qu’ils étaient des porteurs sains.
Dans sa forme majeure, cette maladie se manifeste chez le bébé par une pâleur progressive, une augmentation du volume de l’abdomen (à cause de l’augmentation du volume de la rate en rapport avec le stockage de globules rouges anormales détruites) ainsi qu’une déformation des os des joues et du front.
Dans les formes moins graves, la thalassémie se manifeste avec les mêmes symptômes, après l’âge de 2 ans, et toujours avant l’âge de 10 ans.
Pour ce spécialiste des maladies du sang de l’enfant, sur un plan médical et biologique, il n’y a aucune difficulté à diagnostiquer cette pathologie.
Les deux examens clés sont disponibles partout au Maroc et ne sont pas chers. Ce sont la NFS (Numération Formule Sanguine) qui montre une anémie importante, et l'Électrophorèse de l’Hémoglobine sur Chromatographie à Haute Performance Liquide, qui confirme le diagnostic (HPLC).
Le Maroc compterait environ 10.000 personnes souffrant de la thalassémie. Et le «le ministère de la Santé a opté pour héberger le 1er registre national des thalassémies au sein de son département d'épidémiologie. Mais hélas, ce projet n’a pas pris forme, car le ministère de la Santé n’a pas donné une suite réelle à ce registre, malgré sa conception définitive en 2014, par une commission scientifique très compétente en la matière», constate avec amertume le Pr Mohammed khattab, qui était à cette époque membre du comité scientifique de ce registre.
Par ailleurs, précise ce spécialiste de l’hématologie infantile, puisque le patient produit des globules rouges anormaux et qui sont détruits par la suite par la rate, il devient de plus en plus anémique et risque de mourir dans sa petite enfance.
Heureusement qu’il y a une solution, précise le Pr Khattab: la transfusion sanguine. Il faut transfuser le malade tous les mois et durant toute la vie.
Cependant ces transfusions ont un effet secondaire notable: la surcharge en fer, car le fer apporté par les transfusions itératives n’est pas éliminé par les voies naturelles.
Cette surcharge finit par entraîner un décès, si elle n’est pas prévenue à temps et combattue par des médicaments chélateurs (destructeurs du fer) à prendre tous les jours, également toute la vie.
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Il est évident que des bilans biologiques, d’imagerie et d’exploration des différents organes doivent être programmés. L’espoir de tout malade thalassémique est de guérir une fois pour toutes de cette maladie souvent mortelle à l’âge de 20 ans.
Cela demande à remplacer sa moelle osseuse, incapable de fabriquer les chaînes bêta de l’hémoglobine, par une moelle osseuse normale. Cette greffe doit être, de préférence, celle d'un frère ou d'une sœur du malade HLA compatible, une forme de compatibilité cellulaire pour éviter le rejet par l’organisme de la greffe de la moelle osseuse.
Cette technique qu’on appelle allogreffe des cellules souches hématopoïétiques, a démontré son efficacité en Europe depuis plus de 40 ans. Au Maroc, la greffe dans la thalassémie est encore timide. Et son coût varie entre 700.000 et 1.000.000 DH.
Il faut préciser que le coût de la prise en charge d’un patient atteint de thalassémie, en terme de transfusion sanguines mensuelles et prises médicamenteuses quotidiennes, à vie, revient à 50.000 DH par an, avant l’âge de 5 ans; 100.000 DH pour les âges compris entre 5 à 10 ans et plus de 200.000 DH par an, au-delà de l’âge de 20 ans, si le patient survit au-delà de cet âge.
C’est évidemment très coûteux pour les familles et pour les organismes de prévoyance sociale. Or c’est une maladie qu’on peut éradiquer et donc faire des économies de santé, tient à préciser le Pr Khattab.
Cette prévention a réussi dans plusieurs pays du pourtout méditerranéen. Même la Palestine, en conflit permanent, a pu éradiquer cette maladie.
Il n’y a plus de naissance d’enfant thalassémique dans ces pays, explique le Pr Mohammed Khattab.
Comment alors l’éradiquer au Maroc? Etant donné que la thalassémie est transmise par des parents en bonne santé, mais porteurs de l’anomalie génétique potentiellement transmissible à leurs enfants, il suffit juste de faire une NFS et une électrophorèse de l’hémoglobine à l’un ou les 2 parents (coût: de 300 à 500 dirhams).
Si les deux parents sont des porteurs sains, il suffit de les prévenir, à savoir qu'ils auront une fois sur quatre le risque d’avoir un enfant avec une thalassémie dans sa forme majeure, à chaque grossesse en cas de mariage.
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S'il y a mariage et naissance d’un enfant malade, le scénario dramatique est clair. Il faut donc prévoir un mariage entre un homme et une femme non porteurs du gène. C’est une politique qui été menée dans plusieurs pays à travers le monde, qui ont éradiqué la thalassemie.
Il est évident qu’une sensibilisation claire et complète de la population est un préalable indispensable au dépistage de cette maladie héréditaire de l’hémoglobine
Il est incompréhensible qu'aujourd'hui, le Maroc n'ait pas encore démarré la sensibilisation et le dépistage d’une maladie aussi rare que la thalassémie. Car les retombées socio-économiques seraient inestimables sur tous les plans, déclare le Pr Khattab, dans une volonté d'alerter l'opinion publique.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.