Et un de plus ! Cette semaine, la littérature marocaine d’expression néerlandaise s’est enrichie d’un nouveau nom : Tofik Dibi. Cet homme encore jeune mais à la carrière déjà impressionnante (activiste écolo, syndicaliste, dirigeant politique, député…) vient de publier un livre intitulé Djinn chez Prometheus, l’éditeur le plus en vue des Pays-Bas.
Il y a quelques mois, Jamal Ouariachi avait publié un roman sous le titre Een honger chez Querido, l’une des plus anciennes maisons d’édition du pays. Le livre fit partie d’une sélection de dix romans présentés officiellement par les Pays-Bas à la Foire du livre de Francfort, la plus importante du monde.
Ces deux auteurs ont la particularité d’avoir fait des études poussées à l’université d’Amsterdam, en ‘Media studies’ pour Dibi (il s’inscrivit à un de mes cours même s’il brilla surtout pas son absence, à cause de ses multiples activités parallèles) et en psychologie pour Ouariachi.
Ces nouveaux-venus s’ajoutent à une liste impressionnante qui contient les noms du talentueux Abdelkader Benali (lauréat du plus prestigieux prix littéraire des Pays-Bas, né à Ighazzazen, dans le Rif), l’enfant d’Oujda Hafid Bouazza, unanimement reconnu comme l’un des auteurs de langue néerlandaise les plus originaux, la subtile Naima El Bezaz, native de Meknès, Khalid Boudou, venu de Temsamane faire une belle carrière dans les polders, Said El Haji, né au Maroc mais qui donne maintenant des ateliers d’écriture en néerlandais aux Néerlandais ( !), Najoua Bijjir, Hassan Bahara, l’excellent poète Mustafa Stitou, etc. Tous des amis dont je suis fier.
La question qui intrigue tous les observateurs est la suivante : il y a encore plus de Turcs et d’Indonésiens ici mais ces deux communautés n’ont donné pratiquement aucun écrivain. Les Marocains, eux, ne cessent de publier et de briller sur la scène littéraire. Pourquoi ?
Les chercheurs ont tenté de répondre à cette question de plusieurs façons, mais l’énigme demeure. En tout cas, une chose est sûre : les Marocains ont beaucoup de choses à dire. Posons-nous maintenant la question : si Benali était resté à Ighazzazen, Boudou à Temsamane, Stitou du côté de Nador, auraient-ils fait la même carrière ? On peut en douter, pour plusieurs raisons, dont la moindre n’est pas la question linguistique. En quelle langue auraient-ils écrit ?
Sans même prendre position dans cette question qui enflamme périodiquement notre pays, force est de constater que tant qu’elle ne sera pas prise à bras-le-corps, tant qu’elle ne sera pas résolue, la meilleure façon pour un Marocain talentueux d’être publié et d’être reconnu à sa juste valeur consiste pour l’instant à prendre, bébé, le chemin du Nord dans les bagages de ses parents… On peut en déduire qu’il y a des milliers de talents ignorés au Maroc, et qui le resteront. Quel gâchis !