Revue de presse française: de l’abaya au terrorisme

Mouna Hachim.

Mouna Hachim.

ChroniqueUne polémique en appelle une autre, mais le sujet principal reste le même puisque, d’une manière ou d’une autre, tous les chemins mènent aux musulmans…

Le 09/06/2023 à 16h56, mis à jour le 10/06/2023 à 11h00

À suivre l’actualité française, la ‘abaya, cette longue robe traditionnelle originaire du Moyen-Orient et de la Péninsule arabique, a envahi l’école.

À longueur de journée, des personnalités de tous bords fourbissent leurs arguments dans le combat qu’elles mènent contre l’objet du délit importé dans une France passée, pour paraphraser les mots du sénateur Stéphane Ravier, des abbayes aux ‘abaya.

Il faut dire que l’été tarde à venir avec son marronnier périodique nommé burkini, que le sujet du voile sent désormais le réchauffé inlassablement ressassé depuis le dernier tiers du siècle dernier, que la récente pilule du «fichage religieux», appelé par le ministère de l’Intérieur «évaluation» du taux d’absentéisme des élèves musulmans à l’école le jour de l’Aïd, n’est pas passée.

Pas plus que la mayonnaise n’a pris avec l’Auchan présenté en titre du journal Le Parisien, comme dans un épisode digne des croisades, «terrassé par l’impitoyable concurrent halal HMarket» aux Mureaux.

On se croirait dans un remake inversé de Saint Georges face au dragon!

Que vaut l’information de taille relative à la restructuration stratégique du groupe de distribution allant dans le sens de la fermeture de sept supermarchés en privilégiant, désormais, la franchise?

Et pourquoi, diantre, s’embarrasser du souci numéro un du consommateur, qu’il soit monothéiste ou adorateur du concombre masqué, à savoir le prix avantageux en une période de grave inflation alimentaire?

«C’est un projet communautariste!». Le mot est lâché! Dixit RMC par la bouche de l’enseignante et essayiste Barbara Lefebvre qui précise dans la lancée que, ce faisant, les consommateurs «payaient la dîme»!

Une polémique en appelant une autre, mais le sujet principal restant le même puisque, décidément, tous les chemins mènent à l’islam: la ‘abaya envahit tant les esprits qu’elle est propulsée «habit religieux» menaçant la sacro-sainte laïcité.

Si le foulard a été catalogué islamique, pourquoi se priver avec la ‘abaya arborée pourtant par des égéries de la stature de l’actrice et ambassadrice de bonne volonté américano-cambodgienne Angelina Jolie?

D’une pierre deux coups, quoi de plus couvrant aussi que cette ‘abaya pour essayer de voiler des regards la mobilisation sociale que traverse l’ensemble du pays autour de la réforme impopulaire des retraites, tandis que l’école elle-même connaît un ensemble de dysfonctionnements dont le plus grave est le harcèlement menant au suicide!

«Y a-t-il une offensive du port de l’abaya?» s’interroge BFMTV.

«L’abaya, dans le viseur de l’Éducation nationale», affirme CNews.

«Laïcité : l’abaya, le vêtement qui fait débat», confirme Le Point, avec pour illustration une photo d’une femme d’un certain âge marchant dans la rue en djellaba.

Allez expliquer que la djellaba est une tenue traditionnelle marocaine à l’extrême ouest des pays des ‘abaya!

C’est, dirait l’autre, «kif kif, bourricot»!

Que cette mode soit en hausse exponentielle, c’est un fait, auprès d’une certaine jeunesse qui y trouve là un moyen d’exprimer, selon ses sensibilités, une quête d’identité, une continuité culturelle, un rempart contre la société de consommation moderne, un simple mode vestimentaire…

Et ce n’est sûrement pas la stigmatisation ou les appels à l’interdiction qui y changeraient quoi que soit, rejoignant, en prime, le clan des extrémistes de tous poils.

C’est comme si on faisait un bond vers un temps révolu, projetés directement au 26 Brumaire an IX de la République française (pour les profanes, le 7 novembre 1800), avec cette vieille loi stipulant au sujet du pantalon que «Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation», avant que deux circulaires datant de 1892 et 1909 autorisent enfin le port féminin du pantalon, si toutefois la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval!

Cela ne s’invente pas!

C’est un peu aussi comme si on titrait dans un pays musulman en reprenant les mêmes éléments de langage:

«Jeans slim: Grave atteinte à nos valeurs!».

«Crop top ! Il y a une forme de revendication occidentalisante. Ce n’est pas qu’un vêtement!».

«Petite robe à fleurs! Quelle dérive. Ce vêtement ostentatoire doit être interdit à l’école, un point c’est tout!».

À moins d’imposer l’uniforme (mais alors sous quelle forme?), autant accepter la diversité et l’ouverture. Celles-là mêmes qui ont permis d’enrichir la société et la langue française en intégrant la jupe, issue de l’arabe jobba; la basane, de batana; le caban, de qabâ; tandis que le qoutn a donné le coton et, par la même occasion, le hoqueton; mohayyar, la moire en passant par le mohair; la ville de Mossoul irakienne, la transparente mousseline et la Chinoise Tsia-Toung, dite par les Arabes Zaytoun, le doux satin…

Une information en supplantant une autre, la ‘abaya a été couverte par cette attaque monstrueuse à Annecy, exécutée au couteau sur six personnes, dont quatre enfants par un demandeur d’asile syrien, réfugié en Suède depuis dix ans.

La récupération politicienne n’a pas tardé, notamment avec la députée Aurore Bergé qui en a sidéré plus d’un par son indécence: «Être en ce moment dans l’hémicycle avec une espèce de bataille de chiffonniers sur une recevabilité ou non d’amendements nous paraît en total décalage par rapport à l’effroi qui submerge notre pays».

L’instrumentalisation jouant sur l’émotionnel ne vise pas que la proposition de loi pour l’abrogation de cette réforme, elle a encore donné l’occasion de s’emballer au quart de tour et de jeter la première pierre.

D’Espagne, Ignacio Cembrero, qui twitte plus vite que son ombre, parle de jihadisme au même titre qu’en France, le député Meyer Habib.

Dans la foulée, et contrairement à ce que les images montrent, l’agresseur présumé se trouve vêtu de vert, coiffé d’un turban, le front ceint d’un bandeau vert «ressemblant à celui des djihadistes islamiques».

Des appels ne tardent pas sur les réseaux sociaux, créant des hashtags #islam #annecy et exigeant des musulmans de manifester contre le terrorisme.

Manque de bol pour la fashosphère: le terroriste était chrétien!

Il répondrait au nom de Abdelmasih (adorateur du Christ), porte une croix au cou, une bible dans un sac et a hurlé au moment de l’attaque : «Au nom de Jésus!».

«Comment? Un chrétien qui tue? Qui porte le keffieh? Qui s’appelle Abdel?…»

Mais quelle inculture! Et quel retournement inattendu!

Une conférence de presse se trouve annulée alors que le suspect passe illico de terroriste à assaillant déséquilibré, se roulant par terre en détention pour être soumis à un examen psychiatrique.

Dans ce tohu-bohu, il reste heureusement un vrai chrétien: un jeune héros de 24 ans, pèlerin catholique de son état, faisant le tour des cathédrales de France, se trouvant là au moment des faits pour s’interposer et tenter de sauver les enfants.

Il reste aussi, invariablement, quoiqu’avec une rapidité sidérante, les sempiternelles récupérations politiques sous le thème de l’immigration, réclamant plus de durcissement des conditions d’accueil, quelle que soit la religion.

On les entend d’ici: «Virez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens!»

Par Mouna Hachim
Le 09/06/2023 à 16h56, mis à jour le 10/06/2023 à 11h00