Je n’arrête pas de demander autour de moi: «Alors, que pensez-vous de la réforme du Code de la famille? Pour ou contre?»
Je passe sur ceux qui sont pour, ils ont déjà leur place au paradis. Je passe aussi sur ceux qui sont contre pour des raisons vaguement religieuses: ceux-là sont contre tout changement, d’où qu’il vienne, ils vivent dans le passé et croient qu’il est possible de figer le temps et de plonger dans le formol. Des momies.
Je m’arrête donc sur les gens «normaux», et ils sont nombreux, qui sont dans une zone grise. Ni pour ni contre, bien au contraire! Ils sont indéterminés, n’ont pas encore tranché. Ils peuvent toujours basculer, ils hésitent, et quand ils se disent contre, c’est parce que… Ils ne savent plus très bien pourquoi.
Ils ont peur. On va donc leur prendre la main…
Il y a par exemple celui qui est en instance de divorce, qui en a vu de toutes les couleurs et qui n’est pas au bout de ses peines. Pour lui, réformer la Moudawana, cela veut dire donner des armes supplémentaires à son ex, qui va le déchiqueter!
Il ne voit que ça. Il est dans la paranoïa la plus aigüe. Il a si peur de cette réforme qu’il en tremble. Donc il est contre. Contre tout. Il ne veut rien savoir. Il s’aveugle.
Mais, mon ami, je vais te dire une chose toute simple: tu as certainement une fille, une sœur, une mère ou une amie très chère. La Moudawana est pour elles, elle améliorera le quotidien de toutes ces femmes que tu aimes. Pourquoi, au prétexte que tu es en conflit avec une femme (un conflit que je te souhaite régler au mieux et au plus vite), voudrais-tu sanctionner toutes les autres?
Et puis, il y a ceux qui sont contre parce qu’ils sont blasés. La réforme, croient-ils, ne va rien changer, c’est beaucoup trop de bruit pour rien.
Ô que non!
Imaginez un jeune garçon, de parents divorcés, qui doit changer d’école. Il vit avec sa mère, mais il a besoin de l’accord écrit du père. C’est la loi qui l’exige, la tutelle va de facto au père. Et le père est introuvable… Que va devenir ce garçon qui risque d’être privé de scolarité? Faut-il que l’école ferme les yeux et se mette ainsi en infraction? Faut-il que quelqu’un viole la loi pour assurer à ce garçon une scolarité normale?
Imaginez encore que ce même garçon est victime d’un accident de la circulation. Le papa n’est pas là, mais le chèque de l’assurance est signé en son nom. C’est la loi sur la tutelle qui l’exige, là encore. Que faire? Faut-il attendre que ce père invisible se manifeste pour encaisser son chèque, avant de disparaître à nouveau? Ou fermer les yeux, graisser des pattes et violer la loi, encore et toujours?
Voilà des exemples simples et, dira-t-on, «bêtes», loin des grands discours et des rhétoriques stériles (comme cette sacrosainte et ridicule obsession de ne pas suivre le soi-disant modèle occidental) qui montrent la nécessité absolue de réformer le Code de la famille. Chaque petit progrès soulagera des milliers de personnes au quotidien.
Il y a bien sûr d’autres exemples, d’autres thématiques: l’héritage, on en parle? Et l’adoption? Et la polygamie? Et le mariage des mineures? Et celles qui se remarient dans le secret pour ne pas garder la garde de leurs enfants? Et…
Pour finir, me diriez-vous, il y a aussi le cas bien particulier des femmes qui sont anti-réforme. Les femmes contre les femmes quoi. Comme celles que l’on a vu déferler, par contingents de milliers de personnes, dans la fameuse contre-marche qui s’est opposée au Plan d’intégration de la femme, en 2000. Incompréhensible.
Quel exemple peut-on leur servir pour les convaincre de basculer du bon côté? Aucun, Allah yahdihoum: que Dieu les guide!