Portrait. Qui est Paul Mamere, le tout premier journaliste marocain porteur de trisomie 21?

Les dessous du parcours de Paul Mamere, premier journaliste porteur de trisomie 21

Paul Larby Mamere, premier journaliste porteur de trisomie 21 au Maroc. (A.Gadrouz/Le360)

Le 28/07/2025 à 09h46

VidéoIl s’appelle Paul, il a 24 ans, et il est journaliste de vocation, de formation et d’exercice. Un parcours comme tant d’autres en apparence, sauf que Paul est porteur de trisomie 21. Derrière son parcours, un combat au quotidien contre les préjugés et une ferme détermination à se faire une place dans un monde parfois cruel. Une leçon de vie et un symbole de persévérance. Rencontre.

C’est dans le calme de la bibliothèque de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) que Paul Larby Mamere aime se réfugier. Pour lire, faire des recherches, s’isoler du tumulte ambiant et se concentrer sur ce qui compte: apprendre, comprendre, raconter. Il vient de boucler quatre années d’études intenses, avec à la clé une soutenance de mémoire en juin dernier sur un thème qui lui tient à cœur: l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. «Je me suis investi sur les ODD 4 et 10, pour l’accès à l’éducation et la réduction des inégalités», explique-t-il. Derrière les mots, un engagement sincère. Celui d’un jeune homme qui ne veut pas seulement exister dans le système, mais être acteur d’une transformation majeure.

À l’institut, Paul a dû faire plus que les autres pour prouver qu’il méritait d’être là. Mohssine Benzakour, professeur de sociologie, l’a vu s’épanouir dans ses cours. «Paul, en classe, c’est comme tous les élèves. Et rien que ça, c’est déjà extraordinaire», déclare-t-il. Mais ce «comme tout le monde» est le fruit d’un effort invisible, constant. «Il participe, il réfléchit, il s’investit. On sent qu’il veut non seulement comprendre, mais être à la hauteur du groupe. Ce qui est admirable», ajoute-t-il. «Ce qui doit changer, ce sont les mentalités. Paul nous pousse à revoir notre manière de penser la norme», témoigne son professeur.

Ce chemin vers le diplôme n’aurait pas été possible sans l’engagement indéfectible des membres de sa famille, à leur tête, Khalid Mamere, son père. Un roc pour lui, une présence inlassable. «L’accompagnement de Paul est un travail du matin au soir, et du soir au matin», confie-t-il. Chaque jour, pendant des années, il a été là: pour anticiper les difficultés et apaiser les doutes. «Ce n’est pas un travail qui s’improvise. C’est un engagement à court, moyen et long terme», ajoute-t-il.

Mais ce combat silencieux porte aujourd’hui ses fruits. «Paul est une fierté pour nous, pour son école, pour le Maroc et pour l’humanité. Il est la preuve que la trisomie n’est pas un mur, mais un chemin possible et un espoir pour changer les représentations sur le handicap mental», précise le père de famille. Et Khalid d’appeler à une politique plus transversale: «Le handicap n’est pas qu’un sujet d’éducation ou de santé. Il concerne tous les pans de la société. Il est temps que les politiques et le social unissent leurs forces autour de cette cause nationale», conclut-il sur un ton plus sérieux.

Tout au long de ses études supérieures, Paul a été accompagné par Hasnae El Kamili. Une présence douce mais structurante, discrète mais essentielle. «Paul est le premier porteur de trisomie 21 au Maroc à obtenir une licence en journalisme», rappelle-t-elle fièrement. Ce n’est pas un miracle. C’est le résultat d’une méthodologie, d’une adaptation patiente, d’une écoute active.

«Cette expérience m’a confirmé que les personnes en situation de handicap sont capables, totalement. Il suffit d’adapter l’environnement. L’accompagnement n’est pas un luxe: c’est un droit. C’est la clé de l’égalité des chances», souligne-t-elle. Dans l’ombre, Hasnae a veillé, avec d’autres personnes admirables, à ce que Paul avance seul. Et aujourd’hui, c’est ensemble qu’ils célèbrent cette victoire.

Paul n’envisage pas de master, et ce n’est pas par manque d’ambition. Son terrain de jeu est ailleurs. «Je vais continuer à faire mes vidéos sur ma chaîne YouTube. J’en ai déjà créé près de 300», rappelle-t-il avec fierté. Sa passion pour le journalisme s’exprime dans ce média libre, souple, accessible, qu’il utilise pour raconter le monde à sa manière. Il a déjà couvert des événements prestigieux comme les CAF Awards à Marrakech, interviewé des joueurs, des artistes, ministres et présidents. Et quand on lui demande s’il se verrait un jour travailler pour un autre média, il répond sans détour: «Non, je préfère rester sur ma chaîne».

Paul n’est pas seulement un étudiant diplômé. Il a aussi été nommé ambassadeur de l’inclusion au sein de l’Union des lycées français du monde (ALFM), par son président Ahmed Mernissi. Il connaît bien ce réseau qu’il a côtoyé durant ses années au lycée Descartes, où il a obtenu un bac français avec mention. Une autre première.

Aujourd’hui, il est une figure reconnue de la diversité dans les milieux éducatifs et culturels. Mais il reste, avant tout, Paul. Le jeune homme qui voulait prouver qu’on avait tort de penser qu’il n’y arriverait pas. «J’ai entendu dire à mes débuts que je ne pourrais pas intégrer l’ISIC. Mais j’ai prouvé que j’en étais capable et je suis officiellement journaliste», conclut-il simplement.

Par Ryme Bousfiha et Adil Gadrouz
Le 28/07/2025 à 09h46