Noureddine Fakir, propriétaire du restaurant le Salama à Marrakech, a fait parvenir en préambule à la rédaction un montage photo de soixante clients marocains afin de prouver que sa clientèle n’est pas exclusivement étrangère.
Parmi ces clients, qui ont eux-mêmes partagé sur les réseaux sociaux leur venue, le producteur Redone ou des influenceuses telles que Fashion Mintea, alias Yasmina Olfi, ou Miniloufi, Chayma Waloufi.
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«Pour moi, il n’y a pas de sujet. On dit que l’établissement refuse les Marocains. C’est faux! Et si c’était le cas, ces gens-là, que font-ils chez nous?», argue t il, en insistant sur le fait que ces photos sont celles de clients du restaurant et non d’influenceurs sous contrats ou invités.
Mais quid de la photographe et instagrameuse Amira Azzouzi qui aurait été refusée à l’entrée du restaurant?
«C’est nous qui l’avons contactée, qui l’avons sollicitée, qui l’avons invitée, en connaissant son nom, en sachant qu’elle est marocaine. C’est quand même bizarre non?», s’interroge le propriétaire du Salama.
Et de poursuivre: «nos échanges avec cette dame ont duré plus d’une semaine. Elle a changé plusieurs fois la date de sa venue. Puis elle est arrivée accompagnée et apparemment elle a été refusée à l’entrée. Suite à quoi, elle a envoyé des messages sur instagram. Mais elle avait eu un problème, il fallait qu’elle appelle! Au lieu de cela, elle envoie des messages sur instagram qu’on n’a pas lu sur le coup», se défend Noureddine Fakir. (Il est à préciser que Amira Azzouzi nous a fait parvenir des captures d’écran de ses échanges avec Noureddine Fakir et la chargée du community management au sein de l’établissement où elle les informait qu’on lui interdisait l’entrée de l’établissement. Ses messages ainsi que ses appels seraient restés, selon elle, sans suite).
«Ça m’est arrivé plein de fois de me rendre dans un endroit qui affichait complet. Dans ce cas-là, je repars et je m’en fous ! Je n’en fait pas toute une histoire», clame-t-il en concluant, «il y a eu un problème avec cette fille mais elle ne représente pas tout le Maroc j’espère!».
Aux manettes du restaurant, un ancien de la pressePour prouver sa bonne foi, Noureddine Fakir tient à revenir sur son parcours, «Je suis l’ancien directeur du groupe de presse Caractères. J’ai dirigé les magazines Femmes du Maroc, Maison du Maroc, Télé plus, La Vie Eco… J’ai monté l’évènement Caftan avec Nassreddine El Afrit.Je suis aussi le propriétaire de la société Hill’art Production. J’ai animé le Maroc entier, j’ai organisé des tas de concerts ici. J’ai souffert pendant des années à faire venir Ray Charles, Natasha Atlas, Cheb Khaled, Charles Aznavour… J’ai organisé le 1er festival de Jazz au complexe Al Amal, j’ai été nommé responsable de la partie culturelle au festival de Carthage en Tunisie», se remémore-t-il.
«J’ai fait tout ça pour qui? Pour les Européens? Non, je l’ai fait pour les Marocains! Je me suis cassé les dents à faire tout ça, à me battre», clame-t-il avec véhémence.
«On nous présente au public d’une façon qui ne nous ressemble pas», s’insurge-t-il. «Nous sommes une fierté pour ce pays!»
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Vraie polémique ou rançon de la gloire ?S’agissant de son établissement, de sa réputation, il explique : «nous avons un restaurant avec une connotation internationale. Nous travaillons avec le ministère du tourisme, les hôtels, les institutions, les organismes… Tous connaissent nos valeurs, nos compétences et nous font confiance en nous envoyant des journalistes étrangers, mais aussi leurs invités et leurs clients. Nous avons une responsabilité envers ces gens-là.»
«Imaginez que l’ONMT m’envoie des gens, avec budget alloué, pour appliquer une stratégie commerciale. Nous sommes là pour aider ces gens à mener ces actions à bien. Nous les accompagnons. Nous sommes garants de cette réussite», explique le restaurateur qui se donne toutefois le droit de sélectionner sa clientèle dans certains cas.
«Je suis patron, je ne suis pas tous le jours assis dans mon restaurant. Mais nous avons une responsabilité envers nos clients.»
«Le mec à l’entrée peut dire non à certaines personnes, mais de là à mettre ça sur facebook quand tu te fais refuser, non! Alors, on refuse quelqu’un et on se retrouve à refuser tous les Marocains. Alors que faire? Doit-on menacer l’insécurité des autres en laissant entrer tous ceux qui le veulent? Les tuer aussi ? On a une responsabilité quand même !»
«L’erreur est humaine», concède-t-il, «mais il faut appeler les choses par leur nom : Nous sommes des ouled nass.»
De Jemaâ El Fna à Montmartre, les touristes au cœur du business«Nous avons un bel endroit, ça donne envie. On n’a pas vu de belles choses chez nous, que des choses mauvaises? Tout ça c’est zéro?», s’insurge t il.
«Tout le personnel porte un tarbouche, on montre un certain Maroc. Les photos prises chez nous font le tour du monde. Nous avons des articles élogieux dans les magazines Vogue, Elle, Harpers Bazaar! Pourquoi pas des articles comme ça chez nous?», s’interroge-t-il?
Peut-être en raison d’une communication tournée vers l’étranger qui tourne le dos justement à la presse marocaine?
Pas d’accord Noureddine Fakir. «Le cœur du tourisme à Marrakech est constitué d’étrangers. On partage notre patrimoine avec des étrangers. Le Maroc invite des journalistes étrangers quand il ouvre des lignes aériennes. On ne peut pas me reprocher les fondamentaux d’un business. On se positionne sur un marché», explique-t-il.
«La médina on la partage avec des étrangers. C’est comme à Paris, quand vous allez à Montmartre ou à la Tour Eiffel, vous n’y trouvez pas de Parisiens mais des étrangers.»
Que veulent les Marocains ?Mais si les Marocains ne sont pas refusés, ils ne sont pas pour autant aussi nombreux que les touristes à en croire les photos partagées sur les réseaux sociaux par l’établissement lui-même. Comme l’expliquer ?
«Nous on mange marocain chez nous tous les jours! Alors quand on voyage, on est un sur mille à aller à Marrakech pour manger marocain. On va à Jemaâ el Fna pour y faire un tour, on prend un petit cadeau pour la famille, pour rigoler et on s’en va. Est-ce que vous voyez des Marocains rester à Jemaâ El fna pour y diner le soir? C’est très très rare», déclare t il.
Pour le restaurateur, il est aussi important de faire la différence entre les villes. «Casablanca vit avec des nationaux, tous les clients des établissements sont Casablancais. A Marrakech, ce n’est pas le cas. Les petits bars, les petits cafés, ont une clientèle marrakchie. Mais pour les restaurants comme «Le nomade», «le jardin», «le café des épices»… 99,9% de la clientèle est internationale et ce n’est pas de leur faute.»
Sans ignorer que la vocation touristique de Marrakech ne peut être ignorée.
«Avant, Marrakech marchait pendant un mois. Les Casaouis et les Rbatis venaient y passer trois jours pour le nouvel an, et puis la ville se vidait. Aujourd’hui, elle est pleine tout le temps grâce aux étrangers. Si on a construit un aéroport à Marrakech, c’est pour les étrangers. C’est la stratégie du ministère du tourisme.»
Ces clients, selon Noureddine Fakir, ne sont donc pas à la recherche de la même chose en fonction de leur provenance. «Le Casablancais, le Rbati, le Fassi viennent à Marrakech pour s’amuser. Même mes amis ne veulent pas venir dans mon restaurant parce qu’il est dans la médina, qu’il faut marcher, que le parking est trop loin… Les étrangers non. Ils aiment aller à la médina, marcher, se prendre en photo. Le touriste vient pour découvrir. C’est une autre approche.»
Et de conclure, «Ça fait 10 ans que nous sommes ouverts et tout d’un coup, l’idée soudaine de refuser les Marocains nous serait venue?»
Et de mettre les points sur les i: «Nous ne sommes qu’un restaurant marocain de 160 couverts qui emploie 50 personnes, toutes marocaines.
Nous sommes des gens respectables. Je n’ai rien inventé: j’ai ouvert un restaurant pour des clients. Des clients de qualité. Et J’ai le client que je mérite!»