Le co-auteur marocain de la bouleversante découverte des premiers homo-sapiens en parle

Abdelouahed Ben-Ncer de l’INSAP et Jean-Jacques Hublin de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire, en juin 2017. 

Abdelouahed Ben-Ncer de l’INSAP et Jean-Jacques Hublin de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire, en juin 2017.  . AFP

Les plus vieux fossiles d'Homo sapiens mis au jour proviennent du Maroc. Datés de 300.000 ans, ils ont été retrouvés sur le site de Jbel Irhoud dans la province de Youssoufia. Abdelouahed Ben-Ncer, l’anthropologue marocain coauteur de la découverte, nous en parle.

Le 08/06/2017 à 15h53

Le Maroc est le nouveau berceau de l’humanité. C’est ce que vient de révéler la dernière découverte de restes d'Homo Sapiens à Jbel Irhoud.

Ce site de la région de Youssoufia recèle plusieurs pièces anthropologiques. Les fossiles humains, découverts par la méthode de thermoluminescence par une équipe codirigée par le professeur Abdelouahed Ben-Ncer de l’Institut national d’archéologie et du patrimoine de Rabat (INSAP) et le professeur Jean-Jacques Hublin de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire (Leipzig, Allemagne) et du collège de France (chaire de paléoanthropologie), datent d’environ 300.000 ans et représentent les plus anciennes traces connues à ce jour de notre espèce.

Le site de Jbel irhoud est connu depuis les années 60. «Il est entré dans l’histoire via les restes humains qu’on y a trouvés. Leur âge géologique était resté incertain pendant des années. C’est l'une des raisons qui ont présidé au montage d’un autre programme pour pouvoir répondre à toutes les questions», déclare Abdelouahed Ben-Ncer, le directeur de la recherche côté marocain. Et de poursuivre: «Jusqu'à cette découverte, les spécialistes pensaient que l’Afrique était le continent d’origine de l’espèce Homo sapiens, et plus précisément que l’origine ou le berceau de cet Homo sapiens était l’Afrique de l’Est. Or concernant les restes qui ont été découverts en Afrique de l’Est, le plus ancien date de 200.000 ans». Le chercheur marocain ajoute: «On considérait l’Afrique de l’Est comme une sorte d’éden de l'Homo sapiens. Cet éden s’est déplacé au Maroc».

(Abdelouahed Ben-Ncer joint par le360)Abdelouahed Ben-Ncer conseille par ailleurs de garder la tête froide par rapport à cette récente découverte. «Quand on jette un coup d’œil sur les différents fossiles dont nous disposons à l’échelle du continent, nous avons d’autres restes venant d’Afrique du Sud et âgés de 260.000 ans, mais avec notre découverte, dont les fossiles remontent à 300 000 ans, l’interprétation de ce fragment a évolué et par conséquent, les restes de Jbel Irhoud et les restes trouvés en Afrique du Sud correspondent à la première phase d’évolution de l’Homo sapiens».

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(Le site de Jbel Irhoud)Dans les articles publiés dans la revue scientifique Nature, on évoque une origine panafricaine de l’Homo sapiens. «Lorsqu’on remonte à 300.000 ans, l’Afrique était verte, il n’y avait pas l'obstacle du Sahara comme c’est le cas d’aujourd’hui et cette récente découverte signifie que la circulation se faisait d’une manière aisée», souligne Abdelouahed Ben-Ncer.

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«Le Maroc est le nouveau berceau de l’humanité jusqu'à preuve du contraire, jusqu’au jour où l’on trouvera un fossile qui sera plus vieux», précise notre source. Mais le chercheur marocain qui a dirigé cette recherche en partenariat avec l'anthropologue français Jean-Jacques Hublin ajoute néanmoins que cette découverte est exceptionnelle. «Les études de laboratoire que nous avons mené sur les crânes montrent que la face de l’homme moderne actuelle existe depuis Irhoud. Cela veut dire que la face moderne ressemble à la face de l’Homo sapiens d’Irhoud».

Conclusion, les ancêtres de l'homme moderne vivaient à Jbel Irhoud. «Ce site que je qualifie de martyr est entouré de mines. Et pourtant il est resté extrêmement généreux», conclut le scientifique.

Par Qods Chabaa
Le 08/06/2017 à 15h53