Un homme, veuf ou divorcé, ne peut vivre sans épouse. Il ne peut tenir un foyer, se nourrir, élever ses enfants… Et satisfaire son appétit sexuel. Dieu l’a créé avec une puissance sexuelle qui, réprimée, éclate dans le corps et le cerveau et provoque des maladies. Mais chez la femme, nul désir ni plaisir. Celle qui cherche une présence masculine est perçue comme vicieuse.
Des arguments tirés, à tort, de l’Islam: Dieu a donné la puissance sexuelle à l’homme, et à la femme, la froideur pour qu’elle conserve l’honneur de sa famille et reste fidèle à son époux. Si elle pense se remarier, hram ‘liha (elle commet un péché), elle va détruire ses enfants, alors qu’en vérité, le mariage est recommandé par le Coran!
L’Islam est la seule religion monothéiste qui recommande le plaisir sexuel à l’homme et à la femme. La sexualité est un bienfait dont Dieu a comblé l’être humain.
Le remariage du père est accepté. On dit qu’un veuf choisit sa nouvelle épouse lors des funérailles de sa défunte épouse. Une des formules de condoléances adressées au nouveau veuf: Allah yjaddade oussadaque (que Dieu renouvelle ta couche). À la veuve on dit: diri âklake, tabti, jam’i ouladèke, sois sage et couve tes enfants.
Même si les enfants craignent la femme du père, l’étrangère qui va s’ingérer dans leur vie, ils s’y soumettent. Pour la mère, c’est impensable. L’adage marocain dit: «Si ton père décède, repose ta tête sur le genou de ta mère. Si ta mère décède, repose ta tête sur le seuil de la porte.»
Le père se donne entièrement à la nouvelle épouse et aux nouveaux enfants, négligeant souvent ses premiers enfants. Ils se sentent alors étrangers au domicile parental et peuvent même en être chassés. Il y a certes des pères consciencieux, mais rares.
La peur de mrate albou, la marâtre, est justifiée par les exemples fréquents d’enfants négligés par le père, sous l’influence toxique de l’épouse. La marâtre peut être violente. Souvent, quand elle a ses propres enfants, elle maltraite ceux de son mari. Beaucoup d’enfants de la rue ont quitté leur foyer suite à cette violence. Les belles-mères correctes sont rares.
Pour l’entourage, le remariage de la mère met en péril les enfants, surtout les filles, qui risquent d’être harcelées ou violées par le beau-père.
C’est l’explication de l’article du Code de la famille marocain qui donne le droit au père d’obtenir la garde de ses enfants dès leurs 7 ans, si la mère se remarie. Comme si tous les nouveaux maris étaient des pédophiles.
Le remariage des mères est souvent refusé par les enfants. En bas âge, ils ne réalisent pas. Adolescents ou jeunes, ils s’y opposent par crainte de perdre l’amour de la mère, de la partager avec un étranger.
Ils sont aussi programmés par le discours ambiant, acerbe à l’égard de ces mères. Nawal, 22 ans: «Elle n’a pas besoin de se remarier. Elle a déjà eu un mariage. Baraka, assez! Aucun homme ne peut remplacer mon père. J’ai honte, car ma famille paternelle la critique.»
Sa mère répond: «Que fait pour moi ta famille paternelle dans mes nuits de solitude? Quand je suis malade et que je n’ai personne pour me tendre un verre d’eau… En plus, aucun projet de mariage ne donne une garantie de réussite.»
Une mère désespérée: «J’ai tout organisé pour ne pas perturber mes trois enfants, âgés de 17 à 22 ans. Je leur ai proposé de continuer à vivre avec moi dans notre maison. Le week-end, ils vont chez leur père ou restent chez eux. Moi, je rejoins mon futur mari chez lui. Refus! J’ai la chance d’être avec un homme conciliant, mais avec la rigidité de mes enfants, il finira par partir.»
Que de mères sont mortes dans la solitude, à cause des critiques de la société et de l’égoïsme de leurs enfants! D’autres se marient en secret, en cachette de leurs enfants et de leur famille, espérant que le temps finira par les rendre cléments.
Khadija: «Après une journée de travail, je déprime à l’idée de passer la soirée seule, sans un homme à qui parler, qui m’écoute, qui partage mon dîner, avec qui me disputer. C’est ça la vie!»
Hanane, 39 ans: «J’ai divorcé à 24 ans. J’ai des jumelles de 19 ans qui étudient dans une autre ville. Je suis souvent seule. J’aime un homme, mais mes filles s’opposent à mon remariage. Pour elles, c’est un drame. Ma famille me critique. Au bout de deux ans, je me suis mariée en secret. Je vis dans le mensonge, la peur de mes enfants, la culpabilité, la pression de mon mari qui râle… Qu’ai-je donc fait de mal?»
Zahra, 56 ans: «Mes enfants font leur vie et ont peu de temps pour moi. Veuve, je me suis sacrifiée pour eux pendant 27 ans. Je me suis mariée malgré leur refus. Ils m’ont boudée. Aujourd’hui, j’ai un homme sur qui je peux compter. Je ne le regrette pas.»
Si des mères cherchent de l’affection, d’autres désirent une présence masculine pour les protéger, les soutenir, les décharger de certaines responsabilités. Khadija, 53 ans: «Chez nous, une femme seule souffre du regard des autres, a peur de sortir la nuit, de voyager seule. Un homme à ses côtés la sécurise. Et puis avec deux budgets, j’ai une qualité de vie meilleure.»
Parfois, les enfants refusent pour des considérations matérielles. Larbi, 32 ans: «Ma mère vit de l’héritage laissé par mon père. Si elle se remarie, un étranger la dépouillera ou deviendra héritier avec nous si ma mère décède.» Certes, mais il y a toujours des moyens de minimiser les risques.
Souvent, la mère ne travaille pas, n’a pas de revenu. Le remariage est une obligation vitale.
Il est vrai que ces situations sont délicates, pénibles, complexes. Mais il s’agit de femmes brimées, qui ont droit au bonheur. Les enfants devraient être moins égoïstes, plus empathiques. Car pendant qu’ils mènent leur vie comme ils l’entendent, leurs mères souffrent.