Il n’y a eu aucun suspense, aucune surprise. Juste une confirmation, la énième. Les résultats du Bac sont devenus prévisibles, programmés à l’avance. Encore et encore. Les champions du Bac 2024 sont des championnes. Deux jeunes Marocaines de la région Casablanca-Settat, issues des quartiers populaires de Sidi Bernoussi et Moulay Rachid. Leur note: 19,62.
Dans le reste des délégations régionales, les meilleures notes ont été décrochées par deux fois plus de filles que de garçons.
Cela fait plusieurs années que cela dure. Le pourcentage de réussite est plus élevé chez les filles. Et le niveau d’excellence aussi. C’est devenu une constante nationale.
Quand vous apprenez cela, vous n’êtes pas surpris, mais fiers. Ça vous fait de l’effet, ça vous touche. Vous êtes émus et fiers des filles de votre pays.
Pourquoi? Ce n’est pas de la condescendance. La victoire de la fille vous frappe dans le cœur d’abord, parce qu’elle a des accents de revanche sociale. Vous vivez dans une société phallocratique, sexiste et paternaliste. Une société dont les contours, très anciens, ont été dessinés par des hommes. Et pour des hommes.
Les résultats du Bac sont une revanche sur tout cela. Ils démontent cette construction mentale, foutent en l’air ce formatage idiot qui consacre la suprématie du mâle.
À présent, arrêtons-nous un instant et consultons les classements de l’indice mondial de l’écart entre les genres, dont l’édition 2024 a été récemment publiée par le Forum économique mondial (WEF). Sans entrer dans le détail des indicateurs pris en compte, cet indice est l’un des plus crédibles pour ce qui est de l’étude de l’égalité des genres. Que nous dit ce classement tout frais, tout neuf? Que le Maroc traîne à la 137ème place, sur un total de 146 pays.
En matière d’égalité femmes-hommes, le Maroc est dans la classe des cancres, parmi les 10 pays les plus en retard sur la question. Cela veut dire que sur le plan de l’égalité des chances, de l’insertion professionnelle, sociale, économique et politique des femmes, le bilan reste globalement affligeant, indigne des potentialités du pays.
Revenons au Bac 2024 et faisons le lien avec l’indice 2024 du WEF. Mettre ensemble ces deux paramètres relève de l’oxymore. Ils sont parfaitement opposés. Mais ils nous disent, à leur manière: voilà ce que vous pouvez faire avec les femmes de votre pays, c’est-à-dire des merveilles ; et voilà ce que vous en faites concrètement, pas grand-chose.
Entre le Bac et le WEF, il y a une très grande déperdition, un immense gâchis et, surtout, une injustice. Envers la moitié la plus intéressante de ce pays!