Enquête. Coronavirus: le calvaire des parents divorcés pour trancher sur la garde partagée de leurs enfants

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Entre école à la maison et confinement obligatoire… Comment s’organisent les parents divorcés au Maroc pour la garde alternée de leurs enfants? Un vrai casse-tête, qu’il faudra pourtant résoudre, tant bien que mal.

Le 20/03/2020 à 13h08

Avec la pandémie, notre quotidien se retrouve sens dessus dessous. Plus aucune habitude ne peut être maintenue, il faut innover, car c’est dans le changement de nos habitudes que se trouvera notre salut, et celui de nos proches.

Facile à dire, mais dans la pratique, bien moins facile à mettre en œuvre, d’autant plus quand le divorce a eu raison d'un couple et que les enfants ont l’habitude de passer la semaine chez maman, et le week-end chez papa, ou l’inverse.

Cette garde partagée, qui occasionne souvent bien des déchirures dans les couples qui ont choisi de se séparer, est aujourd’hui complètement chamboulée par la pandémie et le confinement contraint de tous. 

Wassila, 39 ans, maman d’un enfant, est divorcée depuis 10 ans. Son fils, c’est son ex-mari qui a en a eu la garde. Quant à elle, elle a dû s'habituer, bien malgré elle, à ne le voir que le week-end…

Mais voilà, entre le début de l’épidémie au Maroc et la fermeture des écoles, Wassila et son ex ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur les mesures préventives à prendre pour se protéger les uns les autres.

De son côté, son ex-mari, patron, n’entend pas fermer son entreprise et refuse de rester chez lui. Hors de question non plus pour lui de ne plus faire son jogging tous les matins comme il en a l’habitude. Quant aux services de sa femme de ménage, il refuse de s’en passer.

Mais pour Wassila, il est hors de question que ce père, qu’elle estime totalement inconscient, mette par ses comportements la santé de leur fils en danger.

«J’ai attendu que mon fils vienne chez moi le week-end, il y a 10 jours, et je ne l’ai plus rendu à son père. C’est simple, nous sommes confinés tous les deux dans mon petit appartement, mais au moins, je peux veiller sur mon fils et je suis sûre qu’il n’attrapera pas le virus», confie-t-elle. 

Face à l’obstination de son ex-femme, cet homme a fini par céder. «Il peut parler à son fils en appel vidéo mais pas question qu’il le reprenne ou qu’il vienne le voir tant qu’il ne suit pas à la lettre les consignes», conclut Wassila, qui a fait sciemment fi des dispositions prises lors de la prononciation du divorce par le juge, et qui se dit prête à en découdre, s’il le faut, pour la santé de son fils.

Du côté de Lina, et son ex-mari, Amine, il a aussi fallu prendre une décision concertée, et laisser de côté pour quelques temps les différends qui pourrissaient leur quotidien depuis leur divorce. Jamais d’accord sur rien, ces deux-là ont fini par trouver un accord, dans l'intérêt de leurs enfants.

«Normalement, j’ai la garde de mes enfants toute la semaine et leur père les voit un week-end sur deux. Avec ce qu'il se passe, nous avons décidé que les enfants resteraient chez moi, et qu’ils n’iraient plus chez lui», témoigne Lina. Toutefois, si Amine a bien voulu céder, et a accepté cette solution, c’est à la condition expresse que son ex-femme ne laisse entrer personne chez elle.

«Il faut dire aussi que mon ex-mari s’est remarié, et que sa nouvelle femme est enceinte», nous explique Lina.

«Après tout, tant que nous n’aurons pas dépassé la période d’incubation, on ne peut pas être sûrs que les enfants n’ont rien. Ils pourraient contaminer leur belle-mère… », explique-t-elle encore. 

A chaque couple divorcé sa manière de procéder. Car le plus dur, en ces temps difficiles, est de redonner sa confiance… à quelqu’un en qui, justement, on n’a plus confiance.

Malika, elle, vit dans un appartement avec ses trois enfants depuis son divorce. Son mari, en revanche, habite dans une villa. A l’annonce du confinement généralisé à l'ensemble de la population, il a donc fallu faire un choix: garder leurs enfants enfermés dans un appartement, pour une durée indéterminée, est une option compliquée. Mais les envoyer chez leur père, qui vit avec sa mère dans une maison avec un jardin s'est avéré être le choix le plus judicieux. 

Du côté du papa, les choses ne sont pas faciles pour autant, car il lui faut s'occuper, en plus de son travail à domicile, des travaux scolaires de ses enfants à la maison.

«Je ne vous cache pas que le quotidien est très compliqué quand on a trois enfants et qu’il faut suivre chacun d’entre eux pour les cours et les devoirs. Il faut se connecter à différentes plateformes, jongler avec les mots de passe, les mails des profs… Bref, un calvaire! Et ça, c’est sans parler du fait que les enfants ont besoin de se dépenser… », se lamente ce papa, qui tente bon an mal an de garder le moral et d'organiser la journée des siens, entre activités sportives, repas, devoirs, travail et nécessaires courses pour tout le monde.

Enfin, il y aussi le cas de Fatima qui, depuis qu’elle est revenue d’Espagne, il y a trois semaines, doute de son état de santé.

«J’ai préféré prendre les mesures nécessaires et me confiner en attendant de voir comment les choses évoluent. J’ai suivi à la lettre les consignes des autorités, en appelant le 141, et malheureusement, je n’ai pas pu me faire dépister car je ne présente pas de caractère d’urgence, selon le médecin. Du coup, j’ai envoyé les enfants chez leur père qui vit dans une autre ville», témoigne-t-elle. Pour cette maman de trois enfants, cette séparation est un déchirement, mais la santé de ses enfants prime avant tout.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 20/03/2020 à 13h08