À peine distribués, les nouveaux livrets scolaires des collèges pionniers suscitent déjà une vague de réactions. Sur les réseaux sociaux, des vidéos circulent, montrant des parents indignés par ce qu’ils estiment être une baisse inquiétante du niveau scolaire. La simplicité des exercices proposés dans ces livrets est pointée du doigt. S’agit-il d’une méthode pédagogique innovante ou d’un pas en arrière? De nombreuses familles n’hésitent pas à comparer ces livrets aux manuels utilisés dans d’autres collèges.
Ces livrets se limiteraient, selon certains parents, à des consignes basiques et à des exercices répétitifs, parfois perçus comme trop proches de ceux du primaire. «Si nos enfants passent trois années à travailler sur des supports aussi simples, leur niveau risque de chuter», nous affirme Ghita, une mère d’élève.
Certaines familles citent des exemples précis. Dans les sections de français, les élèves sont parfois amenés à relier simplement des phrases ou à compléter des mots dans des textes courts, des activités qui ne demandent que peu de réflexion critique. En mathématiques, les exercices se limitent souvent à des opérations basiques, sans approche de problèmes plus complexes ou de situations concrètes, contrastant avec les manuels classiques où les notions sont approfondies et les compétences progressivement développées. «Si les enfants se contentent de ce type d’exercices pendant plusieurs années, comment pourront-ils suivre le rythme des classes supérieures ou passer les examens nationaux?», se demande Latifa, une mère d’élève jointe par la rédaction.
Des livrets temporaires pour renforcer les bases
Selon les explications déjà communiquées par les autorités, la simplicité apparente de ces livrets n’est pas synonyme de nivellement par le bas. Il s’agit d’une démarche expérimentale visant à renforcer les bases des élèves avant d’aborder des notions plus complexes. Les livrets ont été conçus pour faciliter une progression graduelle, en permettant aux enseignants d’évaluer précisément le niveau de chaque élève et d’adapter leurs méthodes pédagogiques en conséquence. Objectif: créer une base solide en français, en mathématiques et dans d’autres matières clés, afin que tous les élèves puissent suivre un apprentissage cohérent et uniforme au fil des années.
Le ministère précise que les mesures mises en place dans les collèges pionniers sont expérimentales. Les livrets distribués en début d’année ne constituent pas le programme définitif. Par contre, ils servent à préparer les élèves à une montée en compétence progressive. Dès fin octobre 2025, les livrets officiels viendront compléter et remplacer ces versions temporaires, introduisant des notions plus complexes et diversifiées.
Collèges pionniers: un laboratoire éducatif en action
Créés pour tester de nouvelles méthodes éducatives, les collèges pionniers ne se contentent pas de suivre le programme classique. C’est ainsi que le ministère de l’Éducation nationale perçoit ces établissements, sélectionnés en fonction de critères précis. Infrastructures adaptées, équipes pédagogiques formées aux approches innovantes et dispositifs de suivi individualisé des élèves, l’objectif affiché est de créer un cadre expérimental permettant d’évaluer de nouvelles pratiques pédagogiques avant une éventuelle généralisation à l’ensemble du système scolaire.
Dans les collèges pionniers, l’année scolaire ne commence pas comme dans un établissement classique. Selon le ministère de l’Éducation nationale, chaque rentrée est précédée d’une phase de remédiation, pensée pour évaluer le niveau réel des élèves. Dès la première semaine, des prétests couvrant toutes les matières permettent d’identifier avec précision les acquis et les lacunes de chacun. En français, cela peut aller de la lecture de mots et de phrases à l’analyse de textes plus longs, tandis qu’en mathématiques, les élèves passent des opérations simples aux calculs plus complexes, incluant additions, multiplications et divisions.
Remédiation ciblée: progresser à son rythme
Les résultats des évaluations servent à regrouper les élèves en «groupes de remédiation», c’est-à-dire des petits groupes formés en fonction de leur niveau. Pendant environ un mois et demi, ces élèves suivent un programme spécial qui leur permet de revoir les bases et de combler leurs lacunes avant d’aborder des notions plus difficiles du programme officiel. Les enseignants disposent, pour cela, de livrets de remédiation et d’outils pédagogiques conçus spécialement pour accompagner cette étape.
L’idée principale est de ne pas laisser les élèves avancer dans le programme sans avoir consolidé leurs acquis. C’est pourquoi les établissements pionniers pratiquent un suivi régulier, ils observent les progrès de chaque élève, adaptent leurs méthodes selon les besoins et repèrent rapidement ceux qui rencontrent des difficultés. En ce sens, les collèges pionniers ne se présentent pas comme une fin en soi, mais comme un laboratoire éducatif.
Le ministère précise que ces livrets ne constituent pas les manuels scolaires définitifs. Ils sont temporaires et destinés uniquement à la phase de remédiation. À partir de fin octobre 2025, de nouveaux manuels, alignés sur les compétences à développer et les objectifs pédagogiques de l’année, seront distribués gratuitement aux élèves.
Pour l’heure, les nouveaux livrets apparaissent comme une étape transitoire dans un projet éducatif encore en construction. Reste à savoir si ce pari pédagogique saura convaincre et s’imposer comme une véritable avancée pour l’école marocaine.







