Coupures d’eau à répétition dans la province de Berrechid: habitants et vacanciers à bout de nerfs

Un robinet dépourvu d'alimentation en eau. (Photo d'illustration)

Dans la province de Berrechid, l’eau se fait rare, trop rare… en pleine saison estivale. Chaque jour les robinets se tarissent, laissant habitants et vacanciers désemparés face à une crise qui n’en finit pas.

Le 27/08/2025 à 08h00

En parcourant la province de Berrechid, et plus particulièrement les villes de Soualem et de Sidi Rahal, sans oublier la commune de Soualem Trifia, on ne parle plus que de l’eau, ou plutôt de son absence. Les coupures ont commencé dès le mois de juin, selon plusieurs habitants, et depuis elles se répètent avec une régularité métronomique.

«Cela fait plus de deux mois que nous subissons des coupures à Sidi Rahal. Des fois, l’eau disparaît dès le matin et ne revient que tard dans la nuit. On ne peut pas vivre normalement, on passe notre temps à surveiller les robinets pour remplir quelques bouteilles. Avec cette chaleur, c’est devenu insupportable», nous raconte une habitante, les yeux cernés par la fatigue.

Le paradoxe est saisissant. Alors que Sidi Rahal est censé être une destination estivale prisée, ses plages bondées accueillent chaque week-end des milliers de visiteurs, mais ses foyers restent à sec. Les vacanciers, venus chercher le repos et la mer, découvrent à leur arrivée des robinets vides. À Soualem et Soualem Trifia, la situation n’est pas différente. Les habitants s’organisent comme ils peuvent pour remplir des bidons au milieu de la nuit, ou se précipitent dans les commerces pour acheter de l’eau embouteillée à prix fort.

Sur les réseaux sociaux, la colère est palpable. «Nous avons fait des centaines de kilomètres pour passer nos vacances ici, et nous découvrons que l’eau est coupée. Honte à vous!» s’indigne un touriste venu du sud du pays. Certains ne prennent même pas la peine de rester. Après une nuit passée à rationner les bouteilles achetées en urgence, ils font leurs valises et choisissent une autre destination.

Entre pénurie et débrouille, l’organisation au jour le jour

Pour les habitants de Sidi Rahal, le sentiment est amer. La réputation de leur ville se dégrade et l’attractivité de toute la province est mise à mal. «Comment une station balnéaire peut-elle attirer des visiteurs alors que même ses habitants n’ont pas d’eau?», lance un commerçant excédé.

Malgré les promesses d’un retour à la normale, la situation ne fait qu’empirer. Les familles organisent leurs journées en fonction de l’arrivée et de la disparition de l’eau. Elles préparent les repas à l’aube quand l’eau revient, remplissent bassines et seaux au milieu de la nuit et limitent les douches des enfants au strict minimum. «Impossible de cuisiner correctement, de laver les enfants, ou même de se rafraîchir après une journée de plage. Quand on ouvre le robinet, soit il n’y a rien, soit c’est un filet d’eau qui ne permet même pas de remplir un seau. Alors, on stocke dans des bouteilles, mais ça ne suffit jamais», témoigne un père de famille.

Les plus âgés paient le plus lourd tribut. Incapables de transporter des bidons, ils dépendent de la solidarité des voisins ou des proches. Certains passent des heures sans pouvoir boire ou se laver. En pleine canicule, la situation devient inquiétante pour leur santé.

Contactée par Le360, la Société régionale multiservices (SRM) Casablanca-Settat confirme que «les coupures enregistrées dans la province de Berrechid concernent principalement les villes de Soualem, de Sidi Rahal, ainsi que la commune de Soualem Trifia. Ces perturbations sont directement liées à une insuffisance de la ressource en eau, suite à l’arrêt de la station de traitement alimentée par le barrage Sidi Saïd Maâchou, actuellement à sec».

Afin de maintenir l’alimentation en eau potable de ces zones, un raccordement d’urgence a été réalisé entre la conduite Daourat-Casablanca et le système d’alimentation en eau potable initialement desservi par la station de Sidi Saïd Maâchou. «Cependant, vu l’augmentation de la demande en eau en cette période estivale, marquée par une forte affluence dans cette zone côtière et des températures élevées, le débit disponible via le raccordement reste inférieur aux besoins enregistrés, générant un déficit structurel et des perturbations récurrentes dans la distribution», précise-t-on.

C’est pourquoi deux projets ont été engagés, assure la SRM. «Le premier, actuellement en cours d’étude, vise le renforcement du débit grâce à la réalisation d’un nouveau raccordement sur l’adduction Daourat-Casablanca. Le second, en cours de lancement, porte sur l’augmentation de la capacité de stockage au niveau de la ville de Soualem», détaille-t-on.

Un quotidien impossible à planifier

La société régionale publie régulièrement des avis de coupures. Résultat: l’eau est interrompue «pour des raisons techniques», souvent de 18h jusqu’au lendemain après-midi. «Ces annonces ne changent rien. On vit dans l’incertitude permanente. On ne peut pas planifier notre quotidien. Même quand on nous dit que l’eau reviendra à 14h, on n’y croit plus», fulmine un habitant.

Les habitants disent avoir l’impression d’être livrés à eux-mêmes, forcés de trouver des solutions précaires, à savoir acheter des packs coûteux dans les supérettes, ou puiser dans les puits quand la sécheresse ne les a pas taris. La colère monte, et avec elle, la crainte que la situation devienne la norme. «Chaque été, c’est la même histoire. Mais cette année, c’est pire. Est-ce que cela va continuer indéfiniment?» se demande une habitante de la résidence Shems Sidi Rahal.

Et comme si la situation n’était pas déjà assez insupportable, un autre sujet ravive la colère des habitants: le retard du chantier de la station de dessalement de Casablanca. Depuis des années, on leur promet que cette infrastructure changera leur quotidien, qu’elle garantira enfin un accès stable et régulier à l’eau potable. Mais sur le terrain, rien ne vient. Les travaux avancent au ralenti, les discours se succèdent et les habitants, eux, continuent de remplir leurs bidons au milieu de la nuit.

À Berrechid, comme ailleurs, ce retard est vécu comme une véritable humiliation. «On nous parle de la station depuis longtemps, mais nous, on reste sans eau», lâche un père de famille, épuisé. Pour beaucoup, cette attente interminable symbolise le décalage entre les annonces officielles et la réalité de la vie quotidienne. Comment croire encore aux promesses quand, chaque été, la situation s’aggrave? À ce sujet, la SRM Casablanca-Settat indique avoir bel et bien lancé en juin 2025 les travaux liés au transfert des eaux dessalées de la future grande station de Casablanca, dont la mise en service est annoncée pour fin 2026 avec une capacité nominale de 300 millions de mètres cubes.

Ce projet de transfert représente un investissement de 2,4 milliards de dirhams et a fait l’objet d’un appel d’offres lancé le 25 février 2025. Il doit être réalisé sur une durée de 15 mois et comprend la pose de 103 kilomètres de conduites d’adduction de diamètres allant de 600 à 2.400 millimètres, ainsi que la construction de 2 réservoirs de 30.000 et 60.000 mètres cubes et de 2 stations de pompage d’une capacité respective de 6.000 et 9.800 litres par seconde, signale-t-on.

Quid des autres communes?

La crise de l’eau ne se limite pas à Berrechid, Sidi Rahal ou Soualem. Dans d’autres communes également, le quotidien reste marqué par des difficultés, avec, à certaines périodes, des baisses de pression signalées par les habitants. D’ailleurs, la SRM reconnaît que «la région Casablanca-Settat fait face à une situation hydrique particulièrement tendue, marquée par une baisse significative des ressources disponibles et une forte pression sur la demande, notamment en période estivale».

Dès le démarrage de ses activités, le 1er octobre 2024, l’organisme affirme avoir mobilisé 1,6 milliard de dirhams, répartis sur 211 projets dédiés à l’eau potable en 2025. Parmi les réalisations mises en avant par la SRM figurent le réservoir de Mansouria de 15.000 m³, six autres en cours de construction, pour une capacité supplémentaire de 200.000 m³ d’eau. Ce qui permettra d’atteindre une capacité de stockage supérieure à 1 million de m³ à l’horizon 2026. Sans oublier la station de pompage des eaux dessalées de Jorf Lasfar qui transfère 60 millions de m³ par an vers le complexe de Daourat.

Un programme d’urgence de 28 stations monoblocs de dessalement et de déminéralisation a également été lancé, dont 17 déjà en service, avec une capacité totale prévue de 8 millions de m³ par an et un investissement global de 400 millions de dirhams, dont 128 millions de dirhams financés par la région de Casablanca-Settat. Présentées comme des solutions écologiques et rapides, ces stations assurent aujourd’hui l’approvisionnement de communes vulnérables, comme Ouled Ghanem et Ouled Aïssa.

Dans l’ouest de Casablanca, la SRM met en avant la construction d’un réservoir principal de 70.000 m³ à Hay Hassani, de deux réservoirs secondaires à Errahma et Dar Bouazza et de 14 km de conduites pour un coût de plus de 580 millions de dirhams. D’autres interventions ciblées sont citées.

À Settat, plusieurs interventions ont été menées, notamment la mise en service d’un tronçon DN800 entre le complexe Daourat et le réservoir de Mimouna. Cette opération a permis de sécuriser l’alimentation en eau potable de la ville et d’équilibrer l’approvisionnement entre les zones Est et Ouest.

À Ben Ahmed, une conduite vétuste en amiante a été renouvelée sur 280 mètres, supprimant les pertes de charge et rétablissant une pression conforme chez les abonnés. Par ailleurs, trois forages ont été réalisés dans les communes rurales de Béni Khloug, Dar Chafai et Ouled Mrah afin de renforcer l’accès à l’eau potable.

À Deroua, le renforcement de l’alimentation en eau potable a été assuré grâce à un maillage stratégique avec le réseau de Nouaceur, complété par l’installation d’un stabilisateur de pression. Cette action a permis d’améliorer significativement la desserte, en particulier dans les zones situées en extrémité de réseau.

Enfin, à Benslimane, la mise en service du réservoir de Rdadna (500 m³) a été accompagnée par la création de postes de régulation. Cette initiative a contribué à réduire les pertes physiques et à optimiser la distribution dans les communes rurales de Mellila, Rdadna et Moualine El Oued.

Au total, la SRM rappelle qu’elle gère un patrimoine hydraulique régional de 267 réservoirs d’eau potable pour une capacité cumulée de 908.270 m³, 128 stations de pompage et surpresseurs et plus de 23.236 km de réseau.

Toutefois, pour les habitants des zones qui souffrent d’un déficit en approvisionnement en eau, surtout ceux de la province de Berrechid, ces chiffres ne changent pas grand-chose à la vie de tous les jours. Et quand la nuit tombe, des familles entières attendent devant les robinets, bidons et seaux à la main. Un mince filet d’eau finit parfois par couler, vite disputé, vite stocké. Le lendemain, il faudra recommencer, encore et encore. Pendant ce temps, sur les plages voisines, les vacanciers profitent de la mer, loin de ce quotidien fait de privations.

Par Hajar Kharroubi
Le 27/08/2025 à 08h00