Couples infertiles au Maroc: en quête d’une couverture médicale globale

Plus de 17% de la population mondiale est touchée par l'infertilité selon l'OMS.

Les personnes qui souffrent d’infertilité au Maroc souhaitent une prise en charge complète de leur traitement dont le prix varie entre 30.000 et 50.000 dirhams. Pour eux, le remboursement de certains médicaments est, certes, louable mais insuffisant.

Le 16/04/2023 à 18h18

L’infertilité gagne du terrain dans le monde. C’est le constat inquiétant fait par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un récent rapport. Selon l’organisme onusien, environ 17,5% de la population mondiale en souffrent, soit une personne sur six. «Il s’agit d’un problème mondial qui touche les personnes de tous les pays et de tous les horizons», précise l’OMS.

Qu’en est-il au Maroc? «La situation du Maroc est exactement similaire à celle dans le monde», affirme Dr Mounir Filali, spécialisé en médecine de la reproduction et en génétique et secrétaire générale de la Société marocaine de médecine de la reproduction (SMMR), pour Le360. «En 2015, un sondage réalisé par la SMMR auprès d’un échantillon de 1.500 personnes avait révélé que près de 17% des couples marocains souffraient d’infertilité. Un tiers concernait des hommes, un tiers des femmes et le reste concernait des infertilités mixtes», poursuit-il.

Ces chiffres sont quasi similaires à ceux du ministère de la Santé, qui estime qu’entre 850.000 et 900.000 personnes sont touchées par l’infertilité. «Il y a une forte demande de soins reproductifs au Maroc. On constate de plus en plus l’ouverture de centres privés de procréation médicalement assistée et une longue liste d’attente des couples dans les centres publics pour bénéficier des soins», indique Aziza Ghallam, présidente de l’Association marocaine des aspirants à la maternité et à la paternité (MAPA), ajoutant que l’autre phénomène constaté est «la hausse de l’infertilité masculine».

Au Maroc, l’infertilité est reconnue comme une pathologie depuis 2019. Deux ans plus tard, en janvier 2021, le ministère de la Santé a annoncé l’intégration de neuf traitements hormonaux dans la liste des médicaments remboursables dans le cadre de l’Assurance maladie obligatoire (AMO).

Pour les couples infertiles, c’est une avancée significative dans leur prise en charge, mais elle reste insuffisante, puisque les médicaments ne représentent qu’une partie du prix global d’une procréation médicalement assistée (PMA), qui oscille entre 30.000 et 50.000 dirhams pour chaque tentative d’un cycle menstruel. Ces prestations englobent notamment les frais de la clinique et du laboratoire pour la monoculture des embryons et leur replacement dans l’utérus, le suivi échographique, la ponction des ovocytes et le dosage hormonal.

Des tarifs exorbitants qui ne sont pas à la portée de tous. Et le résultat n’est pas garanti. D’après les gynécologues, il faut pratiquer en moyenne trois tentatives de fécondation in vitro (FIV), une des techniques de la PMA, pour espérer obtenir un taux de réussite de 80%. «Des efforts louables ont été faits par le ministère de la Santé et l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM), mais ce n’est pas suffisant. Nous souhaitons qu’ils accélèrent les procédures juridiques et administratives pour reconnaître ces actes médicaux afin qu’ils soient remboursés au même titre que les médicaments. L’horloge biologique des couples infertiles ne permet pas d’attendre davantage. Il faut agir rapidement», insiste Aziza Ghallam.

Un benchmark confirme une meilleure prise en charge de l’infertilité à l’étranger. En Tunisie par exemple, l’Etat prend en charge les tarifs de la PMA, estimés entre 1.300 et 1.800 euros pour trois tentatives. En France, le coût moyen d’une FIV est de 4.000 euros, alors que celui d’une insémination artificielle est de 1.000 euros. Ces actes médicaux sont totalement pris en charge pour les femmes de moins de 43 ans, avec une limite de six tentatives d’insémination artificielle et quatre FIV.

Il existe actuellement 17 centres de PMA dans le Royaume, dont trois établissements publics à Marrakech, Rabat et Casablanca, et quatorze privés à Casablanca (5), Marrakech (3), Rabat (2), Tanger, Fès, Meknès et Agadir. «Nous recevons des patients de tous âges. Malheureusement, bon nombre d’entre eux arrivent en fin de parcours, en âge avancé, notamment les femmes, après avoir consulté des personnes qui ne sont pas spécialisées en fertilité. Cela diminue les chances de procréation», révèle Dr Mounir Filali, qui est aussi directeur d’un centre de PMA à Casablanca.

Selon notre spécialiste, le stress, les modes d’alimentation, les perturbations endocriniennes et la pollution par le plastique sont les principales causes qui affectent la fertilité et la vitalité des cellules reproductives. L’élargissement de la prise en charge de l’infertilité est une nécessité. «Nous avons discuté avec les autorités et la société civile, dont l’association MAPA, et mené plusieurs réunions dans ce sens. Aujourd’hui, ils sont conscients de cette situation et prévoient d’élargir cette prise en charge dans le cadre du chantier royal de généralisation de la couverture sociale», confie-t-il.

Mais avant d’étendre cette couverture médicale, il faudrait au préalable avoir des données actualisées sur ce phénomène au Maroc. C’est pourquoi la MAPA invite le ministère de la Santé à mener une étude nationale spécialement dédiée à l’infertilité, notamment auprès des centres de PMA. «Le dernier chiffre disponible remonte à 2018, lors de la publication du rapport sur la population au Maroc. Cela permettra de réactualiser les chiffres, d’identifier les principales causes, de connaître le profil des couples concernés pour leur apporter la prise en charge adéquate», suggère Aziza Ghallam. Un point qui figure aussi parmi les recommandations du dernier rapport de l’OMS.

Par Elimane Sembène
Le 16/04/2023 à 18h18