Comment le retail beauté marocain se cherche une voie vers l’export

Argan.. Dr

Revue de presseLe secteur ne se contente plus de séduire sur le marché national. Il ambitionne de rayonner à l’international, en exportant non seulement ses produits, mais aussi son identité et ses rituels uniques. Cet article est une revue de presse tirée de Challenge.

Le 24/11/2025 à 18h39

Porté par un héritage culturel puissant, accéléré par l’essor du digital et soutenu par un écosystème productif unique en Afrique du Nord, le retail beauté marocain s’impose aujourd’hui comme l’un des secteurs les plus solides et les plus innovants du pays. Mais derrière cette réussite, se cache une réalité souvent méconnue. La beauté au Maroc est un univers hybride, profondément ancré dans la vie quotidienne, capable de résister aux crises économiques et désormais prêt à s’exporter. C’est cette trajectoire que décrypte Rachid Lasri, expert du retail dans une analyse pour le magazine Challenge.

«C’est un marché qui vit simultanément au rythme de TikTok et au rythme du hammam. C’est unique», souligne Lasri. Cette double vitesse culturelle, cette simultanéité entre tradition et modernité, constitue la matrice du retail beauté marocain. Elle façonne les comportements, mais surtout, elle confère au marché une profondeur émotionnelle rare. «La consommatrice marocaine passe sans complexe d’une crème dermocosmétique à un masque traditionnel. Il n’y a aucune contradiction pour elle, tout fait sens», insiste Lasri. Selon lui, cette capacité à naviguer entre deux univers est une véritable force économique. La beauté au Maroc n’est pas un simple produit: c’est un ancrage identitaire.

Cette singularité culturelle repose sur un socle industriel solide. Au cours de la dernière décennie, le Maroc a construit un écosystème beauté intégré, cohérent et performant, écrit le magazine. Les filières d’argan, de figue de barbarie ou de rose s’appuient sur des coopératives féminines qui dynamisent l’économie locale. «Nous avons un écosystème complet, du terroir au laboratoire, du laboratoire à la marque et de la marque au point de vente. C’est extrêmement rare dans la région», explique Lasri. Les laboratoires marocains, souvent certifiés ISO, rivalisent aujourd’hui avec les standards internationaux. Les marques nationales progressent en crédibilité, en packaging et en formulation, tandis que la distribution s’est densifiée comme jamais auparavant.

La diversité des canaux de distribution est impressionnante: le souk, la parapharmacie, la grande distribution, les boutiques spécialisées, les parfumeries, les centres commerciaux, les concept stores et désormais le live shopping coexistent et se complètent, a-t-on encore lu dans Challenge. «Tout coexiste et tout se complète», note Lasri. Cette pluralité constitue une véritable assurance pour le secteur. Les consommatrices disposent toujours d’un refuge, d’une alternative, ce qui permet au marché de rester stable même dans les périodes de crise.

Cette résilience s’explique par des raisons culturelles, sociales et psychologiques. La beauté est perçue comme une dépense quotidienne et un marqueur de dignité. «Au Maroc, on coupe ailleurs avant de couper dans la beauté», affirme Lasri. Shampooing, coloration, crème hydratante, parfum du vendredi ou des fêtes: ces gestes sont considérés comme essentiels. Lorsque le pouvoir d’achat diminue, la consommatrice ne renonce pas mais ajuste ses choix (format plus petit, marque locale ou offre promotionnelle…) «Quand la conjoncture est tendue, la cliente change de marque ou de canal, mais elle continue d’acheter. C’est une constante», ajoute-t-il.

Le marché marocain bénéficie également des grandes tendances globales. La montée du skincare, la conscience solaire dans un pays très exposé, la quête de naturalité, l’intérêt pour les produits responsables et la digitalisation rapide des usages soutiennent la croissance. «Tant que la population reste jeune, urbaine et connectée, le retail beauté restera l’un des secteurs les plus dynamiques du pays», affirme Lasri. Cette transformation passe par le point de vente physique, désormais repensé comme un espace d’expérience. Les clientes recherchent conseil et personnalisation. «La vendeuse beauté devient conseillère. Elle doit comprendre la peau marocaine, le climat, le rythme de vie. Les clientes veulent moins de discours marketing et plus de preuves, plus de personnalisation», explique Lasri. Dans ce contexte, le digital ne se contente plus de compléter le parcours client. Il en devient le point de départ. Instagram, TikTok, WhatsApp, avis clients et visio-conseils redéfinissent les parcours d’achat. Le magasin physique confirme le choix effectué en ligne, et le social selling se développe à grande vitesse.

Les micro-influenceuses régionales jouent un rôle décisif. «Le Maroc a complètement intégré la beauté dans l’économie de l’attention. Et les marques locales nées sur les réseaux sociaux en sont la preuve», souligne Lasri.

À ce tableau complexe, s’ajoute la forte exigence de durabilité. Traçabilité, transparence, packagings recyclables, certifications: les consommatrices veulent comprendre ce qu’elles achètent. «Nos ingrédients naturels iconiques ne sont pas des tendances importées. Ce sont des produits porteurs d’histoire, de territoire et d’impact social», rappelle Lasri. Reste un défi majeur: rester sincère tout en restant compétitif.

Enfin, une nouvelle ambition émerge, l’exportation. Le Maroc a le potentiel de devenir une puissance beauté africaine. «Nous avons la légitimité, les matières premières, les laboratoires, la créativité et le positionnement. Le Maroc peut devenir le hub africain de la beauté», affirme Lasri. Mais exporter ne suffit pas: il faut transmettre une identité. «Exporter un produit, c’est bien. Exporter une identité, c’est décisif. Nous devons passer de l’huile d’argan au rituel, du rituel à la marque, de la marque à l’expérience», explique-t-il. Le marché africain demande des formats adaptés, des prix maîtrisés et des partenariats solides. «L’implantation physique ne doit jamais précéder la présence digitale. Le digital est le meilleur test de marché», a-t-il aussi affirmé.

Pour Rachid Lasri, l’avenir dépasse désormais les frontières nationales. «À terme, la Moroccan Beauty peut devenir ce que la K-Beauty est à la Corée. Un label identitaire, innovant, exportable et fier de ses racines», soutient-il. Et pour lui, cette ambition n’est pas irréaliste. «C’est en combinant savoir-faire local, agilité digitale et exigence industrielle que le Maroc deviendra le référent beauté du continent», conclut-il.

Par La Rédaction
Le 24/11/2025 à 18h39