Sous le slogan «Addiction au crack – L’boufa: où en est-on et comment agir?», la 5ème journée scientifique consacrée à ce phénomène a réuni, ce vendredi, un large panel de médecins, psychiatres, chercheurs et acteurs associatifs à la Faculté de médecine de Casablanca. Objectif: mieux comprendre l’évolution de cette drogue au Maroc et partager les nouvelles approches permettant d’y faire face plus efficacement.
Au fil des interventions, les spécialistes ont dressé un tableau clair de la situation. «L’boufa», un dérivé du crack, connaît une progression notable. Sa consommation augmente principalement parmi les catégories les plus vulnérables, attirées par son coût très bas, sa disponibilité et ses effets immédiats.
Comme l’a expliqué la professeure Ikram El Hjoujy: «L’boufa est une forme artisanale de cocaïne, obtenue à partir de produits dont on ignore précisément la composition. On peut y ajouter des substances nocives comme de l’ammoniac, ou même des produits toxiques tels que de la peinture… Au final, on ne sait jamais vraiment ce qu’il y a dedans.»
Elle ajoute: «Le pire, c’est que cette drogue provoque un effet extrêmement intense dès la première consommation, avec un impact très puissant. Au début, la personne a l’impression d’être maître de l’univers, puis elle devient rapidement dépendante, de façon compulsive, en perdant tout contrôle. Elle peut même subir un pic de dopamine atteignant 100% dans le cerveau, ce qui explique pourquoi les effets se concentrent principalement sur le cerveau et le cœur. Et même lorsqu’une personne parvient à s’en sevrer, ce dérivé du crack laisse souvent un désir persistant, une envie de retrouver ce “plaisir” et d’y retourner.»
La professeure Meriem El Yazaji, présidente de l’Association Nassim, souligne l’ampleur du phénomène: «Depuis 2022, nous avons environ 40 personnes qui viennent chaque jour pour demander de l’aide pour cette addiction, dont une dizaine liés spécifiquement à L’boufa.»
Elle ajoute: «On observe la propagation de sa consommation au Maroc et dans le monde. En se basant sur des études scientifiques internationales, cette matière aboutit à une grande addiction et peut avoir plusieurs répercussions négatives sur la personne. C’est pour cette raison que nous avons organisé cette journée, afin de fournir aux médecins et aux psychologues des outils et des stratégies pour accompagner et aider les personnes en situation d’addiction.»
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Le programme de cette rencontre a également donné lieu à plusieurs présentations portant sur l’état des lieux national. Les experts ont décrit les mécanismes de dépendance, les risques psychologiques sévères ainsi que les complications physiques graves causées par cette substance. Ils ont aussi évoqué l’impact social de cette addiction, qui touche de plus en plus de jeunes livrés à des contextes difficiles.
Une partie importante de la journée a été consacrée à l’expérience du service de traitement des addictions du CHU Ibn Rochd. Les professionnels ont détaillé leur travail quotidien auprès des patients, depuis l’accueil et le suivi médical jusqu’à l’accompagnement psychologique et les programmes de réinsertion. Leur approche repose sur une prise en charge globale, adaptant les traitements au profil de chaque personne pour maximiser les chances de récupération.
Les discussions ont également porté sur les maladies psychiques associées au crack, comme les troubles anxieux, les dépressions sévères ou les épisodes psychotiques. Les spécialistes ont insisté sur l’importance de dépister rapidement ces troubles pour éviter des complications encore plus lourdes. Ils ont présenté les dernières recherches et les recommandations internationales sur les méthodes de prise en charge les plus efficaces.
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Au-delà de l’aspect médical, les acteurs associatifs présents ont rappelé le rôle central de la prévention. Ils ont mis en avant la nécessité d’intensifier les actions de sensibilisation, notamment dans les quartiers sensibles, et d’accompagner les familles confrontées à l’addiction d’un proche. Les séances de soutien, l’écoute, ainsi que les activités d’encadrement et d’éducation ont été identifiées comme des outils indispensables pour limiter l’expansion du problème.
Cette journée scientifique a ainsi permis de créer un espace riche en échanges et en expériences. Elle a mis en lumière les défis actuels, mais aussi les efforts déjà engagés par les équipes médicales et les associations. Les experts rappellent que l’inaction face à l’addiction à «L’boufa» pourrait avoir des conséquences dramatiques. Chaque jour perdu alimente la dépendance et menace l’avenir de toute une génération.








