Il est midi en cette journée d’octobre, où le thermomètre a des velléités de rébellion. À l’entrée du quartier casablancais de Mers Sultan, là où se dresse le célèbre bâtiment de l’IMCAMA, plus connu sous le nom familier de «l’immeuble Sony», le soleil darde impitoyablement ses rayons et le temps lourd étouffe le promeneur sous une chaleur accablante. Cependant, cela n’altère en rien son envie de déambuler dans les ruelles de ce havre casablancais, récemment classé par le magazine britannique Time Out deuxième «quartier le plus cool » du monde, juste derrière celui de Notre-Dame-du-Mont, à Marseille, en France.
Cette reconnaissance décernée par le média britannique, spécialisé dans les loisirs et le tourisme, met en lumière un lieu où l’histoire et la modernité se côtoient dans un dialogue aussi séduisant que singulier, qui attire une nouvelle génération d’habitants et aimante les visiteurs en quête d’une expérience authentique.
Mers Sultan, avec son architecture Art déco et ses rues au caractère affirmé, incarne l’esprit de la métropole. Ce quartier historique est un témoin clé de l’évolution de la ville, reflétant un riche passé tout en embrassant une élégante modernité. Conçu en 1917 par l’architecte et urbaniste français Henri Prost, il a vu défiler, au fil des époques, plusieurs générations, chacune ayant laissé sa propre empreinte.
La culture au cœur du quartier
Ce qui fait de Mers Sultan un lieu si spécial est son bouillonnement culturel. Les cafés, les galeries d’art et les événements créatifs s’y multiplient, faisant de ce quartier un centre artistique en plein essor. On y découvre une scène culturelle effervescente, où se côtoient artistes locaux et internationaux, notamment lors d’événements tels que des manifestations d’art urbain, comme Casamouja ou les multiples festivals de musique.
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L’architecte Karim Rouissi, président de l’association Casamémoire, souligne l’importance de ce dynamisme culturel et patrimonial: «Casablanca, en tant que ville moderne, n’est pas une exception en soi. Toutes les villes modernes ont connu un déclin puis un renouveau. Nous sommes dans une période charnière où l’on observe la transformation du centre-ville de Casablanca, d’abord par la reconnaissance, puis grâce à un travail mené depuis des années par la société civile, les associations, les acteurs culturels et les architectes qui se sont mobilisés pour la valorisation de ces quartiers.»
Gare à la gentrification!
La revitalisation du quartier s’inscrit dans une démarche plus large de préservation et de mise en valeur des espaces publics, parmi lesquels on peut citer l’immeuble Liberté, dit «le 17 étages», et le marché de la rue d’Agadir, réalisé par l’architecte français Jean-François Zevaco, natif de Casablanca.
«Reconnaître ces lieux publics, c’est aussi les définir, déterminer leurs qualités. Aujourd’hui, ce centre-ville a fait l’objet d’un plan de sauvegarde et de valorisation mené par l’agence urbaine, mais aussi par les différents départements concernés. Nous voyons la mise en œuvre des premières actions : le renouvellement de l’espace public, des places, des parcs et des voiries. À un moment donné, les acteurs privés vont s’intéresser à ces quartiers, ce qui entraînera forcément une transformation et une revalorisation», appuie Karim Rouissi.
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Comprendre: Mers Sultan se trouve à un tournant crucial de son histoire, où le travail de longue haleine des autorités locales et de la société civile commence enfin à porter ses fruits, avec l’objectif de restaurer l’attractivité de ce quartier pratiquement laissé à l’abandon des décennies durant.
Préserver l’identité du quartier
Cette transformation pose toutefois la question de l’équilibre entre modernisation et préservation. Karim Rouissi met dès lors en garde contre le risque d’un embourgeoisement excessif. « Il est nécessaire de préserver l’identité de ces quartiers et de ne pas sombrer dans une gentrification à outrance. Il s’agit de trouver le bon équilibre, c’est-à-dire faire évoluer les quartiers tout en sauvegardant l’esprit de Mers Sultan. Cela implique de prendre soin des populations, des commerçants et des personnes qui font vivre ce quartier au quotidien », prévient-il.
Après avoir un temps séduit par son glorieux passé et ses charmes pittoresques, Mers Sultan veut désormais se projeter vers un avenir prometteur, dans l’espoir de redevenir l’incarnation d’un Casablanca nouveau, où passé et innovation coexisteraient en parfaite harmonie. Le chantier ne fait que commencer…