La télévision publique algérienne, l’ENTV, a diffusé, dans la soirée du vendredi 26 novembre, l’enregistrement d’une interview du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, face à deux journalistes qui l’avaient récemment questionné lors d’une précédente et similaire sortie médiatique.
Quiconque subit cet entretien, d’une durée de 57 minutes, ne peut que se demander quel était vraiment l’utilité d’une telle sortie, sans relief, truffé de futilités, à moins qu’elle n’ait été imposée par ce que les communicants d’El Mouradia appellent le rendez-vous mensuel du chef de l’Etat avec les médias.
Contrairement à ses interviews télévisées précédentes, Tebboune a cité le Maroc une seule fois, alors que le mot Sahara n’est même pas sorti de sa bouche. A quoi est due cette prouesse? Probablement aux grands ciseaux des censeurs de la junte qui ont gardé pour eux le meilleur du Madjid comedy club.
Lire aussi : Vidéo. Abdelmadjid Tebboune se livre à un nouveau bavardage stérile
A priori l’on peut penser que deux journalistes ont reçu des «instructions» pour éviter de poser des questions sur le Royaume du Maroc, pays que l’Algérie a pourtant érigé en pierre angulaire de toute sa politique, à la fois interne et étrangère. La dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara, l’affaire des camionneurs algériens présumés tués le 2 novembre courant à Bir Lahlou et que Tebboune avait juré de venger, le soutien public de l’administration américaine au plan d’autonomie… aucun de ces sujets qui fâchent le régime, et écument les médias publics, ne semble avoir été effleuré. Du moins en apparence!
Tebboune s’est d’abord contenté d’être allusif sur le Royaume, quand on lui a posé une question sur l’équipe nationale d’Algérie. Il en a profité pour accuser le Maroc d’être derrière toute la zizanie que Djamel Belmadi a semée récemment contre l’incompétence des responsables algériens.
«L’équipe nationale a notre soutien. Ils essaient de la casser. Ils cherchent à atteindre le moral de Belmadi. Et pas uniquement ici en interne. Il y a quelques éléments internes, mais tout vient de là-bas (montrant la direction du Maroc, Ndlr). Leurs sites sont mobilisés pour créer des problèmes à l’Algérie par tous les moyens», a dit le président algérien.
Pour rappel, Belmadi n’a cessé au cours des matchs de l’Algérie en éliminatoires du Mondial 2022 de narguer les chibanis qui dirigent le pays en leur refusant d’instrumentaliser ses poulains au service de leur propagande, et en critiquant vertement leur gestion catastrophique des infrastructures footballistiques du pays, dont il qualifie les pelouses de champs de patates. Décidément, ce tubercule est le tube de l’année en Algérie.
Belmadi a également refusé à deux reprises de donner suite à des journalistes de la télévision d’Etat, l’ENTV. Il a même empêché une équipe de ce porte-voix du régime de l’accompagner lors du match joué par les Fennecs à Marrakech, où ils ont été reçus par les Etalons du Burkina Faso. La deuxième fois, il a tout simplement refusé de se laisser filmer par l’ENTV, en qualifiant ses journalistes de «haggarine» (oppresseurs).
Il faut attendre la fin de l’interview, annoncée par «la dernière question» pour voir Tebboune se livrer à de curieuses et interminables prolongations, devant des journalistes médusés et muets. Dans ce qui s’apparente à un monologue faisant feu de tout bois, Tebboune a cité pour la première fois nommément le Maroc. C’est du moins ce que laisse supposer la diffusion de l’interview qui a subi d’innombrables montages. Mais visiblement, les communicants de Tebboune ont encore une fois donné un aperçu de leur amateurisme. Même en purgeant l’interview des propos hauts en couleur de Tebboune sur le Royaume, ils ont laissé un passage qui démontre, sans ambiguïté, que l’interviewé a déjà abordé la question des relations maroco-israéliennes, et que cette partie a été sabrée.
«Je vais peut-être revenir en arrière», affirme, en effet, Tebboune, avant d’enchaîner: «ce qui est triste dans les anciennes-nouvelles relations entre le Maroc et Israël, c’est que pour la première fois depuis 1948 un ministre de l'entité sioniste menace un pays arabe à partir d'un autre pays arabe. C’est un acte infâme et déshonorant», a-t-il déclaré.
Lire aussi : Algérie: le clan Toufik-Nezzar resserre son étau autour du président Abdelmadjid Tebboune
Ce rembobinage proclamé par le président algérien fait certainement référence à des séquences dans l’interview qui ont été supprimées dans le montage. La junte surveille donc de très près les sorties de Tebboune et a gardé pour elle le meilleur du Madjid comedy club. D’ailleurs, l’interview du vendredi 26 novembre est la plus courte comparée aux précédentes du même esprit. Ce qui corrobore l’hypothèse de plusieurs passages censurés.
En ce qui concerne les relations avec la France, là aussi les propos de Tebboune ont été a minima. Ce qui laisse supposer de nombreuses interventions pour conserver seulement le message essentiel pour la junte: «le retour à la normale des relations algéro-françaises est inéluctable».
Au final, cette interview aura eu surtout le mérite de montrer un Abdelmadjid Tebboune sous surveillance étroite. Les innombrables coupures dans ses propos montrent que la junte quadrille désormais les déclarations du président-lige sur les relations internationales. Il y a deux semaines un homme appartenant au clan Toufik-Nezzar a été nommé conseiller à la sécurité du président algérien, Abdelmadjid Tebboune. La main de Chafik Mesbah a pesé lourdement sur l’interview de Tebboune.