"Ce tribunal est habilité à émettre un jugement sur la validité des traités signés par la Commission européenne et ses deux arrêts ont annulé la décision de la Commission concernant les accords agricole et de pêche signés entre la Commission et le Maroc", a rappelé cet essayiste, indiquant qu'à son sens, ils peuvent être qualifieés de "tendancieux et partiaux au niveau de la forme et du fond".
Sur la forme, il s'est demandé "qui est habilité à ester en justice pour attaquer ces accords,". Adnane Debbarh répond que d'après le tribunal, le Polisario, qui est en conflit avec la Commission européenne, et non pas le Maroc, "a attaqué la Commission en considérant qu'elle a abusé de son pouvoir en donnant au Maroc un droit qu'il n'a pas". Or, observe le politologue, une question sur la forme se pose pour savoir "est-ce que le Polisario possède la qualité pour ester en justice?".
Il précise que d'après la Commission, le Polisario "n'a pas cette qualité parce que ce n'est ni une personne morale, ni un Etat". Et d'ajouter que "là, le Tribunal devait se prononcer sur le fait de savoir si le Polisario a la capacité d’ester en justice ou non". Pour avoir cette qualité, a estimé Debbarh, le Polisario "doit être soit une personne morale, soit une personne physique, soit un Etat". Or, parmi ces trois critères, a-t-il noté, "le Polisario n'en a aucun et le tribunal a jugé". Ce dernier a utilisé "son pouvoir arbitraire en considérant que le Polisario -qui est un mouvement en fait, un mouvement qui ne représente que lui-même- est habilité à ester en justice, en ayant une approche large comme il l'appelle, de l'interprétation ou de la qualité de personne morale".
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Selon le politologue, le Tribunal a utilisé "sur la forme, un certain arbitraire et une certaine partialité qui ne sont pas conformes à l'esprit de la Commission européenne". Et sur le fond, le tribunal aurait dû se prononcer sur deux questions fondamentales. "La première, est-ce qu’il y a eu consultation des populations du Sahara concernant l'établissement de ces accords?". Le politologue répond que "la Commission l'a fait et a même invité le Polisario à venir se prononcer sur cet accord en son temps. Il a refusé". "Cette démarche a été considérée comme nulle et non avenue par le Tribunal".
D'après cet expert, le Tribunal de l’UE a en outre considéré que "la recommandation qui a été faite par l'émissaire de l'ONU en 2002, disant qu'au lieu de consulter les populations, il valait mieux voir si les richesses produites dans ce territoire étaient réinvesties dans le même territoire, la cour, a-t-il regretté, n'a pas pris en compte cette dimension". "Je pense, a estimé le politologue que le tribunal a été un peu partial pour ne pas dire complètement partial puisque, primo les populations sont systématiquement consultées à travers les différentes échéances électorales et secundo, il existe un taux de participation très élevé par rapport à la moyenne nationale". Ce qui démontre que "les populations émettent leur avis sur le développement et sur la situation de ce territoire".
D'un autre côté, Adnane Debbarh cite un élément lié à l'esprit de la lettre du représentant de l'ONU qui se demandait, lui aussi, dans une missive "si les richesses de ce territoire sont réinvesties dans ce territoire". Et le politologue d'ajouter un rappel historique. "En 1975 quand le Maroc a récupéré son Sahara, le niveau de ce territoire était très très faible. (...) Maintenant ces Provinces du Sud sont les plus riches du Royaume". Donc, il y a une "une population qui a profité du développement et des richesses et je dirai même que le Maroc a investi plus qu'il n'a tiré de ce territoire".
S'attaquant à la dimension politique des deux arrêts, l'expert note que la Commission européenne et le ministère marocain des Affaires étrangères ont vite publié un communiqué conjoint qui a mis l'accent sur l'excellence des relations entre les deux parties. La Commission, selon lui, est "nettement consciente qu'elle a besoin du Maroc dans la mesure ou le Royaume constitue le rempart au niveau du sud de l'Europe dans certains domaines comme l'insécurité, les flux migratoires et l'instabilité".
De plus, le Maroc est un "pays stable qui joue son rôle sécuritaire à la perfection et ambitionne de devenir une puissance régionale". Debbarh pense que l'Union européenne "a tout intérêt politiquement à ce que le Maroc soit fort et ne soit pas déstabilisé et je pense que le communiqué a été assez clair puisqu'il rassure sur la nécessité de trouver un autre habillage juridique à cette collaboration et à ce partenariat bilatéral".
Donc l'Europe, a conclu le politologue, "a tout intérêt à une collaboration avec nous et nous avons aussi un intérêt à une excellente collaboration avec l'Europe et nous ne pouvons que regretter la décision du tribunal".