Le choix du support pour véhiculer le message ainsi que le contenu et la visée réelle de celui-ci sont, pour le moins, douteux. C’est à travers le média Al Yaoum24, dont l’ancien patron, Taoufik Bouachrine, fait lui-même l’objet de poursuites judiciaires, entre autres pour traite d’êtres humains, viols et tentatives de viols, qu’un des avocats de la défense de la famille de Louisa Vesterager Jespersen, l’une des deux victimes scandinaves du meurtre d’Imlil, a choisi de s’exprimer.
Me Khalid El Fataoui, avocat au barreau de Marrakech, a ainsi choisi d’expliquer son option d’attaquer les services de l’Etat, en les accusant de défaillances et de dysfonctionnements, qui, selon lui, ont permis ce double assassinat. Pour cet homme de loi, si Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans, et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, ont été décapitées dans la nuit du 17 décembre 2018 au nom de Daech, c’est à cause de ces services sécuritaires.
Follow the moneyA la reprise du procès, ce jeudi 27 juin, à la chambre correctionnelle en charge des affaires du terrorisme à la Cour d’appel de Salé, dans sa plaidoirie, tout comme face à la caméra, Me Khalid El Fataoui a fait de surprenantes déclarations. Pour cet avocat, les services en question ont failli dans leur mission de surveillance sécuritaire de certains des suspects dans un endroit qu’il a qualifié de «touristique». Ce n’est pas tout: Me Khalid El Fataoui ajoute qu’un des quatre principaux suspects actuellement jugés est, en fait, un repris de justice. Sauf qu’il grossit le trait et manque clairement de précision dans son propos.
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Si Imlil est un lieu isolé au pied du Toubkal, qui attire (et continue d’attirer) des touristes, c’est parce qu’il ne s’agit pas là d’un «spot» touristique, mais d’un lieu d’évasion pour des touristes en quête d’évasion, de sensations fortes et d’authenticité. Et c’est effectivement ce qu’ils y trouvent. Toutefois, les touristes qui recherchent l’aventure doivent aussi se prémunir en observant quelques règles pour leur sécurité.
Les regrettées Louisa Vesterager Jespersen et Maren Ueland ont manqué de vigilance en ne s’armant pas du minimum requis pour une telle aventure: être accompagnées d’un guide local, dormir dans une auberge certifiée ou du moins sûre, tenue par des personnes de confiance. En lieu et place, elles ont choisi de dormir à la belle étoile, avec une tente pour seul refuge, et donc sans aucune forme de protection. C’est ainsi, en profitant de cette imprudence, que leurs assassins se sont livrés à leur crime abject.
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L’avocat omet aussi, par ailleurs, de dire que si l’un des suspects et le cerveau présumé du groupe avait déjà été condamné et avait entre-temps bénéficié d’une réduction de peine, il avait été jugé pour un délit mineur. Une justice probe accorde en effet le bénéfice du doute à ceux ayant déjà été condamnés, et leur permet leur possible réhabilitation et leur réinsertion dans la société. Comme pour d’autres, au Maroc comme ailleurs, ce ne fut pas le cas.
Confiance en la Justice. Vraiment?Cet avocat se trahit véritablement quand il explicite le but de sa manœuvre: l’argent. Son objectif, en effet, n’est pas que Justice soit faite. Ce n’est pas, non plus, que les auteurs du crime, qui ont été arrêtés en un temps record et qui ont avoué leur responsabilité dans cet assassinat, soient jugés et condamnés en conséquence. Non, pour Maître Khalid El Fataoui, le ministère public, qui a requis la peine capitale contre 3 des 24 suspects et de lourdes peines contre les autres, ne doit pas être écouté. L’objectif de cet avocat, c’est que les familles des victimes obtiennent de l’argent. Il va jusqu’à en décliner les différentes possibilités, à coups de «Ijtihad» (soit l’interprétation de la loi) et de lectures en droit comparé. Pour obtenir «réparation», il invoque la situation socio-économique précaire des suspects et leurs familles. A l’Etat marocain de dédommager pour l’innommable perte que les familles des victimes ont subie. En vrai, ni plus ni moins, cet avocat demande à l’Etat de débourser de l’argent. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une telle attitude est indigne d’un tel procès, et que cette demande est, osons le mot, une insulte à la mémoire de Maren et Louisa.
Me Khaled El Fataoui a également brillé par une autre incohérence, cette fois-ci plutôt grossière. Dans cette vidéo, il n’a eu de cesse de tresser des lauriers à la Justice marocaine, insistant, persistant et répétant à souhait la confiance des familles des victimes en celle-ci. Mais si tel était le cas – et en tant que véritable institution d’une nation souveraine, la Justice marocaine le vaut bien – cet homme de loi aurait justement dû ne pas céder à cette facilité d’attaquer les services de sécurité, et laisser le pouvoir judiciaire faire son travail. C’est à lui que revient le sort des présumés coupables d’un crime aussi rare qu’inédit au Maroc, tant par sa cruauté que sa sauvagerie. C'est à lui que revient de réparer les familles des victimes.
Autant le dire: la stratégie de défense de Maître Khalid El Fataoui manque simplement de bon sens et invoque, de plus, un référentiel aujourd’hui totalement dépassé: celui de l'incompétence des services de sécurité marocains, au demeurant, et aujourd’hui, cités en exemple dans le monde entier.