Expert en entrepreneuriat et innovation managériale, Hamid Bouchikhi est le doyen de la Solbridge International School of Business, qui se trouve à Daejeon en Corée du Sud. Membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), il explique, dans cet échange à bâtons rompus, comment le rapport sur le Nouveau modèle de développement (NMD) et tout le travail qui a précédé son élaboration remplissent trois fonctions qui correspondent à ce qu’il appelle «une version marocaine» du modèle de changement formulé par Kurt Lewin en 1947.
Hamid Bouchikhi évoque d’abord la fonction maïeutique de la démarche adoptée par la CSMD, en rappelant le discours royal de la rentrée parlementaire en octobre 2017, lequel a interrogé le modèle de développement du Maroc.
«L’acte d’octobre 2017 a libéré la parole, la réflexion et a ouvert la voie à une conversation nationale qui dure depuis. La création de la CSMD un peu plus d’un an plus tard est venue, comme un deuxième acte, mettre de l’ordre dans cette conversation nationale», a-t-il d'abord énuméré.
Après les débats, place aux projections. Le rapport de la CSMD s’est fixé à un objectif de projection à l’horizon 2035.
«Le pays a des atouts et ce n’est pas de la langue de bois… Il n y a pas de raison de ne pas accéder au niveau de développement du premier tiers des pays dans le monde», soutient Hamid Bouchikhi, pour lequel le projet du NMD est la version marocaine du Yes We Can, le slogan-phare de la campagne victorieuse de Barack Obama, qui a conduit à son élection à la tête des Etats-Unis.
«Ce n’est pas seulement du wishfull thinking. Il y a des propositions, des projets phares. Nous savons que nous allons y arriver et nous disons comment y arriver», a-t-il ajouté.
Lire aussi : Vidéo. Hassan Benaddi: «le rapport sur le nouveau modèle de développement ne clôt pas le débat»
Hamid Bouchikhi enchaîne ensuite avec la fonction mobilisatrice du rapport sur le NMD. «Le paradigme traditionnel, le command-control, dans lequel il y a des gens en haut qui font des stratégies et d’autres, en bas, qui exécutent, est aujourd’hui interpellé partout dans le monde», souligne-t-il.
La CSMD propose un paradigme radicalement différent de l’action publique, basé sur la coordination de l’action collective. «On ne peut pas tout diriger de Rabat, tout édicter de Rabat. Il faut décentraliser, déployer la subsidiarité et faire appel à l’intelligence collective, à la co-construction», explique le doyen de Solbridge International School.
Les trois phases, d'abord maïeutique, ensuite projective, et enfin mobilisatrice du processus et du rapport sur le NMD correspondent presque point par point aux trois phases du modèle de changement, énoncé par Kurt Lewin en 1947, constate Hamid Bouchikhi, tout en précisant que la CSMD n’a à aucun moment cherché un référentiel théorique sur le changement pour guider son travail.
«Pour réussir un processus de changement, il faut absolument passer par ces trois phases pour dire qu’il y a un avant et un après», recommande-t-il.
La CSMD ayant achevé sa mission en présentant son rapport sur le NMD, la balle est aujourd’hui dans le camp des institutions, y compris dans celui des acteurs de la démocratie représentative, insiste-t-il.
«Nous avons de bonnes raisons de penser qu’il y a, dans ce travail, de la matière pour les forces vives du pays pour créer le mode d’emploi du modèle de développement. J’espère que nous verrons ces corps intermédiaires s’emparer du travail et remplir les espaces blancs du rapport», conclut Hamid Bouchikhi.