Mohamed Badine El Yattioui, professeur d’études stratégiques au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis (EAU), est également président de NejMaroc, un centre marocain de recherche pour la globalisation. Diplômé d’un doctorat en science politique de l’Université Jean Moulin Lyon 3, il a été professeur pendant 5 années au sein de la Universidad de las Américas Puebla (UDLAP) à Puebla au Mexique, ainsi que membre du Conacyt (système national de recherche mexicain). Ses articles ont été publiés dans des revues scientifiques sur les relations internationales, mais également sur les politiques publiques internationales, la gouvernance et la sécurité de plusieurs pays (Mexique, Colombie, Maroc, Espagne, Portugal). Dans cette interview avec Le360, il revient sur l’affaire de la plainte déposée par le Maroc auprès de l’UNESCO contre une énième tentative de vol du caftan marocain par l’Algérie.
Le360: le Maroc a récemment introduit une plainte devant l’UNESCO contre une tentative algérienne d’usurpation du caftan marocain. Quelles peuvent être les potentielles retombées de cette plainte sur les plans juridique et politique?
Mohamed Badine El Yattioui: la plainte déposée par le Maroc auprès de l’UNESCO démontre la tentative d’usurpation de la part du régime algérien du caftan marocain avec des preuves à l’appui. Le dossier est très bien ficelé et prouve le caractère marocain des caftans des différentes régions qui ont tous leur spécificité et qui sont fabriqués d’une façon qui diffère selon les villes et les régions du Maroc. Le caractère marocain est très évident à la fois sur les tissus et l’art utilisés en termes de broderie ainsi que sur les différents styles et finitions.
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D’un point de vue juridique comme politique, le Maroc a la nécessité de faire valoir ses droits puisque cela fait partie de son patrimoine immatériel et qu’il y a un besoin croissant de le faire protéger, du fait de sa richesse historique et culturelle. Il est donc impératif de passer par les organisations internationales comme l’UNESCO ou autres pour faire valoir ses droits et pour pouvoir se défendre à la fois juridiquement, mais aussi diplomatiquement.
«Le Japon est un pays qui sait très bien se défendre pour protéger son patrimoine immatériel millénaire. Le Maroc devrait faire la même chose.»
— Mohamed Badine El Yattioui.
Que prévoit le Droit international en mesures coercitives en cas de tentatives d’usurpation par un pays du patrimoine culturel d’un autre, comme celles que subit de nos jours le patrimoine immatériel marocain?
Le Droit international est clair. Il faut déjà labelliser un certain nombre de secteurs d’activités liés à ce patrimoine immatériel au Maroc, qui a une organisation qui s’occupe de la propriété intellectuelle, et ensuite, de faire valoir ses droits au niveau international à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et jouer sur les deux niveaux national et international pour faire valoir les droits des artisans et du Royaume en tant que nation millénaire pour pouvoir attaquer tous ceux qui, à l’avenir, utiliseront les différents éléments liés au patrimoine immatériel marocain, comme le caftan ou le zellige, et voir comment ces éléments peuvent être défendus.
Il faut utiliser les instruments juridiques, le droit national et international. Le Japon est un pays qui sait très bien se défendre pour protéger son patrimoine immatériel millénaire. Le Maroc devrait faire la même chose pour pouvoir, à travers ses différents ministères, monter au front et aller dans les instances internationales pour pouvoir défendre ses intérêts et ce savoir-faire transmis de génération en génération.
«On voit qu’il y a une volonté d’attaquer le royaume du Maroc sur tous les fronts.»
— Mohamed Badine El Yattioui.
Les tentatives d’usurpation par l’Algérie du patrimoine culturel immatériel marocain se sont intensifiées ces dernières années. Que cherche selon vous le régime algérien à travers pareils agissements?
À travers les tentatives d’usurpation qui existent depuis un certain nombre d’années et qui se multiplient, on voit qu’il y a une volonté d’attaquer le royaume sur tous les fronts: diplomatique, culturel, économique, sécuritaire et stratégique. On voit également que la volonté du régime algérien de faire du mal au Royaume du Maroc est constante. Le patrimoine immatériel comme la culture sont des domaines sur lesquels le Maroc a une profondeur historique très importante depuis plus de 1.200 ans. De l’autre côté, il y a une crise identitaire et une volonté de s’approprier les choses et de rabaisser son voisin qui a une richesse régionale entre le nord, le sud, l’est et l’ouest. C’est une forme de reconstruction historique en vue de se forger une identité nouvelle.
Quand on connait l’histoire de la région, on sait que les tendances ont été différentes. Le Royaume du Maroc a une histoire singulière et unique au sein du monde arabe avec une profondeur africaine que d’autres n’avaient pas. Le Maroc n’a pas fait partie de l’empire ottoman, ce qui n’a pas été le cas de ce qui constitue aujourd’hui l’Algérie, dont la partie la plus à l’ouest faisait partie de l’empire chérifien, et une autre de l’empire ottoman. Il y a donc une volonté de refaire l’histoire pour essayer de se construire une identité nouvelle au détriment du Maroc.