Une motion de censure: à quoi bon?

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Revue de presseKiosquele360. Cela fait trois fois que le PJD vote contre un projet de loi présenté par le gouvernement qu’il dirige. Le reste de la majorité a voté contre. Autant d’occasions pour l’opposition de déposer une motion de censure. Mais à quoi bon?

Le 28/05/2021 à 20h12

Les trois formations de l’opposition ont manifestement fini par renoncer à leur projet de motion de censure contre le gouvernement. La conférence de presse conjointe du PAM, de l’Istiqlal et du PPS qui était prévue jeudi, sans doute pour annoncer la mise en route de ce projet, a été reportée sine die. Pourtant, cela aurait été une belle occasion de recourir, pour la troisième fois dans l’histoire du Maroc, à cette procédure constitutionnelle pour renvoyer l’Exécutif.

En effet, relève l’hebdomadaire La Vie éco dans son édition du 28 mai, la majorité est définitivement disloquée. Preuve en est, ses composantes viennent de voter en désordre le projet de loi relatif aux usages licites du cannabis. Tous les partis, de la majorité comme de l’opposition, ont voté pour (119 voix) sauf le PJD, pourtant chef de file de la coalition gouvernementale, qui a voté contre.

Il s’agit, il faut le préciser, d’un projet de loi présenté par le gouvernement dirigé par le parti islamiste. Tout comme le projet de loi organique relatif à la première Chambre qui a instauré un nouveau mode de calcul du quotient électoral pour lequel les formations de la majorité et de l’opposition ont voté, début mars, et que le PJD a rejeté.

Ce fut aussi le cas, il y a quelques mois, lorsque le parti islamiste a encore choisi de faire cavalier seul en rejetant, en partie, le projet de loi-cadre relatif au système de l’éducation et de l’enseignement. C’est pour dire, note l’hebdomadaire, que le chef du gouvernement ne contrôle même plus son parti qui vient de voter, en l’espace de quelques semaines, contre deux projets de loi présentés par l’Exécutif, a fortiori le reste de sa majorité.

Une situation pareille aurait été une occasion en or pour introduire une motion de censure contre le gouvernement, sauf que dans les circonstances actuelles, cela aurait été un cadeau politique offert sur un plateau d’argent au parti islamiste, souligne la Vie éco.

En effet, poursuit l’hebdomadaire, l’Exécutif est à trois mois de la gestion des affaires courantes. Cela aurait donc été une aberration de chercher à le renvoyer alors qu’il est presque au terme de mandat. Cela d’autant que le Maroc peut bien faire l’économie d’une crise politique alors qu’il a déjà entamé un marathon électoral qui ne va prendre fin que début octobre.

En même temps, le Royaume fait face à une crise diplomatique avec ses proches voisins espagnols et européens. Une crise politique risquerait de mettre notre diplomatie dans une situation embarrassante. Même sur le plan pratique, un tel projet est une aventure non seulement politiquement risquée, mais difficile à faire aboutir. Entre l’idée d’une motion de censure et son exécution, il y a, en effet, tout un chemin à faire, commente l’hebdomadaire.

D’après la Constitution, explique La Vie éco, il faut d’abord collecter les signatures de pas moins de 20% des députés, soit 99 membres de la Chambre pour que la demande soit recevable. Après, selon l’article 105 de la Loi suprême, «la motion de censure n’est approuvée par la Chambre des représentants que par un vote pris à la majorité absolue des membres qui la composent».

Il faut donc le vote de 198 députés pour la faire aboutir. Or, les trois partis de l’opposition comptent à peine 156 sièges, 101 pour le PAM, 42 pour l’Istiqlal et les 13 membres du groupement parlementaire du PPS. Donc, à moins de compter sur des voix au sein de la majorité, ce qui n’est pas évident, ce projet n’a aucune chance d’aboutir. Il n’en reste pas moins, conclut la Vie éco, qu’il donnerait un coup de pouce promotionnel inespéré au parti islamiste au pouvoir.

Par Amyne Asmlal
Le 28/05/2021 à 20h12