Jamais la Chambre des représentants n’a compté autant d’élus mis en cause par la justice dans des affaires de corruption, de détournement de fonds publics ou d’abus de pouvoir. Le constat est du magazine Jeune Afrique, qui indique qu’à ce jour, 30 députés ont été inquiétés, poursuivis ou condamnés. Le triste record revient au Rassemblement national des indépendants (RNI), parti du chef du gouvernement Aziz Akhannouch, dont huit députés ont eu maille à partir avec la justice.
Parmi les cas les plus emblématiques figure Mohamed Boudrika, élu de Mers Sultan, condamné à cinq ans de prison ferme pour malversations financières. Abderrahim Ouaslam, député de Rabat-Océan, a, lui, écopé de huit mois de prison avec sursis et d’une amende de 100.000 dirhams pour émission de chèques sans provision. Rachid El Fayek, député de Fès, a quant à lui été condamné à cinq ans de prison ferme pour des faits d’une extrême gravité: traite d’êtres humains, attentat à la pudeur sur mineur atteint de déficience mentale et viol, énumère Jeune Afrique.
D’autres élus RNI ont été condamnés pour des pratiques tout aussi préoccupantes. Mohamed Hidawi, pour revente illicite de billets de la Coupe du monde 2022, Mustapha Toutou, pour exploitation minière illégale, Younes Benslimane et Ismaïl Barhoumi, pour détournement de fonds publics ou encore Mohamed Simo, poursuivi pour des irrégularités financières en tant que maire de Ksar El-Kebir, mais finalement acquitté.
Le Parti Authenticité et Modernité (PAM), autre pilier de la majorité, compte quatre députés dans le collimateur de la justice, auxquels s’ajoute le cas très médiatisé de Saïd Naciri, ancien député de Casablanca et ex-président du Conseil préfectoral de la ville, actuellement poursuivi dans l’affaire du «Pablo Escobar du Sahara».
Parmi les élus encore en poste, relate le magazine, Rahou El Hilaâ (Tiflet), Hicham Mhajri (Chichaoua) et Ahmed Touizi (Al Haouz) ont été rattrapés par des affaires de gestion frauduleuse. Ce dernier a toutefois été acquitté en mai dernier. Abdelouahed Messoudi, élu de Taza, a, lui, été condamné pour diffamation et injure, et révoqué de ses fonctions de maire en raison d’irrégularités dans le secteur du BTP.
Le Parti de l’Istiqlal, également membre de la majorité, affiche trois députés condamnés. Le dernier en date est Mohamed Karimine, député-maire de Bouznika. Il a été condamné à sept ans de prison ferme pour dilapidation de deniers publics et abus de pouvoir. À Khenifra, Saleh Oughbal a écopé de cinq ans de prison pour une affaire de chèque sans provision, tandis qu’à Marrakech, Abderrazak Ahlouche a été démis de ses fonctions de président de la commune de Souihla pour mauvaise gestion.
Au total, 16 députés de la majorité sont concernés par des poursuites ou condamnations judiciaires, contre 14 issus de l’opposition. L’USFP et l’Union constitutionnelle comptent chacun quatre députés impliqués, le Mouvement populaire trois, le PPS deux, et le Mouvement démocratique et social, un seul. Le PJD, avec seulement 12 sièges à la chambre, ne compte aucun élu poursuivi, un fait que certains attribuent à la sociologie particulière de ses élus, moins liés au monde des affaires, lit-on.
L’accumulation de ces affaires, bien que révélatrice d’un malaise profond dans la sélection des candidats aux élections, n’est pas forcément un signe de désespoir démocratique. Au contraire, note Jeune Afrique, il s’agit de l’émergence d’une justice plus active, moins inhibée, capable de tenir tête à des figures politiques puissantes. Des ONG de défense des deniers publics comme des militants des droits humains considèrent cette dynamique judiciaire comme une avancée cruciale pour la lutte contre la corruption, espérant qu’elle gagne encore en intensité.
Une chose est sûre: jamais une législature n’avait vu autant d’élus rattrapés par la justice. Les alertes lancées avant les législatives de 2021 quant au profil judiciaire douteux de certains candidats n’avaient manifestement pas suffi. Il aura fallu le levier judiciaire pour entamer un début de clarification. Une tendance qu’il faut encourager et renforcer.








