Tribune. Primitivisme militant ou l’arsenalisation de la pauvreté: pourquoi une société sahraouie prospère fait peur

Une place publique dans la ville de Laâyoune, chef-lieu du Sahara au Maroc.

TribuneLe primitivisme militant ne s’appuie ni sur la justice ni sur le développement, mais sur la préservation de la souffrance comme monnaie d’échange.

Le 05/08/2025 à 08h00

«Nier les bienfaits de la modernité aux peuples africains tout en en jouissant en Europe est le comble de l’hypocrisie». Chinua Achebe. «Idéaliser le retard de la commune paysanne, c’est idéaliser la stagnation nationale». Lénine.

Dans le débat complexe sur l’avenir du Sahara occidental, un courant idéologique reste largement sous-examiné: celui qui cherche à isoler, infantiliser et instrumentaliser la région au service d’agendas politiques. Ce que j’appelle le primitivisme militant ne s’appuie ni sur la justice ni sur le développement, mais sur la préservation de la souffrance comme monnaie d’échange.

Ceux qui crient le plus fort à la «libération» du Sahara sont souvent les mêmes qui s’opposent à l’investissement, au tourisme, aux échanges culturels et aux partenariats internationaux dans la région. Pourquoi? Parce que le progrès menace le récit de la victimisation qui légitime leur activisme et alimente leur financement. La croissance, l’infrastructure, la création d’emplois et l’intégration régionale ne sont pas dans leur stratégie. La stagnation, si.

Ils ne veulent ni investisseurs à Dakhla ou Laâyoune, ni cinéastes ou journalistes qui osent montrer un Sahara moderne, dynamique et pacifique. Ils protestent contre les entreprises étrangères qui créent des emplois ou contre les autorités locales qui construisent des écoles. Toute amélioration sur le terrain ruine leur cause. Car leur cause n’est pas la justice, mais l’instrumentalisation.

Voilà le primitivisme militant: une doctrine qui exige le sous-développement pour maintenir une utilité politique. Le Sahara doit rester un espace de manque, de rancœur et de désespoir. Non pas parce qu’il l’est, mais parce qu’il doit le paraître.

Les mêmes acteurs invoquent le droit international mais le détournent. Ils citent des résolutions de l’ONU hors contexte, oubliant que l’organisation ne reconnaît aucune entité nommée «République sahraouie» et n’a jamais appelé à l’indépendance, mais à une solution politique mutuellement acceptable.

Pendant ce temps, le Maroc investit massivement dans ses provinces du Sud: ports, énergies renouvelables, universités, hôpitaux… Le Sahara marocain affiche certains des meilleurs indicateurs de développement humain du pays. C’est un territoire de mouvement et d’espoir.

Et c’est précisément ce que craignent les militants. Que le Sahara réussisse et que leur lutte devienne obsolète.

Ce type d’instrumentalisation n’est pas nouveau. Il rappelle cette logique postcoloniale selon laquelle pauvreté et souffrance seraient gages de pureté et de légitimité révolutionnaire. Mais cette logique a échoué. Partout. Et dans le Sahara, elle est désormais dangereuse.

La véritable voix des Sahraouis ne résonne pas dans les hôtels d’Alger ou les cafés parisiens. Elle s’entend dans les écoles de Laâyoune, les centrales solaires de Boujdour, les ports de Dakhla, les urnes électorales. Ce ne sont pas des voix de victimes. Ce sont celles de citoyens.

Être solidaire du Sahara, c’est être solidaire de ses habitants. Cela suppose de dire oui au développement, à l’investissement, à la dignité par l’opportunité.

Le primitivisme militant n’offre qu’une chose: la stagnation éternelle au nom du spectacle politique. Il est temps de le rejeter et de le remplacer par une vision ancrée dans le progrès, la justice et l’autonomisation réelle.

Par Lahcen Haddad
Le 05/08/2025 à 08h00