Déjà bien connu dans les camps sahraouis de Lahmada sous le quolibet de «Monsieur WhatsApp», le dirigeant du Polisario El Bachir Mustapha Sayed vient de se manifester à nouveau sur les réseaux sociaux, cette fois-ci pour dire tout haut tout le mal qu’il pensait de Brahim Ghali, le chef du Polisario.
Occupant aujourd’hui le poste de soi-disant «ministre à la présidence», après de nombreuses autres hautes fonctions à Rabouni, le frère cadet de Mustapha El Ouali, fondateur du Polisario mort en juin 1976, accuse aussi, dans cet enregistrement, le régime algérien d’avoir commis une erreur stratégique monumentale: celle d’avoir poussé le Polisario à tenter de fermer, définitivement, pensait-il, le passage d’El Guerguerat avec une poignée de miliciens déguisés en civils.
Ces mauvais conseils et faux calculs des généraux algériens ont été fatals pour le Polisario, selon lui, et ont mis à nu à la fois la myopie des dirigeants des séparatistes et celle des renseignements et de la diplomatie algériens, qui n’ont pas su prévoir la réaction décisive du Maroc. En effet, ni l’Algérie, ni le Polisario n’ont mesuré à sa juste valeur la vitalité de ce passage commercial non seulement pour le Maroc, mais aussi pour tous ses partenaires commerciaux du continent, dont en premier lieu son voisin mauritanien. Le vaste soutien international à l’action menée par les Forces armées royales, le 13 novembre 2020, à El Guerguerat, a également été fatal pour le Polisario.
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El Bachir Mustapha Sayed estime que cette erreur stratégique a été encore plus catastrophique quand Brahim Ghali, le chef du Polisario, a cédé aux ordres d’Alger, en prenant la décision intempestive et irresponsable de rompre les accords de cessez-le-feu, signés sous l’égide de l’ONU en 1991.
La guerre fictive déclarée dans la foulée par le Polisario contre le Maroc n’a eu finalement pour résultat que de priver le Polisario de toute possibilité d’entrer dans les zones tampons du Sahara, qu’il appelait jusqu’ici les «territoires libérés». Des territoires dont Mustapha Sayed en sait un bout, car il avait l’habitude, avant le 13 novembre 2020, d’y dissimuler une grande partie de sa richesse colossale, dont un imposant cheptel de centaines de têtes de camelins qu’il envoyait en pâturage loin des camps de Lahmada.
L’on se souvient que lorsque les médias du Polisario avaient diffusé le 18 mai dernier des «selfies» que Brahim Ghali avait dit avoir pris dans une zone tampon du Sahara, Mustapha Sayed avait réagi pour dénoncer la falsification de ces images. Il avait ainsi démenti le fait que Brahim Ghali puisse se rendre au Sahara, sans être pris en chasse par les drones marocains. «Les activités promotionnelles de la sortie du chef sur sa capacité de prendre des photos n'est pas une brèche dans la brèche, ni un remède à la douleur. Nous remercions Dieu qu'il soit revenu à Rabouni sain et sauf», avait-il alors ironisé.
El Bachir Mustapha révèle d’ailleurs que le Polisario n’a plus les moyens humains de faire une guerre, même de faible intensité, et que le peu d’hommes dont il dispose encore n’ont aucune expérience de la guerre, alors que la formation militaire dispensée à la nouvelle génération de miliciens laisse à désirer. Le recours du Polisario à l’enrôlement des enfants-soldats est à cet égard une autre preuve de la faiblesse de ses moyens humains.
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On apprend également dans cet enregistrement qu’au temps où l’armée algérienne était dirigée par le général Ahmed Gaïd Salah, mort en décembre 2019, une consigne stricte interdisait aux va-t-en-guerre du Polisario de rompre unilatéralement le cessez-le-feu onusien. Une manière d’accuser indirectement ce même défunt général, voire l’actuel patron de l’armée algérienne, d’avoir instrumentalisé le Polisario dans sa surenchère contre le Maroc.
Avec cette sortie «critique», El Bachir Mustapha Sayed veut-t-il se positionner comme étant l’homme fort à même de succéder à Brahim Ghali? Le Polisario tente-t-il de sauver ce qui peut encore l’être en faisant allusion à un retour au cessez-le-feu onusien? Le récent communiqué officiel dans lequel le Polisario dit s’engager à «faire taire les armes», comme le préconise l’Union africaine, pourrait le laisser croire. Sauf qu’il n’existe plus de statu quo ante, mais une nouvelle réalité diplomatique et stratégique sur le terrain, à laquelle le Polisario et son mentor algérien se doivent de se plier.