La solution au conflit artificiel autour du Sahara occidental sera politique ou ne sera pas. C’est là le principal enseignement à tirer du projet de résolution du Conseil de sécurité (CS) sur le dossier, dont le pen holder (porte-plume) n’est autre que les Etats-Unis d’Amérique et qui sera soumis au vote à la fin de ce mois d’octobre. D’emblée, le projet de texte prend pour unique référentiel les résolutions adoptées depuis 2007, soit l’année où le Maroc a présenté devant les Nations unies sa proposition d’autonomie élargie des provinces du Sud sous souveraineté nationale. Les gesticulations ayant prévalu auparavant sont, de facto, nulles et non avenues.
S’inscrivant d’ailleurs dans l’esprit et le texte des résolutions 2602 (2021) et 2654 (2022), la mouture de la résolution de 2023 préconise une solution réaliste et basée sur le compromis au conflit du Sahara. Le tout est de savoir comment le voisin de l’est, qui s’apprête à rejoindre le CS en tant que membre non permanent, va réagir à la teneur de ce texte. L’Algérie, qui a protesté par écrit contre les deux précédentes résolutions, osera-t-elle agir de même, au risque de se défausser vis-à-vis d’un Conseil dont elle est membre? On le saura la semaine prochaine.
L’Algérie face à ses responsabilités
Le projet de résolution insiste sur le rôle de l’Algérie, tant dans l’absence de solution au conflit que dans les éventuelles pistes à même de conduire à une issue. Le voisin est cité pas moins de 5 fois dans la résolution et il y est mentionné 3 autres fois sous l’appellation «pays du voisinage». Le CS salue à ce titre «l’élan créé par la première table ronde des 5 et 6 décembre 2018 et la deuxième table ronde des 21 et 22 mars 2019» appelant l’Algérie, qui s’y oppose, à y revenir, au même titre que le Maroc, le Polisario et la Mauritanie, «afin d’identifier les éléments de convergence». Le Conseil insiste sur «la poursuite des consultations entre l’Envoyé personnel et le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie à cet égard afin de tirer parti des progrès réalisés».
Une solution politique, basée sur «le réalisme et le compromis»
Dans son projet de résolution, le CS souligne la nécessité de parvenir à une solution politique réaliste, réalisable, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental. Celle-ci doit être «fondée sur le compromis et le réalisme». Nulle autre solution en dehors de ce prisme n’est à considérer. Nous sommes très loin des slogans creux liés à une supposée décolonisation du Sahara que le régime d’Alger ressasse et l’option d’un référendum est enterrée.
L’avenir de toute la région, notamment dans le cadre de l’Union du Maghreb, est étroitement lié à une solution politique au conflit du Sahara. Fait important, le CS souligne que «parvenir à une solution politique à ce différend de longue date et à une coopération renforcée entre les États membres de l’Union du Maghreb arabe contribuerait à la stabilité et à la sécurité, conduisant à son tour à la création d’emplois, de croissance et d’opportunités pour tous les peuples de la région du Sahel».
La proposition d’autonomie et les efforts du Maroc salués
Dans cette même logique, le CS cite la proposition marocaine présentée le 11 avril 2007 au secrétaire général de l’ONU et salue «les efforts sérieux et crédibles du Maroc pour faire avancer le processus vers une résolution».
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Sur le plan interne, la mouture de résolution souligne également les mesures et initiatives prises par le Maroc, de même que le rôle joué par le Conseil national des droits de l’homme, à travers ses commissions opérant à Dakhla et Laâyoune, «ainsi que l’interaction du Maroc avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies».
Recensement des populations des camps
Alors que l’Algérie et le front séparatiste s’y opposent farouchement, le CS persiste et signe: le recensement des populations séquestrées dans les camps de Tindouf, une requête constante du Maroc, est plus que jamais un impératif. L’organe exécutif onusien réitère «avec force sa demande d’enregistrement des réfugiés dans les camps de réfugiés de Tindouf» et souligne «l’importance des efforts déployés à cet égard». Tout comme il épingle le duo Algérie-Polisario sur la nécessaire «protection des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf, y compris les libertés d’expression et d’association».
Prolongement du mandat de la MINURSO, mais…
Dans son projet de résolution, le CS décide de prolonger le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu’au 31 octobre 2024. La résolution va néanmoins dans le sens du rapport du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, rendu public début octobre et dans lequel ce dernier appelait à la fin de la guerre fantoche enclenchée par le Polisario, qualifiée de «tensions de faible intensité», et épinglait le fait que la milice, aux ordres d’Alger, empêche le personnel de la MINURSO de circuler à l’est du mur de défense.
Le CS réaffirme, à son tour, la nécessité de respecter pleinement les accords militaires conclus avec la MINURSO en ce qui concerne le cessez-le-feu et réitère son appel à coopérer pleinement avec la mission onusienne, y compris sa libre interaction avec tous les interlocuteurs, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité ainsi que la liberté de mouvement et l’accès immédiat du personnel des Nations unies et du personnel associé dans l’exécution de leur mandat. «Je crains que, sans liberté totale de mouvement, la MINURSO ne soit bientôt incapable de maintenir sa présence à l’est du mur», avertissait M. Guterres. Plus diplomatique, le CS n’en est pas moins plus clair: le Polisario met en péril à la fois la présence et la mission de la MINURSO.
Ce projet de résolution s’inscrit en continuation des textes de 2021 et 2022 qui ont provoqué une protestation officielle du régime d’Alger. Cette fois-ci, l’Algérie aura bien du mal à se réfugier derrière son narratif de «soutien aux causes justes» qui ne convainc personne. La communauté internationale l’épingle désormais comme le protagoniste du conflit.