Sahara: le double défi du Maroc face au vote de la résolution 2025

Lors d'une séance de vote du Conseil de sécurité de l'eau.

Lors d'une séance de vote du Conseil de sécurité de l'ONU.

À deux jours du vote crucial au Conseil de sécurité d’une résolution qui consacre le plan d’autonomie comme unique horizon au conflit, le Maroc se trouve confronté à un double défi: obtenir au moins neuf voix favorables tout en évitant tout veto des membres permanents. Entre tractations diplomatiques et pressions internationales, chaque voix devient déterminante pour clore le dossier.

Le 28/10/2025 à 10h47

Consacrant définitivement le plan d’autonomie sous souveraineté du Maroc comme solution au conflit, la résolution 2025 sur le Sahara fait l’objet d’une dynamique rarement égalée au sein du Conseil de sécurité. Le jour du vote s’approchant, les tractations sont à leur comble. Chaque voix compte dans un vote où priment, bien souvent, des impératifs propres à chacun des 15 pays membres.

Pour rappel, le draft zéro de la résolution 2025, dont les États-Unis sont le pen holder (porte-plume), est sans ambiguïté. Le Conseil de sécurité y «prend note, dans ce contexte, du soutien exprimé par des États Membres à la Proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc», allant jusqu’à «l’affirmer comme la base la plus crédible pour une solution juste et durable». Le texte se «félicite du leadership du président Trump en matière de règlement du conflit au Sahara occidental», alors que jamais un projet de résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara n’avait cité un chef d’État étranger pour saluer son engagement dans la recherche d’une solution au conflit sur le Sahara. Le texte prend soin d’impliquer toutes les «parties concernées» (le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Polisario) dans les consultations de l’envoyé personnel Staffan de Mistura. Cette mention explicite consacre le statut de partie prenante de l’Algérie.

D’ailleurs, le texte de la résolution cite toujours LES parties, sans déterminer leur nombre. L’implication totale du régime d’Alger dans ce dossier a eu deux conséquences irréversibles. Premièrement, l’invisibilisation du Polisario. Aucun État n’accorde le moindre intérêt à ce que dit le Polisario, tellement il est devenu manifeste que c’est Alger qui lui dicte la conduite à suivre. Ses dernières initiatives, d’ordre tactique, pour proclamer sa nouvelle disposition à négocier avec le Maroc, y compris en intégrant l’autonomie, n’ont eu aucun écho auprès de la communauté internationale. Cette insignifiance du Polisario est l’œuvre –avant toute chose– de la diplomatie hystérique du président Tebboune.

La deuxième conséquence est consubstantielle à la première. En invisibilisant le Polisario, l’Algérie a débarrassé la communauté internationale de la gêne de la nommer comme le protagoniste dans ce conflit. À tel point que le conflit du Sahara occidental est aujourd’hui bilatéralisé entre le Maroc et l’Algérie. Les efforts de médiation de Washington entre Rabat et Alger, ainsi que les propos de Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour les affaires arabes et africaines, sont la preuve patente de cette donne, essentielle dans l’évolution de ce conflit.

Autre tournant important dans la résolution, le raccourcissement du mandat de la Minurso de un an à trois mois. Le texte demande au «Secrétaire général […] de présenter ses recommandations concernant la transformation ou la cessation de la MINURSO en fonction de l’issue des négociations». Le Conseil donne six semaines pour évaluer les progrès et fixe même une échéance ferme: «avant le 31 janvier 2026», date butoir pour parvenir à une «solution politique finale». L’échéance de trois mois introduit une volonté manifeste d’en finir avec le statu quo et augure soit de fin du mandat de la MINURSO, soit de la modification radicale de sa mission.

Autant de ruptures sur lesquelles le Conseil de sécurité aura à trancher, sauf amendements préalables. Techniquement, le Conseil de sécurité des Nations Unies est composé des cinq membres permanents que sont les États-Unis, pen holder et auteur de la résolution sur le Sahara, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine. S’y ajoutent 10 membres non permanents, élus pour un mandat de deux ans: Algérie (dont le mandat court jusqu’à fin 2025), Guyana, la République de Corée, Sierra Leone, la Slovénie, le Danemark, la Grèce, le Pakistan, le Panama et la Somalie.

Le vote au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies s’effectue conformément aux dispositions de l’article 27 de la Charte des Nations Unies. Cette procédure distingue deux types de questions: les questions de procédure et les questions de fond. Pour les questions de procédure, la décision est adoptée lorsqu’elle obtient au moins 9 voix favorables sur 15. Dans ce cas, le droit de veto ne s’applique pas. Cela signifie qu’aucun membre permanent ne peut bloquer la décision. Les questions de procédure concernent notamment des sujets tels que l’adoption de l’ordre du jour ou la convocation d’une réunion du Conseil.

En revanche, pour les questions de fond, et la question du Sahara en est une, les règles sont plus strictes. Il faut également 9 voix sur 15, mais celles-ci doivent inclure les votes positifs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Ces membres permanents sont souvent désignés par le sigle P5. Ainsi, si l’un de ces cinq pays vote contre, son vote négatif constitue un veto, ce qui a pour effet de bloquer l’adoption de la résolution, même si la majorité des voix est atteinte. En revanche, l’abstention d’un membre permanent n’est pas considérée comme un veto et n’empêche pas l’adoption du texte si le nombre de voix favorables reste suffisant.

Pour le Maroc, cela pose un double défi: réunir un minimum de 9 voix favorables et éviter tout veto. Deux étapes majeures donc à franchir. Pour les membres non permanents, l’hostilité de l’Algérie et son intention de ne pas voter la résolution sont établies. S’y ajoutent des pays enclins à s’opposer à la prééminence du plan d’autonomie et ce, pour des considérations proprement internes. Ce n’est qu’une fois ce premier obstacle levé que se posera la question d’un éventuel vote négatif de la part d’un membre permanent du Conseil. Un veto.

Moscou vient certes de conclure un accord de pêche avec le Maroc incluant les provinces du Sud, mitigeant tout risque d’une décision qui ne serait pas en cohérence avec une reconnaissance de fait de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Mais un vote sanction contre les États-Unis n’est pas exclu. Le Conseil de sécurité a ses propres règles et repose sur les tractations entre les cinq membres permanents. Ces tractations ne se limitent pas au sujet, objet du vote, mais couvrent d’autres dossiers antérieurs ou ultérieurs. D’où une complexité qui en appelle à des réalités géopolitiques à des milliers de km du Sahara occidental.

Pour l’heure, et d’après nos informations, le pen holder a introduit quelques ajustements au texte de la résolution, sans en altérer l’esprit ni la prolongation de trois mois à la mission de la Minurso. Les tractations vont se poursuivre ce mardi dans une réunion à huis clos qui n’était pas programmée, avant le vote de jeudi 30 octobre.

Washington optimiste

D’après nos sources, une première révision du premier draft a été présentée hier lundi, mais sans que la prééminence du plan d’autonomie comme solution ni le délai d’achèvement du mandat de la MINURSO ne soient altérés. S’il est un changement majeur que le pen holder a apporté, c’est en appelant au recensement des populations séquestrées à Tindouf. Un recensement que le Maroc n’a eu de cesse de demander et auquel Alger s’oppose.

De son côté, Washington rassure. Dans un entretien accordé à Sky News Arabia et diffusé hier lundi, le conseiller spécial du président américain pour les affaires arabes et africaines, Massad Boulos, a affirmé que les États-Unis sont optimistes quant à la conclusion d’une solution finale au dossier du Sahara marocain, sur la base du plan d’autonomie sous souveraineté du Maroc. Washington «travaille avec tous les partenaires et alliés, en particulier le Maroc et l’Algérie, pour parvenir à une résolution au Conseil de sécurité qui satisfasse autant que possible tous les acteurs… et nous savons que ce n’est pas facile de satisfaire tout le monde», a indiqué Boulos. Et d’expliquer que les États-Unis s’efforcent «avec toutes les parties au Conseil de sécurité» d’«arriver à un langage qui rapproche les points de vue autant que possible, en vue de la phase 2, qui concerne le règlement global entre les deux pays». Il a ajouté: «Toutes les questions sont ouvertes à discussion, notamment celle du renouvellement du mandat de la MINURSO».

«Lorsqu’il y aura un règlement durable de la question du Sahara, le règlement du différend entre l’Algérie et le Maroc deviendra beaucoup plus facile», a ajouté Massad Boulos, en référence à l’annonce de Steve Witkoff, envoyé spécial du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, voulant que les États-Unis œuvrent activement à la conclusion d’un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie, avec l’objectif de finaliser celui-ci dans un délai de 60 jours.

Par Tarik Qattab
Le 28/10/2025 à 10h47