Quand l’Istiqlal se réveillera…

Karim Boukhari.

Karim Boukhari.

ChroniqueLe seul et authentique grand parti marocain doit chasser cet anachronisme: comment peut-on encore s’appeler «l’indépendance» dans un pays indépendant depuis bientôt 70 ans?

Le 17/02/2024 à 09h00

On nous répète souvent que l’on n’a que les partis que l’on mérite. Cette idée n’est pas fausse, mais on va la prendre avec des pincettes.

Au Maroc, on le sait, le plus grand parti n’a pas de nom. Il pèse plus lourd que l’ensemble de la classe politique réunie. C’est le seul parti que même les islamistes courtisent et craignent à la fois. Ce parti sans nom, c’est la rue, c’est la jeunesse, c’est des millions de Marocains de tous bords, qui ne se reconnaissent ni dans les partis, ni dans les instances élues.

Et pourtant!

Ce grand parti rassembleur et fédérateur pourrait (devrait?) bien s’appeler l’Istiqlal. Oui, vous avez bien lu. L’Istiqlal a des arguments que les autres n’ont pas. En veux-tu, en voilà. Il a la légitimité historique. Une identité claire. Un référentiel taillé pour séduire les masses. Une solide organisation qui en fait le parti le mieux implanté dans tout le territoire marocain.

Si l’Istiqlal a historiquement démarré comme le parti des villes par excellence (Fès, Rabat-Salé, Marrakech), au point d’être taxé de «parti de la petite bourgeoisie citadine», il est aussi devenu, après l’indépendance, le parti de l’arrière-pays, du Maroc profond. C’est le seul capable de battre, à la régulière, et les islamistes et les partis dits cocotte-minute. Et cela, il le doit à sa remarquable implantation et au travail de terrain de ses petites mains.

Le parti fondé par Allal El Fassi (un zaïm intelligent, le mix parfait entre tradition et modernité) a beaucoup apporté du temps du protectorat et à la post-indépendance. Mais que représente-t-il aujourd’hui? Son nom même devient un problème. Comment peut-on encore parler d’Istiqlal (indépendance) dans le Maroc d’aujourd’hui?

Qu’attend donc l’Istiqlal pour faire sa mue et devenir le grand parti de droite, conservateur mais éclairé (ou libéral, si vous préférez), non radical, que le Maroc attend depuis les années 1960? Où est donc passé l’héritage d’Allal El Fassi? Pourquoi ce parti si bien implanté et organisé ne change-t-il pas de nom, pour commencer?

Comment peut-on encore s’appeler «l’indépendance» dans un pays indépendant depuis bientôt 70 ans? C’est un anachronisme qui renvoie l’image d’un parti qui n’est pas grand mais «vieux», un parti assoupi, un parti de caciques dépassés par les enjeux du Maroc d’aujourd’hui.

Ce n’est pas seulement une question de marketing politique. L’Istiqlal (ou le futur ex-Istiqlal) a encore une carte à jouer. Il est le seul à pouvoir regarder dans les yeux les islamistes (dont beaucoup ont grandi à l’intérieur de la famille istiqlalienne) parce que leur terrain lui appartient.

La parenthèse Chabat, qui a été utilisé pour soi-disant contrer la montée du PJD, a été une erreur stratégique. Mais il y a eu d’autres erreurs. Le potentiel est là. Il y a encore quelques étiquettes à chasser: comme cette image du parti des familles et des notables.

On dit que c’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes. Et on veut bien le croire. Pourquoi nos amis istiqlaliens ne nous serviraient-ils pas cette soupe dont ils ont le secret, à l’occasion du prochain congrès du parti en avril prochain? En attendant de changer de nom…

Par Karim Boukhari
Le 17/02/2024 à 09h00