Nous sommes en guerre!

Mouna Hachim.

ChroniqueGuerres virtuelles et menaces réelles…

Le 21/09/2024 à 11h30

Oubliez ici les trois premières générations de guerre, les armes conventionnelles, les très classiques stratégies militaires, les attaques informatiques primaires! Nous ne sommes plus très loin des guerres dans le métavers.

Avec les tentatives déjouées de l’assaut spectaculaire de migrants sur la barrière frontalière de Sebta, succédant à des appels relayés massivement sur les réseaux sociaux et connaissant une large interaction entre les jeunes, les plateformes numériques se sont transformées en champs de bataille.

C’est la guerre au bout des doigts, se déroulant dans un espace dématérialisé et sans frontières, affranchie des règles et de l’effort physique, enregistrant sans grands frais et sans puissance de feu des dégâts incontestables, non plus au niveau des pertes humaines, mais essentiellement sur le plan de l’image.

L’offensive algérienne, avec son déluge de fake news et de messages nuisibles, ne date pas du 15 septembre ni ne se limite au cyberespace.

Toute personne familière des réseaux sociaux peut constater l’ampleur de la malveillance dans la couverture des derniers événements de la part de profils algériens tous azimuts, qu’il s’agisse de personnes connues (institutionnels, journalistes, influenceurs…), davantage soucieuses de ce qui se passe chez le voisin que dans leur pays d’origine (dont la jeunesse n’est pas moins désenchantée ni absente du lot des candidats à l’exil), qui plus est sortant d’un scrutin au score stalinien; ou qu’il s’agisse de milliers de faux comptes directement pilotés par le ministère de la Propagande.

Malgré la coordination entre la crise migratoire et les appels à manifester dénotant d’une planification certaine, loin de moi l’idée de tout renvoyer à un complot extérieur, opérant dans le cadre d’une stratégie de déstabilisation, une forme de Blitzkrieg numérique ou de guerre éclair.

Seule une enquête approfondie identifiera les instigateurs, bien que, selon certains articles de presse, les services de renseignement marocains et espagnols aient déjà détecté que la plupart des comptes appuyant l’assaut ont été créés il y a près d’un an, avec des adresses IP qui ne provenaient pas du Maroc.

«À la surcharge informationnelle des réseaux sociaux répond la frilosité des médias classiques, le long mutisme du gouvernement et le brouillard de guerre.»

Ce qui est avéré et constatable par tous, c’est une couverture cybernétique orchestrée où tous les coups sont permis, entre mensonges, manipulations et diffamation, jouant sur l’impact émotionnel et sur le choc d’images à fort potentiel viral, qu’elles soient effectives ou fabriquées, afin de tenter de déstabiliser les politiques et de semer la confusion auprès de l’opinion publique.

Dans cette techno-guérilla, caractérisée par sa temporalité accélérée et par son flot de désinformation voulue comme une arme psychologique insidieuse, les Marocains sont impressionnants par leur mobilisation, vérifiant l’authenticité de chaque vidéo, débusquant chaque image fallacieusement truquée, démystifiant chaque information trompeuse et produisant un contenu alternatif qui met à nu la propagande anti-marocaine, loin de l’apathie des modes de communication traditionnels.

Car à la surcharge informationnelle des réseaux sociaux répond la frilosité des médias classiques, le long mutisme du gouvernement et le brouillard de guerre.

Ces nouvelles donnes obligent pourtant à repenser la sécurité collective et à mesurer les enjeux pour mieux les contrer même si par ailleurs, contrairement aux vœux des semeurs de maléfices, l’action du Maroc pour faire face aux tentatives de migration collective vers l’enclave de Sebta a été saluée, notamment par le ministre espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération, José Manuel Albares.

Oui, nous sommes en guerre, contre les ennemis de l’intégrité du Royaume qui manigancent depuis des décennies par tous les canaux possibles et qui, voyant s’écrouler leurs châteaux de sable au bord de l’Atlantique, ne savent plus quoi faire de leur rejeton campé dans sa république de Tindouf.

«De voir ces marées à l’assaut de l’inconnu, happées par les mirages de l’Eldorado, c’est d’abord un incommensurable sentiment de malaise et de tristesse qui nous envahit.»

Mais nous devons être aussi en guerre contre les responsables de l’échec des politiques économiques et sociales, contre tout ce qui freine le développement équitable et creuse les inégalités sociales, contre les politiciens ankylosés dans leur immobilisme qu’ils confondent avec stabilité, contre les fabriques du désenchantement qui plongent des pans entiers dans le désespoir, contre l’instrumentalisation de la détresse humaine…

De voir ces marées à l’assaut de l’inconnu, happées par les mirages de l’Eldorado, c’est d’abord un incommensurable sentiment de malaise et de tristesse qui nous envahit. Mais est-on si surpris, quelles que soient les nationalités mêlées des candidats au départ?

Qu’a-t-on concrètement fait pour cette jeunesse et comment nous le rendra-t-elle?

À quoi s’attendre dans des villes en manque d’écoles publiques de qualité, d’emplois valorisants, de centres sportifs et artistiques à la portée de tous…, avec pour principales attractions des cafés et des écrans, dans une sorte de ghettoïsation urbanistique où les plus démunis sont chassés plus loin de la cité vers des «villes champignon» aux constructions anarchiques, dépourvues parfois jusqu’à d’une couche de chaux de fortune? Ni villes ni campagnes… Ni arbres ni lieux de sociabilisation. Juste une succession de bâtisses et une jeunesse acculée à errer entre des murs.

Ce serait tellement mieux pour l’égo de se dégager de toute responsabilité, mais, disait le célèbre général chinois Sun Tzu dans son «Art de la guerre»: «Connais l’adversaire et surtout connais-toi toi-même et tu seras invincible».

Par Mouna Hachim
Le 21/09/2024 à 11h30