Maroc-États-Unis: c’est arrivé un 25 janvier…

Mouna Hachim.

ChroniqueLe 25 janvier 1787 est la date de la signature du Traité de paix et d’amitié maroco-américain, toujours en vigueur, considéré comme le plus ancien jamais signé par les États-Unis avec un pays tiers.

Le 25/01/2025 à 10h57

Il y a exactement 238 ans, «avant même l’adoption de la Constitution fédérale», comme le précise le «Recueil des Cours» publié par l’Académie du droit international de La Haye, un traité historique fut signé «entre les États-Unis d’Amérique et Sa Majesté impériale l’Empereur du Maroc».

Le contexte, du côté marocain, est celui du règne du sultan Sidi Mohammed ben Abd-Allah, connu pour sa subtile diplomatie et sa clairvoyance géopolitique.

Outre la libération de Mazagan d’une longue présence portugaise, la fondation d’Essaouira, la reconstruction d’anciennes places fortes telles que Casablanca ou Mohammedia, ainsi que l’ouverture de leurs ports au négoce international, le souverain alaouite s’est illustré par ses relations de paix et d’amitié avec de nombreuses nations chrétiennes, sans oublier l’Empire ottoman.

Ainsi ont été établis des traités avec la France de Louis XV puis de Louis XVI; de même qu’avec l’Espagne; le Portugal; la Cour des Habsbourg; la Russie, comme en témoignent les différentes correspondances entre le sultan et l’impératrice Catherine II; l’Angleterre, dont une mission avait été envoyée au Maroc, dirigée par Sir Mark Milbanke qui conclut, en 1760, un Traité de paix et de commerce à Fès, renouvelant celui de 1729 et préparant la voie à l’échange de plusieurs ambassades sous le règne du roi George III.

En plus d’autres échanges diplomatiques avec des États tels que les Pays-Bas, la République de Gênes, Venise, Malte, la Prusse, la Suède, avec laquelle a été signé en 1763 un premier traité en vertu duquel une première légation suédoise a été installée au Maroc; ou encore le Danemark, qui établit le premier consulat européen à Essaouira et dont l’un des célèbres diplomates, Georg Höst, a sillonné le Maroc…

Du côté américain, les représentants des Treize Colonies, réunis en Congrès à Philadelphie, votèrent le 4 juillet 1776 la Déclaration d’Indépendance, rédigée essentiellement par Thomas Jefferson.

Cet acte fondateur et révolutionnaire s’inscrit dans un long processus de contestation et de lutte en faveur d’un régime démocratique émancipé de la tutelle de la Couronne, tout en portant des aspirations universelles.

Cependant, cette indépendance ne sera effective qu’après la guerre de libération, opposant, entre 1775 et 1783, la Grande-Bretagne aux treize colonies insurgées (dites Provinces-Unies d’Amérique), avec George Washington comme commandant en chef des troupes continentales.

Malgré quelques revers des Insurgents face à une armée aguerrie, la victoire américaine est retentissante, suivie de la signature, à Versailles, du traité de Paris, qui officialise, en 1783, la reconnaissance par le Royaume-Uni de la pleine indépendance des tout nouveaux États-Unis d’Amérique.

Or, dès le 20 décembre 1777, et alors que la guerre d’Indépendance battait encore son plein, le Maroc marque l’histoire en devenant le premier pays au monde à reconnaître de facto l’indépendance de la jeune République en devenir, en accordant aux navires battant pavillon américain le droit d’arrimer dans les ports marocains «sans peur ni dommages».

Devant l’importance de cette reconnaissance, tant sur le plan symbolique que stratégique, l’émissaire américain Thomas Barclay fut désigné pour négocier les termes du traité d’amitié avec le Maroc.

En juin 1786, il arrive à Marrakech, où il est reçu par le représentant du Sultan, Taher ben Abd-el-Haqq Fennich.

Dès lors, les pourparlers sont entamés et aboutissent à la rédaction en langue arabe des articles du traité, scellés du sceau royal par le souverain marocain le 23 juin.

Ledit traité traduit en anglais fut remis à Thomas Barclay le 28 juin, puis transmis à Thomas Jefferson, qui le signa à Paris le 1er janvier 1787, ensuite à John Adams, qui en fit de même le 25 janvier à Londres (les deux ministres plénipotentiaires deviendront respectivement le 3e et le 2e président des États-Unis), avant sa ratification par le Congrès le 18 juillet 1787.

Considéré comme le plus ancien traité jamais signé par les États-Unis avec un pays tiers et comme le plus ancien traité toujours en vigueur dans l’histoire diplomatique maroco-américaine, il s’impose, au-delà de la question de la reconnaissance, comme le point de départ d’une alliance destinée à perdurer à travers les siècles.

«C’est aussi à Sidi Mohammed Ben Abdellah, écrit Hassan Ouazzani Chahdi dans son ouvrage «Le Maroc et les traités internationaux», que le premier président des États-Unis, Georges Washington avait adressé une lettre, le 1er janvier 1789, dans laquelle il le remerciait pour avoir accepté d’intervenir auprès des gouvernements de Tripoli et de Tunis, qui étaient en conflit avec les États-Unis et qui ne voulaient pas les reconnaître».

Voici un extrait de cette lettre adressée par le président au sultan, datée du 1er décembre 1789 à New York:

«(…) J’ai reçu également les lettres que Votre Majesté Impériale a eu la bonté d’écrire en faveur des États-Unis aux Bachas de Tunis et de Tripoli, et je lui présente les sincères remerciements des États-Unis pour cette marque importante de son amitié pour eux... l’encouragement que votre Majesté a bien voulu donner à notre commerce avec son empire, la ponctualité avec laquelle a été exécuté le traité, fait avec nous, les mesures justes et généreuses qui ont été prises dans l’affaire du capitaine Proctor, ont fait une impression profonde sur le gouvernement des États-Unis.»

Un peu plus tard, en 1795, sous le règne du sultan Moulay Slimane, le traité fut renouvelé et, en 1821, une représentation diplomatique fut offerte aux États-Unis, représentés alors par leur cinquième président, James Monroe.

Il s’agit d’une belle bâtisse du XVIIIème siècle située au cœur de la ville de Tanger, devenue la plus ancienne propriété diplomatique américaine au monde avec, pour autres spécificités, d’être le seul monument historique américain situé hors des États-Unis et l’un des premiers inscrits au Registre des biens d’importance culturelle du secrétaire d’État.

Depuis sa fondation jusqu’aux années 1960, elle a servi de mission diplomatique américaine, et poursuit, aujourd’hui encore, sa vocation en tant que musée, centre culturel et témoin vivant de relations séculaires.

Par Mouna Hachim
Le 25/01/2025 à 10h57

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